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la forme & la mettre en vers, chan gement très indifférent pour le fuccès, quois qu'en ait penfé Cahufac. Le fuccès eft dû au charme de la naïveté de Zénéïde, à la vivacité d'Olinde, aux illufions de l'Amour, a piquant des fituations, à tous ces traits de fentiment, d'efprit & de délicateffe dont la Pièce eft remplie, & tout cela est l'’Ouvrage de M. Watelet.

Mais quelle eft l'hiftoire de ce plagiat, s'il faut le nommer ainfi ? La voici.

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M. Watelet avoit abandonné cette Pièce à M. de Cahufac, qui, après en avoir entendu la lecture, la lui avoit demandée avec inftance. « J'avois, dit l'Auteur, des raifons pour ne pas montrer publiquement lé goût qui me portoit dans mes premières années à des ainufemens Littéraires; (& ces raifons, connues de M. de Cahufac, furent fans doute le fondement de fa demande) j'avoue, continue l'Auteur, que je fentis » auffi la curiofité d'éprouver, fans rifque, »les hafards de la représentation. Je fis ce

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pendant mes conditions. J'exigeai qu'on me montreroit Scène à Scène la traduc» tion; je demandai qu'on ne changeât point ma fable, & fur tout que l'Ouvrage, heureux ou malheureux, reftât anonyme. Ce pacte, ainsi que tant d'autres plus im»portans, ne fut pas trop bien obfervé. On ne me montra que la première Scène ver» fifiée. On l'avoit furchargée du récit d'une 'apparition de la Fée Urgande, que je

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rayai impitoyablement. On ne me deman» da plus d'avis..... En dépit de toute déli» cateffe d'Auteur, le père adoptif de Zé » neïde la prit fur fon compte, fans reftric

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tion; mais les amis qui é oient dans la » confidence, furent indifcrets..... & les Almanachs des Théâtres apprirent au Pu blic que j'avois eu part à cet Ouvrage.... » Aujourd'hui je rends les vers à celui qui » les a faits, & je donne la Pièce telle que

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je l'ai écrite.... Je ne réclame que le petit » mérite de l'invention, & cela, parce què » bien certainement il m'appartient.

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Ce mérite de l'invention n'eft pas le feul. Le dialogue a bien plus de naturel & de vérité; les détails, les développemens, bien plus de richeffe dans l'original que dans la copie. Les mots même les plus précieux que le verfificateur a confervés, ne viennent pas auffi à propos, ne font pas auffi bien placés, n'ont pas le même degré de convenance, de jufteffe, de prefteffe. L'avantage des vers, avantage qu'ils doivent à la contrainte même de la mesure & de la rime, doit être de donner plus d'éclat aux penfées, de les graver dans la mémoire, d'obliger à mettre plus de choix & plus de goût dans l'expreffion. L'avan tage de la profe eft d'avoir plus de fimplicité, de naturel, d'abandon, de reffemblèr davantage à ce qu'elle imite, de fuivre de plus près la Nature dans tous fes mouvemens, dans la marche des idées & des fentimens, mérite bien précieux dans PArt

Dramatique, fur- tout dans la Comédie. Or, les vers de M. de Cahufac, quoiqu'en général affez bien faits, ne nous paro:ffent pas avoir le mérite propre aux vers,dans le même degré où la profe de M. Watelet a le merite dont la profe eft fufceptible. Lo fque les deux Auteurs emploient les mêmes idées, l'avantage même de l'expreffion eft prefque toujours du côté de la profe; l'imita eur n'emploie pas, à beaucoup près, tous les traits heureux que fon modèle lui fournit ; & ceux qu'il ajoute quelquefois de fon chef, font moins effentiels à l'action, moins adaptés au caractère du perfonnage, que tendans à' montrer le Poëte & à provoquer les applau diffemens.

Dès la première Scène de la Pièce en profe, Zénéïde peint plus naïvement son aimable caractère. Dans les vers, elle parle à la Fée de fes bienfaits, mais il femble qu'elle ne veuille qu'en avoir parlé, le trait n'eft point placé; il vient quand il peut & comme il peut; dans la profe il fort naïvement du dialogue, comme du cœur de Zénéïde. La Fee lui reproche d'avoir conté toure fon hiftoire, d'avoir tout dit au jeune inconnu qu'elle a trouvé au Bal.

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« Mais.... mon hiftoire, n'est-ce pas vos bienfaits? Ah ! je me ferois reproché d'avoir rien oublié.

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Dans la grande Scène entre Olinde & Zé

néïde, où il s'agit d'établir l'opinion de la prétendue laideur de celle-ci, Olinde dans la profe eft bien plus galant, plus doux, plus paffionné que dans les vers; il n'a pas cette teinte de Petit-Maître que Cahulaç lui donne quelquefois; il ne dit point brufquement, & d'un ton pique :

Paifque je fuis forcé d'être fincère......

On ne fe cache point quand on a de quoi plaire.

Il préfente la même idée; mais avec quelles précautions, avec quelles reftrictions, avec quels correctifs! comme on voit toujours un amant qui craint d'offenfer ce qu'il aime!

Zéneïde fe fâche de ce qu'Olinde s'obftine à la croire belle; & cerre colère, où Olinde n'entend rien, eft bien dans la fituation de Zéneïde, à caufe de la menace d'Urgande, dont elle est inftruite, & qu'Olinde ne peut favoir.

Votre obftination m'excède.

Je me connois, apparemment
Et je vous dis que je fuis laide.
Plus de difpute, ou.... je me fâcherai,

Ce ton d'humeur & d'autorité, ce ton d'enfant gâté n'eft point du tout ce qui convient; l'obftination d'Olinde n'a rien d'excédent, elle eft obligeante; il y a bien plus de finesse & de raifon dans cette autre expreflion de la même impatience.

“Ne voilà-t'il pas qu'il me croit la plus

belle perfonne du monde! Et point du tout. Vous ne favez rien de tout ce que "vous dites. Pourquoi parler comme un 3 étourdi fans connoître, fans....

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OLIND E.

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" Mais que voulez vous, vous même, me faire entendre? Aimable Zénéïde, oh! fi » vous fentiez tout ce que je sens, vous fau» ríez que le cœur devine, & devine bien plus sûrement, bien plus promptement que les yeux ne peuvent appercevoir. Eft» ce que vous ne vous êtes pas apperçue » mes regards qu'on s'entend fans fe parler, qu'on répond à ce qui n'a pas encore été " prononcé, & qu'on ne fe trompe jamais quand les fentimens font d'accord? Hélas! pourquoi ne nous comprenons-nous plus depuis quelques momens? »

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Au lieu de cette éloquence amoureufe, de ce langage paffionné, on ne trouve dans la copie que cette petite phrafe sèche & commune en comparaifon de l'autre.

Non, je ne vous crois pas.

Mon cœur me parle, il me peint vos appas;
Et c'eft lui feul que j'en veux croire.

Mais c'eft fur tout dans le monologue d'Olinde que les deux Auteurs font le plus différens, & que le Traducteur n'a pas même eu le mérite de fentir celui de l'original.

Olinde croit Zénéïde laide, & il s'arrange fur ce pied-là.

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