629. 123. AN. R. le Peuple. La premiére de ces Loix AC regardoit directement Octavius, que Tibérius avoit fait déposer; & l'autre tomboit sur Popilius, qui étant Consul avoit banni les amis de Tibérius sans observer fort exactement les formes de Justice. Popilius n'attendit point le jugement du Peuple, & s'exila volontairement de l'Italie. Son exil ne fut pas long. A peine Caïus eut-il été tué, que le Tribun L. Calpurnius Bestia fit rappeller Popilius par les fuffrages du Peuple même. Pour ce qui est de l'autre Loi, Caïus la retira à la prière de sa mére, qui s'intéressoit pour Octavius. Le Peuple y consentit volontiers: car il honorolt fort Cornélie, autant en considération de ses deux fils, que par rapport à son pére; ce qui parut clairement quelque tems après, par une statue de bronze qu'on lui éleva, & fur laquelle on mit cette inscription, Cornélie mére des Gracques. Ces deux premiéres Loix ne furent que le prélude de beaucoup d'autres qui fuivirent, & Caïus n'omit rien de ce qui pouvoit rabaisser l'autorité du Sénat, & relever celle du Peuple. Il renouvella la Loi de fon frére. pour pour le partage des terres, & se fit AN. R. 629. établir ou confirmer Triumvir pour. J.C. cette distribution, avec M. Fulvius, & 123. C. Craffus. Il ordonna qu'on fourniroit aux foldats des habits, sans rien retrancher pour cela de leur folde ; & qu'on n'enrôleroit aucun citoyen qui n'eut dix-sept ans accomplis. Il n'oublia pas la multitude qui habitoit à Rome, & ordonna qu'on distribueroit par mois, aux dépens du public, aux pauvres citoyens, une certaine quantité de blé sur le pié de moins de fix deniers de notre monnoie par boisseau. Cette a Loi fit un plaisir infini au Peuple, qui se trouvoit par là à fon aise, & dispensé de travailler. Mais tous les gens de bien généralement s'y opposoient: premiérement parce qu'elle épuisoit le tréfor; mais fur tout, parce que s'il est d'un gouvernement sage de soulager ceux qui font vraiment pauvres, & hors d'état de se procurer le nécessaire, il n'est pas moins certain qu'en tirant indistinctement les gens du peuple a Frumentariam legem | pugnabant boni, quòd & C. Gracchus ferebat. Ju- ab industria plebem ad de cunda res plebi Romane: fidiam avocari putabant, victus enim fuppeditaba- & ærarium exhauriri vitur large fine labore. Rc. debant, Cic. pro Sext. 103. 629. 123. AN. R. ple de l'habitude & de la néceffité du travail, on fait un tort infini à la RéJpublique, que l'on furcharge d'une raultitude de fainéans, qui se livrent à toutes les espéces de désordres & d'exDe Ofic cès. Ces fortes de largesses sont done louables, comme le remarque Cicéron, lorqu'elles font modérées, & réglées sur les vrais besoins: exceffives & indéfinies, comme celles de Caïus, elles ne peuvent être jugées que très-pernicieuses. II. 70. Les distributions de blé ordonnées: par Caïus étoient vraiment indéfinies. Car il paroît qu'elles comprenoient les riches aussi bien que les pauvres. Le fait que je vais rapporter en est une preuve. L. Pifon a furnommé Frugi, c'est-à-dire, Homme de bien, perfonnage alors Consulaire, mais plus recommandable encore par sa probité généralement reconnue, avoit été un de ceux qui s'étoient opposés le plus fortement à la Loi de Caïus dont nous parlons. Quand cette loi eut vaincu tous les obstacles, & qu'elle a Piso ille Frugi semper contra legem frumentariam dixerat, Is, lege lata, confularis ad frumentum accipiendum venerat. Animadvertit Gracchus in concione Pifonem stantem. com Quærit, audiente populo R. qui fibi constet, cùm câ lege frumentum petat, quam diffuaferat. Nolim,. inquit, mea bona, Gracche, tibi viritim dividere li. ceat: fed fifacias, partem le AN. R. 629. commença à s'exécuter, Caïus voyant parmi ceux qui se présentoient Av. J.C. pour la distribution, l'apostropha de- 123. vant tout le Peuple, & lui reprocha qu'il étoit en contradiction avec luimême, demandant sa part de blé en conféquence d'une Loi dont il avoit combattu l'établissement. Je ne voudrois pas, lui répliqua Pison que vous distribuafssiez, mon bien aux citoyens. Mais si vous le faisiez, je viendrois au moins en demander ma part. Parler ainfi, c'étoit condamner ouvertement la Loi de Caïus comme ruinant le Trésor, & épuisant le patrimoine public, dont pourtant Caïus se vantoit dans tous ses discours d'être le défenfeur & le confervateur: mais ses actions prouvoient tout le contraire. entre Il fit aussi des Ordonnances pour Caïus établir des Colonies, pour faire de prend &grands chemins, pour bâtir des gre-exécute niers publics; & il se chargea lui-mê-plume de l'intendance & de la conduite ouvrade ces importans ouvrages, sans jamais ges pufuccomber sous le travail, & fans pa-blics roître impor fieurs petam. Parum-ne declara-feciffet, & effudiffet æravit vir gravis & fapiens, rium, verbis tamen defenlege Semproniâ patrimo- debat ærarium. Quid vernium publicum diffipa- ba audiam, cùm facta vi . C. Gracchus, deam? Tufcul. Quast.111.48. cum largitiones maximas tans. 2 AN. R. roître ni accablé ni embarraffé de 629. Av. J.C. 123. tant & de si grandes entreprises mais au contraire les exécutant toutes avec autant de promptitude & de soin, que si chacune eût été la seule dont il fût chargé. Le Peuple étoit ravi de le rencontrer, & de le voir toujours suivi d'une foule d'Entrepreneurs, d'Ouvriers, d'Ambassadeurs, d'Officiers, de soldats, de gens de Lettres, avec lesquels il s'entretenoit familiérement avec beaucoup de bonté, conservant toujours sa gravité & sa dignité au milieu de ces maniéres douces & polies, s'accommodant au génie des uns & des autres, & difant à chacun ce qui lui convenoit; talent rare, mais absolument nécessaire à ceux qui sont dans les grandes places! L'ouvrage qu'il prit le plus à cœur, & auquel il s'appliqua avec le plus de soin, ce furent les grands chemins, dans lesquels il s'attacha particuliérement à la commodité, sans pourtant négliger la beauté ni la grace. Il poufsa ces chemins en droite ligne au travers des terres, les pava de belles pierres de taille par tout où il en étoit besoin, ou employa la pierraille & le sable pour former des chemins serrés. Tou |