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PERSONNAGES.

ORGON, père de Dorise.

DORISE, fille d'Orgon.

LÉANDRE père,

LÉANDRE fils,

MARINE.

FRONTIN.

CRISPIN.

amoureux de Dorise.

La scène est à Paris, dans la maison d'Orgon.

EXTRAVAGANCE,

COMÉDIE.

Je n'ai

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

FRONTIN, seul.

E pu la gagner; morbleu ! quelle suivante! Promessse, argent, prière, enfin rien ne la tente. Tout est à contre-sens; fille à qui tout est bon; Père qui pour époux veut qu'elle ait un barbon; Soubrette incorruptible.

SCÈNE II.

LEANDRE FILS, FRONTIN.

LÉANDRE.

AH! Frontin, la verrai-je?

Pour la voir, lui parler, dis-moi comment ferai-je?

FRONTIN,

Modérez-vous, monsieur : moins de vivacité

Conviendroit un peu mieux à l'amour molesté;

Le vôtre est dans le cas...

LÉANDRE.

Comment, que veux-tu dire?

FRONTIN.

Ce que je ne dis pas, vous ne sauriez le lire?

Je n'ai pas dans les yeux votre malheur écrit ?
Regardez-moi, monsieur...

Parle...

LÉANDRE.

Il a perdu l'esprit.

FRONTIN.

Plus d'espoir...

LEANDRE.

Quoi?...

FRONTIN.

Vous êtes jeune, aimable,

Voilà votre malheur...

LÉANDRE.

Comment?...

FRONTIN.

Oui, c'est le diable,

Il vaudroit mieux cent fois que vous fussiez voûté,
Ridé, cassé, goutteux, impotent, édenté,
Que d'avoir ce minois et cet air fait pour plaire.
Je vois que vous voulez encore un commentaire :
Silence, on y viendra. Vous autres jeunes gens
Croyez que tout est dit, lorsqu'on n'a que vingt ans ;
De vos vœux là-dessus vous fondiez l'édifice,
C'est ce qui le détruit...

LÉANDRE.

Ah! Frontin, quel supplice!

De cette énigme enfin apprends-moi donc le mot.

FRONTIN.

Ce récit, comme vous, m'avoit rendu fort sot ;

Je vais vous l'expliquer. Monsieur Orgon le père
Veut un gendre qui soit au moins sexagénaire.
Sa fille a la bonté de vouloir ce qu'il veut;
Voilà votre congé, ce me semble.

LÉANDRE.

Il se peut

Que Dorise consente à cette extravagance?

FRONTIN.

Bon! elle épouseroit, tant elle a d'indolence,
Un siècle bien complet. Aussi que n'avez-vous
Quelque vingt ans de plus? vous seriez son époux.
Le point essentiel, quand on veut une fille,
C'est de s'accommoder au plan de sa famille ;

Vous avez tort, monsieur. De plus, certain grison
Bientôt pour épouser arrive en la maison:

L'affaire est résolue...

LÉANDRE.

Oh ciel! quel coup de foudre !

Frontin, à l'oublier ne pouvant me résoudre,
Il faut ou l'arracher des mains de ce rival,
Ou mourir...

FRONTIN.

Le dessein est tant soit peu brutal;

Mourir est un parti qu'on ne doit jamais prendre.
Fi donc un seul revers doit-il vous faire rendre?
LÉANDRE, après avoir révé.

Non, je verrai Dorise et je lui parlerai.

Le dessein en est pris, je l'exécuterai.

Amour, seconde bien ma bizarre entreprise :
Tout me devient permis...

FRONTIN.

Mais sa main est promise.

LÉANDRE.

N'importe; un téméraire est heureux en amour,
Suis-moi...

FRONTIN.

Je m'attendois, monsieur, à ce retour;

Vous êtes, je le vois, un héros de tendresse.
Ce qu'on nomme prudence à vos yeux est foiblesse.
Vous sortez en secret de votre garnison

Pour venir à Paris sans aucune raison :

Vous voyez en passant une fille assez belle,
Si l'on veut, et d'abord vous soupirez pour elle.
Vous venez vous loger dans la même maison,
Nourrir par conséquent votre amoureux poison:
Vous voulez aussitôt tâter du mariage,
Tenter je ne sais quoi: mais ces feux de passage
N'ont pas de votre père obtenu l'agrément :
Sa tendresse pour vous en agit librement...

LÉANDRE.

Suis-moi sans répliquer...

SCÈNE III.

FRONTIN, MARINE.

FRONTIN.

AH! te voilà, tigresse?

MARINE.

Eh! c'est toi qui me fuis...

FRONTIN.

Pour affaire qui presse,

J'obéis à mon maître; il est désespéré,

Je ne sais quel projet dans sa tête est entré,

Il veut que je le suive; adieu, duègne inflexible.

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