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cidée, ou dans la trifteffe la plus fombre, a payé fon tribut par une jolie Pièce intitulée : Les Trois Saurs Nayades. On ne lira pas avec moins de plaifir quelques Pièces de M. Vigée, Auteur des Aveux Difficiles, petite Comédie qui a réuffi fur la Scène Françoife; & de jolis vers de M. le Chevalier de Rivarol, qui finiffent par celui ci:

J'ai perdu tout, quand j'ai tout obtenu.

C'eft avec un intérêt mêlé de furprise qu'on voir dans ce Volume M. de la Place, le contemporain & l'ami de tant de Littérateurs que la mort nous a enlevés, femer de fleurs les pas de fa Mufe en cheveux blancs, & conferver dans fes vieux jours toute la gaîté de la jeuneffe. Il y a de lui plufieurs Contes pleins d'enjouement.

Ce mot de Conte nous rappelle un nouveau concurrent dans ce genre; c'eft M. de Cambry. Son Jaloux puni a obtenu un fuccès qui en promet d'autres à fon Auteur.

L'Édireur a recueilli auffi, fuivant fon ufage, quelques vers de plufieurs Auteurs moris depuis peu de temps; de M. Borde de M. Saurin, de M. de Treffan, & de M. de la Louptière. On ne lit point ces Pièces, de quelque genre qu'elles foient, fans un fentiment trifte, excité par le fouvenir de leurs pertes. Tâchons d'effacer cette fombre idée par une Épigramme de M. Pons de Verdun, qui en a mis plufieurs dans ce Volume:

Les fuites d'une Affaire.

Vous difputez, mon cher; moi, je m'enfuis.
Vive la paix ! Quelle crainte eft la vôtre?

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·Je n'eus jamais qu'une affaire, & depuis J'ai bien juré de n'en avoir point d'autre. Voici comment la chofe fe paffa:

Dans un café je buvois de la bière,
Lorfqu'un matou, que mon voifin pinça,
Voulut s'enfuir, & fit tomber mon verre;
Si qu'en tombant mon verre fe caffa.
Or, de fes fens on n'eft pas toujours maître ;
Je lache une f, j'en lache deux peut-être, -
Et mon voifin, qui n'aimoit pas les f,
Par un foufflet me répartit en bref.

Ciel! un foufflet, devant une affemblée!

En plein café! quoi! férieufement!

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L'affaire eut donc des fuites? Oh! vraiment, Pendant un mois j'en eus ka joue enfiée.

On regrette, en lifant ce Volume, de n'y voir rien de M. de Fontanes, de M. Roucher, & trop peu de M. François de Neufchâteau, de M. le Chevalier de Cubières, & de M. de Piis.

On voit encore au bas de Pièces agréables, les noms de MM. Goulard, le Comte Raiecki, Mérard de Saint Juft, de la Montagne, Pothier de Biele, Roman, le Comte de S** Guyétand, de la Chabeauffière, &

de quelques autres que nous ne nommerons pas, parce qu'il faudroit prefqu'autant de temps pour écrire leurs noms que pour lire leurs Ouvrages, tant ils font de peu d'étendue. Il y a auffi parmi les Anonymes quelques Pièces qui feront plaifir. Mais on en trouve auffi d'autres que nous n'aurions pas cru devoir être admifes, comme celle ci: Certain bofu, grand engeoleur de filles, Pour en féduire une des plus gentilles, Lui promettoit, s'en croyant sûr déjà, Belle maison, diamans & carroffe. Oh! que nerni, dit-elle! nenni dà!

Ce n'eft

pas moi qui donne dans la boffe.

Nous en dirons autant d'une autre Épigramme qui finit par ces deux vers:

Ou ne fauroit bouder long temps

Quand on boude contre fon ventre.

On pouvoit d'autant mieux fe paffer de cette Épigramme, que l'Auteur, M. James, en a fait d'autres qui font jolies.

On fait que l'Almanach des Mufes eft auf le Parnaffe des Dames. Celles dont les noms parent ce Volume font: Madame la Ducheffe de B**, qui a adreffé de fort jolis vers à Mile de Sivry; cette même Demoifeile, qui a très-agréablement répondu aux vers précédens; Mlle de Gaudin, à qui nous avons déjà donné de juftes éloges; Madame la Baronne de Bourdic, qui en mérite tous

les jours de nouveaux; Madame la Comteffe de T**, qui a fait des Couplets charmans à fon Mari, & Madame la Marquise de la Fer***, chez qui la fenfibilité parle toujours le langage des Grâces. Cette Dame a plufieurs Fables charmantes. Nous allons citer celle qui nous a plû avantage.

Les deux Loups.

UN Loup malade, & gardant fa tannière,
Déteftoit les forfaits de fa dent meurtrière,
Et le cœur bien contrit renonçoit à pécher.
Un autre Loup voifin, fon ami, fon confrère,
Pour de nouveaux exploits accourut le chercher ;
Le malade dévot fe met à lui prêcher
La morale la plus auftère.

"Troublerons nous, dit-il, fans ceffe le repos
» Et des Bergers & des troupeaux ?

» Sur leurs malheurs, hélas! mon ârue eft attendrie: » Grâce au ciel, je deviens aussi doux, aussi bon, ? Qu'un Mouton,

» Et je vais l'être enfin le refte de ma vie.
"Oui, files Dieux encor m'accordent quelques jours,
Je veux les employer à courir au fecours
30 De tous les t oupeaux Ju village.

Crois-moi, devenons bonnes gens;
Quel plaifir d'être aimé de tout le voisinage!
» On vit très-bien de racines, de glands;
N'as-tu pas effrayé, dégoûté du carnage?
Les végétaux font fains & plus appétiffans,»

Son voifin l'écoute, l'admire,

Mais craint

que l'Orateur ne foit dans le délire.

Il gémit, plaint fon fort,

Fait les adieux & fe retire.

Trois jours après, tremblant qu'il ne fût mort,
Il veut revoir le pauvre fire:

Sans Médecins on guérit promptement;

Il le trouve convalefcent

Et mangeant

Un jeune & tendre Agneau, puis apperçoit fa mère, Qui dans un coin de la tannière

Se débattoit encor & pleuroit fon enfant.

» Oh, oh! dit il alors, flairant la bonne chère, »Tu devenois Mouton, difois-tu l'autre jour! »Tu prenois fa douceur, fes goûts, fon caractère, » Et tu voulois déformais tour-à-tour

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Protéger les Troupeaux ainfi que la Bergère ?
Ton pathétique & beau fermon

» Avoit fur mon efprit fait telle impreffion,
Que j'allois me réduire en fin à la falade.

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-

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- Quoi! tu ferois fi fot? - On ne vit pas de rien; Tiens, partageons, cher camarade,

» J'étois Mouton lorsque j'étois malade,

"Mais je fuis Loup quand je me porte bien. »

Voilà ce que nous avons trouvé de plus remarquable dans la lecture de ce Recueil; mais nous prendrons la précaution de mettre au bas de ce compte rendu, fauf erreur ou emiffion; il y a tant de noms à lire, tant

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