dre Tibérius, & frapoient à droit & AN. R. a à gauche tous ceux qui étoient devant 619. Av. J.C. lui, fans épargner personne. Tout 133. prend la fuite, & il y en eut plusieurs de tués. Comme Tibérius lui - même s'enfuyoit, quelqu'un le retint par fa robe. 11 la laissa entre les mains de celui qui avoit voulu l'arrêter, & continua à fuir en tunique. Mais étant tombé en courant, dans le moment qu'il se relevoit, P. Satureius, un de ses collégues, le frapa le premier, & lui donna un grand coup sur la tête avec le pié d'un banc: le second coup lui fut donné par L. Rubrius, autre Tribun, qui s'en glorifioit comme d'une action qui lui faisoit beaucoup d'honneur. Tibérius, lorsqu'il fut tué, n'avoit que trente ans. Il y eut plus de trois cens personnes assommées à coups de bâtons & de pierres; personne ne périt par l'épée. C'est ici, comme je l'ai déja obser- Réflevé, la premiére sédition, où, depuis xion fur cet évé qu'on eut chaffé de Rome les Rois • nement. le sang des citoyens ait été versé. Nous avons vû, dans les meilleurs tems de la République, des conteftations très-vives & très-échauffées entre le Sénat & le peuple. Mais enfin le Sénar 619. Av. J. C. 133. AN. R. Sénat cédant par condescendance, ou le peuple par respect, tout se calmoit, & les querelles se terminoient par des voies de conciliation. Peut-être n'auroit-il pas été difficile dans l'occasion présente aux Sénateurs d'imiter la modération de leurs ancêtres, & de ramener Tiberius par la douceur: ou quand bien même il auroit fallu employer la force, il n'étoit pas nécessaire de pouffer les choses jusqu'à de fi cruels excès. Ce Tribun n'avoit pas autour de lui plus de trois mille hommes, qui n'avoient pour armes que des bâtons. Les Grands avoient sans doute le bon droit de leur côté. L'entreprise de Tibérius étoit condamnable en foi. Jamais il ne fut permis de dépouiller les poffeffeurs actuels & toute la plus illustre moitié d'un Etat, pour faire paffer les biens dans les mains de l'autre. Et quand dans l'origine il y auroit eu quelque injuftice, elle eft couverte par la longue poffeffion: & ce n'est pas sans raison que la prescription a été appellée la patrone du genre humain. D'ailleurs quel moyen d'espérer que tous les citoyens les plus puissans se laissassent tranquillement enlever toute leur fortune? La loi An. R. de Tibérius armoit donc une partie de 619. la ville contre l'autre, & par confé- Av. J.C. quent ne peut être regardée que comme pernicieuse. ment a Qui agrariam rem tentant, ut poffeffores suis se dibus pellantur... ii labefactant fundamenta reipublica: concordiam primum,quæ effe non poteft, quum aliis adimuntur, aliis condonantur pecunix; deinde æquitatem, quz tollitur omnis, si habere fuum cuique non li 133. Ces réflexions sont de Cicéron, Hist. Anc qui oppose à la conduite des Grac-T. VII. ques & de leurs semblables celle d'A-P.535. ratus fondateur de la ligue Achéenne. Sicyone sa patrie avoit été pendant cinquante ans opprimée par des Tyrans. Aratus en ayant exterminé la tyrannie, & ayant ramené avec soi fix cens bannis, se trouva fort embarraffé, parce que d'une part la justice sembloit demander que l'on rétablit ces bannis dans leurs biens, & que de l'autre il ne paroissoit guére équitable de dépouiller des possesseurs de cinquante ans. (Combien plus auroitil respecté une poffession de plusieurs fiécles?) Que fit Aratus ? Il obtint de Ptolémée Philadelphe, Roi d'Egypte, une somme considérable, moyen nant cet. Id enim eft proprium civitatis atque urbis, ut fit libera, & non follicita fuæ rei cuique custodia..... Quam habet æquitatem, ut agrum inultis annis aut etiam feculis antè poffeffum, qui nullum habuit, habeat, qui autem habuit, amitta. ? De Offic. II. 78. 79. i 133. AN. R. nant laquelle il concilia tous les inté619. rêts.,, Oa le grand homme, s'écrie Av. J.C. ,, Cicéron, & digne d'être né Romain ! ,,C'est ainsi qu'il faut agir avec des ,, citoyens. La saine politique, la fa,, gesse d'un véritable homme d'Etat ,, doit avoir pour objet de ne point ,, diviser les intérêts des citoyens, mais ,, de les embrasser & les réunir tous ,, par une équité salutaire.,, Ces principes, à l'évidence desquels il n'est pas poffible de se refuser, sont la condamnation de Tibérius. La cause des Grands & des Riches étoit donc la meilleure. Mais ils la deshonorérent par la cruauté, & donnérent un exemple funeste, dont les suites le furent encore davantage. Il est visible que la passion & la fureur se mêlérent dans leur procédé. Car le meurtre de Tibérius, & fon sang répandu si inhumainement, ne fut pas capable d'éteindre leur haine contre lui. Ils exercérent sur son corps une cruauté qui va jusqu'à la barbarie. Ils refuférent à Caius fon frére mal a O virum magnum, di- | ratio & fapientia boni civis, commoda civium non divellere, atque omnes æquitate eadem contine re. De Offic. 11. n. 83. gnumque qui in noftra republica natus effet! Sic par est agere cum civibus.... caque humana malgré ses ardentes prières, la permif- AN. R. fion de l'enlever, & de lui rendre 619. Av. J.C. les derniers honneurs pendant la nuit, 133. & ils le jettérent dans le Tibre avec tous les autres morts. Ainsi périt à la fleur de l'âge un sujet des plus brillans que jamais Rome eût produit, & qui pouvoit devenir l'ornement de sa patrie, s'il eût dirigé par la sagesse l'usage de ses talens. P. POPILIUS LANAS. P. RUPILIUS. AN. R. 620. Av. J.C. 132. bérius LES CONSULS furent chargés Compar le Sénat de poursuivre les com-plices plices de Tibérius. Mais Rupilius de Tiayant eu pour département la Sicile, condanoù nous avons vu qu'il termina heu-nés. reusement la guerre contre les esclaves, laissa bientôt le soin des affaires de la ville à son Collégue, qui exerça sa commiffion avec beaucoup de sévérité, ou plutot de dureté. Plufieurs des amis de l'infortuné Tribun furent bannis sans aucune forme de procès, plusieurs mis à mort: du nombre de ces derniers fut Diophane le Rhéteur. Plutarque ajoute qu'un certain C. Billius ou Villius fut enfermé dans un tonneau avec des ferpens |