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Mais quelle étourderie !

ARISTE.

LISETTE.

Oh! toutes ses mesures

Sembloient, pour le cacher, bien prises et bien sûres :

Il n'a vu que Cléon; et, l'oracle entendu,

Dans le bois près d'ici Valère s'est perdu,

Et je l'y crois encor: comptez que c'est lui-même,
Je le sais de Frontin.

ARISTE.

Quel embarras extrême !

Que faire ? L'aller voir on sauroit tout ici :
Lui mander mes conseils est le meilleur parti.
Donne-moi ce qu'il faut : hâte-toi, que j'écrive.

LISETTE

J'y vais..... J'entends, je crois, quelqu'un qui nous arrive.

SCÈNE V.

ARISTE, seul.

CE voyage insensé, d'accord avec Cléon,

Sur la lettre anonyme augmente mon soupçon:

La noirceur masque en vain les poisons qu'elle verse,
Tout se sait tôt ou tard, et la vérité perce :

Par eux-mêmes souvent les méchants sont trahis.

SCÈNE VI.

VALERE, ARISTE

VALÈRE.

An! les affreux chemins, et le maudit pays! (à Ariste.)

Mais, de grace, monsieur, voulez-vous bien m'apprendre Où je puis voir Géronte?

ARISTE.

Il seroit mieux d'attendre:

En ce moment, monsieur, il est fort occupé.

VALÈRE.

Et Florise? On viendroit, ou je suis bien trompé :
L'étiquette du lieu seroit un peu légère;

Et quand un gendre arrive, on n'a point d'autre affaire.

Quoi! vous êtes.....

ARISTE.

VALERE.

Valère.

ARISTE.

Eh quoi ! surprendre ainsi !

Votre mère vouloit vous présenter ici,

A ce qu'on m'a dit.

VALERE.

Bon! vieille cérémonie :

D'ailleurs, je sais très bien que l'affaire est finie,
Ariste a décidé..... Cet Ariste, dit-on,

Est aujourd'hui chez moi maître de la maison:

On suit aveuglément tous les conseils qu'il donne :

Ma mère est, par malheur, fort crédule, trop bonne.

ARISTE.

Sur l'amitié d'Ariste, et sur sa bonne foi.....

Oh! cela.....

VALÈRE.

ARISTE.

Doucement, cet Ariste, c'est moi.

VALÈRE.

Ah! monsieur.....

ARISTE.

Ce n'est point sur ce qui me regarde

Que je me plains des traits que votre erreur hasarde ;
Ne me connoissant point, ne pouvant me juger,
Vous ne m'offensez pas : mais je dois m'affliger
Du ton dont vous parlez d'une mère estimable,
Qui vous croit de l'esprit, un caractère aimable ;
Qui veut votre bonheur : voilà ses seuls défauts.
Si votre cœur au fond ressemble à vos propos.....

VALÈRE.

Vous me faites ici les honneurs de ma mère,
Je ne sais pas pourquoi : son amitié m'est chère;
Le hasard vous a fait prendre mal mes discours,
Mais mon coeur la respecte, et l'aimera toujours.

ARISTE.

Valère, vous voilà; ce langage est le vôtre :

Oui, le bien vous est propre; et le mal est d'un autre.

VALÈRE.

(à part.)

(haut.)

Oh! voici les sermons, l'ennui !..... Mais, s'il vous plaît, Ne ferions-nous pas bien d'aller voir où l'on est ?

Il convient....

ARISTE.

Un moment: si l'amitié sincère M'autorise à parler au nom de votre mère, De grace, expliquez-moi ce voyage secret Qu'aujourd'hui même ici vous avez déjà fait.

VALÈRE.

Vous savez.....?

ARISTE.

Je le sais.

VALÈRE.

Ce n'est point un mystère

Bien merveilleux; j'avois à parler d'une affaire
Qui regarde Cléon, et m'intéresse fort;
J'ai voulu librement l'entretenir d'abord,
Sans être interrompu par la mère et la fille,
Et nous voir assiégés de toute une famille:
Comme il est mon ami.....

ARISTE.
Lui?

VALÈRE.

Mais assurément.

ARISTE.

Vous osez l'avouer?

VALÈRE.

Ah! très parfaitement :

C'est un homme d'esprit, de bonne compagnie ;
Et je suis son ami de cœur et pour la vie.

Oh! ne l'est pas qui veut.

ARISTE.

Et si l'on vous montroit

Que vous le haïrez?

VALÈRE.

On seroit bien adroit.

ARISTE.

Si l'on vous faisoit voir que ce bon air, ces graces, Ce clinquant de l'esprit, ces trompeuses surfaces, Cachent un homme affreux, qui veut vous égarer, Et que l'on ne peut voir sans se déshonorer ?

VALÈRE.

C'est juger par des bruits de pédants, de commères.

ARISTE.

Non, par la voix publique; elle ne trompe guères.
Géronte peut venir, et je n'ai pas le temps
De vous instruire ici de tous mes sentiments:
Mais il faut sur Cléon que je vous entretienne,
Après quoi choisissez son commerce ou sa haine.
Je sens que le vous lasse, et je m'aperçois bien,
A vos distractions, que vous ne croyez rien :
Mais, malgré vos mépris, votre bien seul m'occupe;
Il seroit odieux que vous fussiez sa dupe.

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