Page images
PDF
EPUB

Souvent en ville on me fait arrêter,

Cruellement on échange mes filles,
On me les prend affreufes ou gentilles,
Comme une troupe on les range à l'instant,
Chacune après trouve fon logement.

Qui croiroit

q'ue, par un fentiment tendre, Avec ardeur on leur ouvre le fein?

Si de me voir on conçoit le deffein, Aux grands chemins il faut aller m'attendre. (Par M. 3. J. de Montargis.)

JE

LOGO GRYPH E.

[ocr errors]

E fuis aveugle & je n'ai pas un sou; Mais par l'effort de mon vafte génie, Je vis aux frais & du fage & du fou. De mes talens admire la magie; A ce portrait tu me crois quinze-vingt. Non. J'ai fept piés, mon fexe eft féminin Sur mes billets chez moi l'argent abonde Comme à l'hôtel de nos traitans fameux, Et, tous les mois, je rembourfe mon monde Par un moyen qui ne plaît qu'aux heureux Veux-tu, Lecteur, ailément me connoître ? Prends ton fcalpel & difféque mon être. Mes trois premiers expriment fans détour Ce qu'aucun gagne à me faire la cour;` Tu vois en quatre, auffi fans rien défaire,

Pour les friands un poiffon de rivière.
Retourne-moi, tu verras dans mes flancs
Le vieux Jupin des peuples Allemands;
Un ancien jeu qui plaifoit à nos mères ;
La paffion qui ne fied qu'aux Mégères 3
Un inftrument; un fleuve; un animal;
Près du Saint-Père un fameux Tribunal;
Ta sûreté; le foutien d'un Empire.
Mais finiffons, j'en aurois trop à dire.
(Par M. Mazérou, au Blanc. )

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

ALMANACH des Mufes, 1784. A Paris, chez Delalain l'aîné, Libraire, rue SaintJacques, vis à-vis la rue du Plâtre.

ON remarquera fans doute que l'annonce

de cet Ouvrage fe trouve aujourd'hui fort éloignée de l'époque de fon apparition; & il femble d'abord qu'une mention auffi tardive porte évidemment atteinte au privilége qui doit lui être commun avec les nombreufes productions du mois de Janvier. Ent effer, fi ce Recueil avoit la deftinée d'un Almanach, comme il en porte le titre, ce feroit choisir, pour notifier fon existence, refque l'époque de fa décrépitude; car fa urée fe renfermeroit déformais dans l'ef

pace de fix mois. Mais par bonheur fon exiftence n'eft pas auffi éphémère que fon titre l'annonce; peut-être même la fortune qu'il a faite auroit-elle dû lui faire ôter cette dénomination devenue un peu trop inodefte; & il ne l'a confervée fans doute que pour rappeler & juftifier fon droit d'aîneffe fur d'autres Recueils poétiques qui font nés de fon fuccès, & appelés à fon inftar du nom d'Étrennes ou d'Almanachs.

Quoi qu'il en foit, on fait que, chaque année, l'apparition de ce Recueil n'eft pas une petite affaire pour les Amateurs curieux, & qu'ils vont affiéger la porte du Libraire qui le diftribue, pour épier le moment de fa bienheureufe apparition. Non-feulement il intéreffe & fait courir ceux qui aiment la poéfie & ceux qui la cultivent, il a même de quoi plaire aux Nouvelliftes politiques & aux Nouvelliftes de ruelles, à ceux en un mot qui veulent être au courant des grandes affaires d'État & des petits événemens de Société ; car tout y eft mentionné en grands ou petits vers, en ftrophes ou en couplets. On pourroit dire qu'on trouve dans cet Almanach les annales de Paris, nous avons prefque dit l'Hiftoire de France. En effet, toutes les morts célèbres y font pleurées; toutes les grandes naiffances y font chantées; tous les mariages, enregistrés; toutes les fêtes, chommées; tous les événemens publics, configués; toutes les découvertes, célébrées. Il eft vrai qu'ordinairement les mêmes ob

jets y paroiffent efcortés de l'éloge & du perfifflage; mais tout cela ne peint que mieux les mœurs de Paris.

Delà il réfulte que tous les genres, de poéfie s'y reproduifent fans ceffe; l'Épigramme & le Madrigal, la Satyre & l'Éloge, 'Idylle & les Ruptures, l'Épitre & l'Ode, le Conte & la Fable, tout jufqu'au Triolet & aux Bouts rimés. On fent combien il feroit aifé de plaifanter doucement fur ce petit tableau encyclopédique; mais il n'en eft pas moins certain qu'on peut fuivre dans ce Recueil les progrès ou la décadence de la poélie, & s'il eft vrai qu'on y life des vers qu'on croiroit ne devoir pas s'y trouver, il faudra convenir aufli qu'il renferme toujours les meilleurs qu'on ait faits dans l'année, dont il recueille les productions. D'ailleurs, fi l'on fonge que pour des Ouvrages de la plus longue haleine, deux hommes de goût & de bonne foi peuvent, jufqu'à un certain point, différer d'opinion, on fentira combien il eft poffible, facile même, que l'un des deux, s'il fait un Recueil femblable à celui-ci, rejette ou admette une petite poélie fugitive, moins par caprice que par jugement. Ajoutons qu'une Pièce de vers qui n'eft que paffable, paroît bien plus foible encore par le voisinage des meilleures productions de nos meilleurs Poëtes; & que c'eft alors fur tout qu'on trouve jufte l'application de ce vers de Boileau:

Il n'eft point de degré du médiocre au pire.

Tout cela explique pourquoi l'on trouve fouvent dans un choix de poéfies, telles Pièces dont l'admiffion paroît contredire la réputation de goût qui eft acquife ou qu'on fuppofe au Rédacteur.

Quant à celui de l'Almanach des Mufes, il eft connu pour un Littérateur éclairé, qui fait fentir & apprécier les beautés & les défauts de la profe & des vers; qui, par des analyfes eftimées & lûes avec intérêt prouve ailleurs fa miffion de fage critique, & qui, en jugeant le ftyle d'un Écrivain, donne le précepte & l'exemple tout-à-la- fois.

Jetons fur le tribut de cette année un coup d'œil qui puiffe adoucir un peu, s'il eft poffible, nos regrets fur le déclin des Mufes Françoifes. On y retrouve avec plaifir prefque tous les noms des Poëtes qui ont coutume d'enrichir annuellement ce Recueil de leurs diverfes productions. Si nous voulons commencer par la grande poćfie, nous remarquerons une Ode de M. de Murville, fur les fleuves; Ouvrage riche en expreffions & en harmonic, d'un ton noble, foutenu & digne de nos bons Lyriques. On regrette feulement, en le lifant, que le Poëte n'annonce pas un but plus marqué, & n'ait pas une marche plus fuivie; on y defire non le ton didactique d'une differtation, mais on y voudroit plus fouvent cette logique toujours néceffaire, qui par conféquent doit être cachée, mais non abfente, dans un Poëme Lyrique. Cette obfervation n'empêche pas

« PreviousContinue »