Me voilà suspect, moi, puisqu'on me dit liẻ...
Je ne crois pas un mot d'une telle amitié.
Le mieux sera d'agir selon votre système ;
N'en croyez point autrui, jugez tout par vous-même. Je veux croire qu'Ariste est honnête homme; mais Votre écrivain peut-être... Enfin sachez les faits, Sans humeur, sans parler de l'avis qu'on vous donne: Soit calomnie ou non, la lettre est toujours bonne. Quant à vos sûretés, rien encor n'est signé : Voyez, examinez...
Je renverrai mon fat, et son affaire est faite. Il vient... proposez-lui de hâter sa retraite ; Deux mots : je vous attends:
CLÉON, VALÈRE, d'un air rêveur.
CLÉON, fort vite, et à demi-voix.
Vous êtes trop heureux;
Géronte vous déteste: il s'en va furieux.
Il m'attend, je ne puis vous parler davantage; Mais ne craignez plus rien sur votre mariage.
Je ne sais où j'en suis, ni ce que je résous. Ah! qu'un premier amour a d'empire sur nous! J'allois braver Chloé par mon étourderie :
La braver! j'aurois fait le malheur de ma vie ; Ses regards ont changé mon ame en un moment; Je n'ai pu lui parler qu'avec saisissement. Que j'étois pénétré! que je la trouve belle! Que cet air de douceur et noble et naturelle A bien renouvelé cet instinct enchanteur, Ce sentiment si pur, le premier de mon cœur! Ma conduite à mes yeux me penetre de honte. Pourrai-je réparer mes torts près de Géronte? Il m'aimoit autrefois; j'espère mon pardon. Mais comment avouer mon amour à Cléon? Moi sérieusement amoureux!... Il n'importe : Qu'il m'en plaisante ou non, ma tendresse l'emporte. Je ne vois que Chloé... Si j'avois pu prévoir... Allons tout réparer : je suis au désespoir.
ER QUOI! mademoiselle, encor cette tristesse !
Comptez sur moi, vous dis-je; allons, point de foiblesse.
Que les hommes sont faux ! et qu'ils savent,
Trop bien persuader ce qu'ils ne sentent pas ! Je n'aurois jamais cru l'apprendre par Valère : Il revient, il me voit, il sembloit vouloir plaire; Son trouble lui prêtoit de nouveaux agréments,
yeux sembloient répondre à tous mes sentiments; Le croiras-tu, Lisette, et qu'y puis-je comprendre? Cet amant adoré que je croyois si tendre,
Oui, Valère, oubliant ma tendresse et sa foi, Valère me méprise!... il parle mal de moi!
Il en parle très bien, je le sais, je vous jure.
Je le tiens de mon oncle, et ma peine est trop sûre :
Tout est rompu; je suis dans un chagrin mortel.
Ouais! tout ceci me passe, et n'est pas naturel; Valère vous adore, et fait cette équipée !
Je vois là du Cléon, ou je suis bien trompée. Mais il faut par vous-même entendre votre amant ; Je vous ménagerai cet éclaircissement
dans mon projet Florise nous dérange : Ma foi, je lui prépare un tour assez étrange, Qui l'occupera trop pour avoir l'œil sur vous. Le moment est heureux. Tous les noms les plus doux Ne reviennent-ils pas ? c'est ma chère Lisette, Mon enfant... on m'écoute, on me trouve parfaite: Tantôt on ne pouvoit me souffrir; à présent, Vu que pour terminer Géronte est moins pressant, Elle est d'une gaîté, d'une folie extrême.
Moi, je vais profiter de l'instant où l'on m'aime: Dès qu'à tous ses propos Cléon aura mis fin, Il est délicieux, incroyable, divin,
Cent autres petits mots qu'elle redit sans cesse..... Ces noms dureront peu, comptez sur ma promesse. Géronte le demande; on le dit en fureur :
Mais je compte guérir le frère par la sœur.
Ah ! j'oubliois de vous dire
Qu'il est à sa toilette, et cela doit détruire
Vos soupçons mal fondés; car vous concevez bien Que, s'il va se parer, ce soin n'est pas pour rien. Ariste est avec lui, j'en tire bon augure. Pour Valère et Cléon, quoique je sois bien sûre Qu'ils se connoissent fort, ils s'évitent tous deux : Seroit-ce intelligence ou brouillerie entre eux? Je le démêlerai, quoiqu'il soit difficile... Votre mère descend; allez, soyez tranquille.
SCÈNE II.
LISETTE, seule.
Mor, tout ceci me donne une peine, un tourment!... N'importe, si mes soins tournent heureusement. Mais que prétend Ariste? et pour quelle aventure Veut-il que je lui fasse avoir de l'écriture
De Frontin? Comment faire ? Et puis d'ailleurs Frontin Au plus signe son nom, et n'est pas écrivain.
SCÈNE III.
FLORISE, LISETTE.
LISETTE.
Eh bien, madame?
FLORISE.
Mais, madame, pas trop ce couvent m'épouvante.
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