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Quand il seroit pour rien. Je n'y vois, je vous jure,
Qu'un style qui n'est pas celui de la droiture;

Et sous cet air capable, où l'on ne comprend rien,
S'il cache un honnête homme, il le cache très bien.

FLORISE.

Tous vos raisonnements ne valent pas la peine
Que j'y réponde: mais, pour calmer cette haine,
Disposez pour Paris tout votre arrangement :
Vous y suivrez Chloé ; je l'envoie au couvent.
Dites-lui de ma part.....

LISETTE.

Voici mademoiselle :

Vous-même apprenez-lui cette belle nouvelle.

FLORISE,

Chloé, qui lui baise la main.

Vous êtes aujourd'hui coiffée à faire horreur.

SCÈNE VI.

(Elle sort.)

CHLOÉ, LISETTE.

CHLOÉ

Quor! suis-je donc si mal?

LISETTE.

Bon! c'est une douceur

Qu'on vous dit en passant, par humeur, par envie;

Le tout pour vous punir d'oser être jolie:
N'importe; là-dessus allez votre chemin.

CHLOÉ.

Du chagrin qui me suit quand verrai-je la fin?
Je cherche à mériter l'amitié de ma mère;

Je veux la contenter, je fais tout pour lui plaire;
Je me sacrifîrois : et tout ce que je fais

De son aversion augmente les effets!
Je suis bien malheureuse !

LISETTE.

Ah! quittez ce langage,

Les lamentations ne sont d'aucun usage :

Il faut de la vigueur : nous en viendrons à bout
Si vous me secondez. Vous ne savez pas tout.

CHLOÉ.

Est-il quelque malheur au-delà de ma peine?

LISETTE.

D'abord, parlez-moi vrai, sans que rien vous retienne. Voyons; qu'aimez-vous mieux du cloître ou d'un époux?

A quoi bon ce propos?

CHLOÉ.

LISETTE.

C'est que j'ai près de vous

Des pouvoirs pour les deux. Votre oncle m'a chargée

De vous dire que c'est une affaire arrangée

Que votre mariage: et, d'un autre côté,
Votre mère m'a dit, avec même clarté,

De vous notifier qu'il falloit sans remise
Partir pour le couvent jugez de ma surprise.

CHLOÉ.

Ma mère est la maîtresse, il lui faut obéir;
Puisse-t-elle, à ce prix, cesser de me hair!

LISETTE.

Doucement, s'il vous plaît, l'affaire n'est pas faite,
Et ma décision n'est pas pour la retraite :

Je ne suis point d'humeur d'aller périr d'ennui.
Frontin veut m'épouser, et j'ai du goût pour lui :
Je ne souffrirai pas l'exil qu'on nous ordonne.
Mais vous, n'aimez-vous plus Valère, qu'on vous don
CHLOÉ.

Tu le vois bien, Lisette, il n'y faut plus songer:
D'ailleurs, long-temps absent, Valère a pu changer:
La dissipation', l'ivresse de son âge,

Une ville où tout plaît, un monde où tout engage,
Tant d'objets séduisants, tant de divers plaisirs,
Ont loin de moi sans doute emporté ses désirs.
Si Valère m'aimoit, s'il songeoit que je l'aime,
J'aurois dû quelquefois l'apprendre de lui-même.
Qu'il soit heureux du moins! pour moi j'obéirai
Aux ennuis de l'exil mon cœur est préparé,
Et j'y dois expier le crime involontaire
D'avoir pu mériter la haine de ma mère.
A quoi rêves-tu donc? tu ne m'écoutes pas:

LISETTE.

Fort bien..... Voilà de quoi nous tirer d'embarras...

Et sûrement Florise.....

Théâtre. Com. en vers. 10.

14

CHLOÉ.

Eh bien?

LISETTE.

Mademoiselle,

Soyez tranquille; allez, fiez-vous à mon zèle :
Nous verrons, sans pleurer, la fin de tout ceci.
C'est Cléon qui nous perd et brouille tout ici :
Mais, malgré son crédit, je vous donne Valère.
J'imagine un moyen d'éclairer votre mère
Sur le fourbe insolent qui la mène aujourd'hui;
Et nous la guérirons du goût qu'elle a pour lui :
Vous verrez.

CHLOÉ.

Ne fais rien que ce qu'elle souhaite.

Que ses vœux soient remplis, et je suis satisfaite.

SCÈNE VII.

LISETTE, seule.

POUR faire son bonheur je n'épargnerai rien.
Hélas! on ne fait plus de cœurs comme le sien.

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE SECOND.

SCÈNE I.

CLÉON, FRONTIN.

CLÉON.

Qu' EST-CE donc que cet air d'ennui, d'impatience?

Tu fais tout de travers, tu gardes le silence!
Je ne t'ai jamais vu de si mauvaise humeur.

Chacun a ses chagrins.

FRONTIN.

CLÉON.

Ah!..... tu me fais l'honneur

De me parler enfin! Je parviendrai peut-être

A voir de quel sujet tes chagrins peuvent naître.
Mais, à propos, Valère ?

FRONTIN.

Un de vos gens viendra

M'avertir en secret, dès qu'il arrivera.

Mais pourrois-je savoir d'où vient tout ce mystère? Je ne comprends pas trop le projet de Valère: Pourquoi, lui qu'on attend, qui doit bientôt, dit-on, Se voir avec Chloé l'enfant de la maison,

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