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Me voilà suspect, moi, puisqu'on me dit liẻ...

GÉRONTE.

Je ne crois pas un mot d'une telle amitié.

CLÉON.

Le mieux sera d'agir selon votre système ;

N'en croyez point autrui, jugez tout par vous-même.
Je veux croire qu'Ariste est honnête homme; mais
Votre écrivain peut-être... Enfin sachez les faits,
Sans humeur, sans parler de l'avis qu'on vous donne:
Soit calomnie ou non, la lettre est toujours bonne.
Quant à vos sûretés, rien encor n'est signé :
Voyez, examinez...

GÉRONTE.

Tout est examiné:

Je renverrai mon fat, et son affaire est faite.
Il vient... proposez-lui de hâter sa retraite ;
Deux mots : je vous attends:

SCÈNE XI.

CLÉON, VALÈRE, d'un air rêveur.

CLÉON, fort vite, et à demi-voix.

Vous êtes trop heureux;

Géronte vous déteste: il s'en va furieux.

Il m'attend, je ne puis vous parler davantage;
Mais ne craignez plus rien sur votre mariage.

SCÈNE XII.

VALERE, seul.

Je ne sais où j'en suis, ni ce que je résous.
Ah! qu'un premier amour a d'empire sur nous!
J'allois braver Chloé par mon étourderie :

La braver! j'aurois fait le malheur de ma vie ;
Ses regards ont changé mon ame en un moment;
Je n'ai pu lui parler qu'avec saisissement.
Que j'étois pénétré! que je la trouve belle!
Que cet air de douceur et noble et naturelle
A bien renouvelé cet instinct enchanteur,
Ce sentiment si pur, le premier de mon cœur!
Ma conduite à mes yeux me penetre de honte.
Pourrai-je réparer mes torts près de Géronte?
Il m'aimoit autrefois; j'espère mon pardon.
Mais comment avouer mon amour à Cléon?
Moi sérieusement amoureux!... Il n'importe :
Qu'il m'en plaisante ou non, ma tendresse l'emporte.
Je ne vois que Chloé... Si j'avois pu prévoir...
Allons tout réparer : je suis au désespoir.

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE QUATRIÈME.

SCÈNE I.

CHLOÉ, LISETTE.

LISETTE.

ER QUOI! mademoiselle, encor cette tristesse !

Comptez sur moi, vous dis-je; allons, point de foiblesse.

CHLOÉ.

Que les hommes sont faux ! et qu'ils savent,

hélas !

Trop bien persuader ce qu'ils ne sentent pas !
Je n'aurois jamais cru l'apprendre par Valère :
Il revient, il me voit, il sembloit vouloir plaire;
Son trouble lui prêtoit de nouveaux agréments,

Ses

yeux sembloient répondre à tous mes sentiments; Le croiras-tu, Lisette, et qu'y puis-je comprendre? Cet amant adoré que je croyois si tendre,

Oui, Valère, oubliant ma tendresse et sa foi,
Valère me méprise!... il parle mal de moi!

LISETTE.

Il en parle très bien, je le sais, je vous jure.

CHLOĚ.

Je le tiens de mon oncle, et ma peine est trop sûre :

Tout est rompu; je suis dans un chagrin mortel.

LISETTE.

Ouais! tout ceci me passe, et n'est pas naturel;
Valère vous adore, et fait cette équipée !

Je vois là du Cléon, ou je suis bien trompée.
Mais il faut par vous-même entendre votre amant ;
Je vous ménagerai cet éclaircissement

Sans que

dans mon projet Florise nous dérange :
Ma foi, je lui prépare un tour assez étrange,
Qui l'occupera trop pour avoir l'œil sur vous.
Le moment est heureux. Tous les noms les plus doux
Ne reviennent-ils pas ? c'est ma chère Lisette,
Mon enfant... on m'écoute, on me trouve parfaite:
Tantôt on ne pouvoit me souffrir; à présent,
Vu que pour terminer Géronte est moins pressant,
Elle est d'une gaîté, d'une folie extrême.

Moi, je vais profiter de l'instant où l'on m'aime:
Dès qu'à tous ses propos Cléon aura mis fin,
Il est délicieux, incroyable, divin,

Cent autres petits mots qu'elle redit sans cesse.....
Ces noms dureront peu, comptez sur ma promesse.
Géronte le demande; on le dit en fureur :

Mais je compte guérir le frère par la sœur.

Eh! que fait Valère?

CHLOÉ.

LISETTE.

Ah ! j'oubliois de vous dire

Qu'il est à sa toilette, et cela doit détruire

Vos soupçons mal fondés; car vous concevez bien
Que, s'il va se parer, ce soin n'est pas pour rien.
Ariste est avec lui, j'en tire bon augure.
Pour Valère et Cléon, quoique je sois bien sûre
Qu'ils se connoissent fort, ils s'évitent tous deux :
Seroit-ce intelligence ou brouillerie entre eux?
Je le démêlerai, quoiqu'il soit difficile...
Votre mère descend; allez, soyez tranquille.

SCÈNE II.

LISETTE, seule.

Mor, tout ceci me donne une peine, un tourment!...
N'importe, si mes soins tournent heureusement.
Mais que prétend Ariste? et pour quelle aventure
Veut-il que je lui fasse avoir de l'écriture

De Frontin? Comment faire ? Et puis d'ailleurs Frontin
Au plus signe son nom, et n'est pas écrivain.

SCÈNE III.

FLORISE, LISETTE.

FLORISE.

EH BIEN, Lisette?

LISETTE.

Eh bien, madame?

FLORISE.

Es-tu contente?

LISETTE.

Mais, madame, pas trop ce couvent m'épouvante.

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