619. gale, eut recours à ce qui faisoit sa AN. R. force. Il demanda à Tibérius la per- Av. J.C. miffion de lui faire une question. Ti-133. bérius y consentit, & tout le Penple demeura en filence. Alors Annius dit ce peu de paroles: Vous voulez vous venger de moi. Je Suppose que j'implore le Secours d'un de vos Collégues. S'il me prend fous fa protection, & qu'en conféquence vous vous mettiez en colére, le dépouillerez-vous du Tribunat? Tibérius, à cette demande, fut tellement déconcerté, que quoiqu'il fût Phomme du monde le plus en état de parler sans préparation, & le harangueur le plus hardi & le plus déterminé, il demeura muet, ne répondit pas une seule parole, & congédia l'Assemblée sur le champ. tre la Il sentit bien que de tout ce qu'il Tibéavoit fait dans sa charge, la dépofi-rius ention d'Octavius étoit ce qui le rendoit prend le plus odieux, & que le Peuple mê- de juftime en étoit blessé. Il fit à ce sujet un depofigrand discours, dont Plutarque rap- tion porte quelques traits, pour faire voir d'Octaquelle étoit la force de son éloquence, vius. & son adresse à présenter les objets fous des couleurs favorables. Il seroit à fouhaiter que nous eussions ces morceaux en Latin. BS AN. R. 619. Av. J.C. 133. Il dit donc que la personne du Tribun n'étoit sacrée & inviolable, que parce qu'il étoit l'homme du peuple, consacré par état à sa protection & à sa défense. Mais, ajoutoit-il, si le Tribun venant à changer sa destination, il fait tort au Peuple au lieu de le protéger, qu'il affoiblisse sa puissance, & qu'il l'empêche de donner ses suffrages; alors il se prive lui-même des droits & des priviléges qui lui ont été accordés, parce qu'il ne fait pas les choses pour lesquelles seules il les a reçus. Car autrement il faudroit Souffrir qu'un Tribun détruisit le Capitole, & qu'il brulât nos arsenaux : encore même pour lors feroit-il Tribun, mauvais fans doute, mais toujours Tribun. Au lieu que quand il détruit & renverse l'autorité & la puissance du Peuple, il n'est plus Tribun. Eb n'est-ce pas une chose bien étrange, qu'un Tribun ait le droit, quand bon lui semble, de traîner en prison un Conful; & que le Peuple n'ait pas celui d'ôter à un Tribun sa Magistrature, quand il ne s'en sert que contre ceux qui la lui ont donnée? Car c'est le Peuple qui choisit également & le Conful, le Tribun. La Royauté méme, outre qu'elle renferme ferme en foi toute l'autorité & toute la AN. R. puissance des autres Magistrats qui éma-619. Av. J.C. nent d'elle, étoit encore consacrée aux 133. dieux par les cérémonies les plus saintes & par la sacrificature la plus auguste. Cependant Rome ne laissa pas de chaffer Tarquin à cause de son injustice. L'insolence d'un seul homme fut cause que cette puissance, la plus ancienne de cet Empire, & celle qui avoit donné la naissance à Rome fut entièrement abolie. د Quy a-t-il de plus facré & de plus vénérable dans Rome que les Vierges qui veillent incessamment à conserver le feu Sacré ? Mais, si quelqu'une d'elles vient à tomber en faute, elle est enterrée toute vive sans miséricorde. Car, en péchant contre les dieux, elles ne confervent plus ce caractére inviolable qu'elles n'ont quà cause des dieux. De même, quand un Tribun péche contre le Peuple, il n'est plus juste qu'il conserve un caractére qu'il n'a reçu qu'à cause du Peuple : car il détruit luimême la puissance à qui il doit toute fa force & toute fon autorité. En effet, s'il a été justement élu Tribun quand le plus grand nombre des Tribuns lui ont donné leurs fuffrages, comment ne serat-il B6 619. Aw. R.t-il pas encore plus jusiement privé de Sa charge quand toutes les Tribus auront Av.1.C. donné leurs fuffrages pour le déposer ? 133. Tibé Il n'y a rien de si saint ni de si inviolable que les choses qui ont été conSacrées aux dieux. Cependant jamais personne n'a empéché le Peuple de s'en Servir, de les changer de place, & de les transporter à son gré. Il lui est donc permis de faire du Tribunat ce qu'il fait des choses les plus saintes, & de le transférer à qui il veut. Enfin une preuve certaine que cette charge n'est ni inviolable, absolument parlant, ni immuable, c'est que trèsSouvent ceux qui en ont été pourvus s'en font démis d'eux-mêmes, prić qu'on les en déchargeât. ont Tels font les raisonnemens spécieux, dont Tibérius tâchoit de couvrir sa violence: foibles prétextes, armes à deux tranchans, qui tendent à ramener tout à la loi du plus fort; puisque celui des deux Tribuns qui sera le plus accrédité & le plus puiffant, ne manquera jamais de raisons plaufibles pour perfuader que fon adversaire attaque les droits du peuple. Le tems de nommer de nouveaux rius en- Tribuns approchant, les deux partis tre fe 619. 133. faire Dio. se donnérent de grands mouvemens, AN. R. les uns pour en faire mettre en place Av. J.C. qui fuffent favorables aux Riches, les autres pour faire continuer Tibérius. prend Celui-ci songeoit de plus à se don-de fe ner son frére Caïus pour collégue, conti& à porter au Confulat Appius fonnuer beau-pére, croyant que c'étoit là le Tribun. seul moyen de réuffir dans ses entreprises. Il travailla donc à se concilier Plut. de plus en plus la faveur du Peuple par de nouvelles Loix, & à rabaiffer en toutes maniéres l'autorité du Sénat, plutôt par un esprit de contention & de vengeance, que par aucun égard à la justice & au bien du gouvernement. Il proposa d'abréger le tems du service des soldats, d'établir le droit d'appeller au Peuple de tous les jugemens des différens Tribunaux, de mêler parmi les Juges, qui alors étoient tous pris dans le corps des Sénateurs, un pareil nombre de Chevaliers, & même de donner à tous les peuples d'Italie le droit de bourgeoi-Vell.II.2 fie Romaine. Cependant le jour marqué pour Plut. procéder à l'élection des Tribuns arriva. Tibérius & tout son parti, voyant qu'ils n'étoient pas les plus forts, parce que |