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L'on fait monter à la valeur au moins de quinze mille talens, c'est-à-dire, de quarante-cinq millions de livres de notre monnoie.

On a dit que cet or venoit originairement du pillage du temple de Delphes, & que les Tectosages, qui accompagnérent Brennus dans cette expédition, l'avoient rapporté avec eux dans leur pays.. Mais les écrivains Pofidon. les plus judicieux ont regardé cette apud tradition comme une fable. Selon eux Strab. L. IV. p. les Gaulois étant fort riches, très-peu 188. adonnés au luxe, & fort fuperftitieux, consacroient des trésors à leurs dieux, & les confioient souvent à des lacs & à des marais, ils jettoient leur or & leur argent en lingots. Et lorsque les Romains maîtres du pays vendirent ou louérent ces lacs à des par-ticuliers, il arriva souvent que ceux qui les avoient achetés ou pris à ferme, y trouvoient de l'or en barres.. Cépion, maître d'une fi riche

proie, s'en appropria la plus grande partie. Il n'en revint que très-peu au trésor public de Rome. Et même Orofe raconte que le Conful ayant orof.v. fait partir ces trésors sous escorte pour 15.

être portés à Marseille, il fit asfassfiner

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fur

furtivement sur la route les soldats qui les gardoient, & s'empara ainsi de tout. Il fut bien puni, comme nous le verrons dans la suite, de son horrible

avidité. Toute sa vie ne fut plus qu'uA. Gell, ne suite de malheurs: & tous ceux III. 9. qui avoient eu part au sacrilége finirent fi miférablement, que pour exprimer un homme souverainement malheureux, il passa en proverbe de dire qu'il avoit de l'or de Toulouse.

Il eût été de la sagesse des Romains de rappeller un tel Général après son année expirée, & de choisir contre des ennemis redoutables des Confuls qui fufssent en état de leur réfifter. On ne fit attention ni à l'un ni à l'antre de ces deux objets, si importans & si simples en même tems. Le commandement fut continué à Cépion Cn.Mal- dans la Gaule : & pour ce qui est de lius, l'élection des Consuls, le caprice de homme la multitude en décida. Deux candifans mé

rite, est dats entr'autres se présentérent dignes fait de toute l'estime & de toute la conConful, fiance du peuple Romain, Rutilius & & envoyé en Catulus. Rutilius étoit le plus verGaule tueux citoyen de Rome; & après pour avoir servi dans sa jeunesse fous Scifoutenir Cépion. pion l'Africain au fiége de Numance,

:

il avoit achevé de se former à la scien- ce militaire sous Metellus Numidicus, dont il avoit été Lieutenant Général avec Marius. Catulus étoit un personnage infiniment recommandable, par toutes fortes d'endroits, & - nous le verrons dans la suite partager avec Marius la gloire de la derniére victoire sur les Cimbres. Rutilius fut effectivement nommé Conful: mais on préféra à Catulus un homme dont Cicéron fait le portrait en quatre mots, en disant, qu'il étoit -fans naiffance, sans mérite, sans efprit, & d'une conduite qui n'avoit rien que de bas & de méprisable. Il se noimmoit Cn. Mallius. Et, comme si le fort eût été d'intelligence avec la bizarrerie de la multitude, des deux départemens destinés aux deux Consuls, l'un en Italie, l'autre en Gaule, Rutilius eut le premier, & le second qui se rapportoit aux Cimbres échut à Mallius, qui fut ainsi envoyé en Gaule avec une nouvelle armée pour soutenir Cépion. Ainsi des deux corps d'armée que les Romains oppofent aux Cimbres, l'un se trouve avoir à sa tête

a Non folum ignobi-contempta & fordida lem, verùm fine virtute, Cic. pro Planc. n. 12. Line ingenio, vita etiam

AN. R.

647.

Av. J. C.

tête un téméraire, & l'autre un homme sans talent. Pour comble de maux, la discorde se mit entre eux.

P. RUTILIUS..

CN. MALLIUS.

105. Jamais l'union entre les Généraux Diffen-n'avoit été plus nécessaire que dans fion entre Cela circonstance où se trouvoient alors pion & les Romains: mais jamais Généraux Mallius. ne furent plus mal assortis. Cépion

Auro

étoit fier & méprisant: & malheureusement Mallius étoit trop digne de mépris. Il étoit néantmoins Conful en charge, & en cette qualité c'étoit à lui à tenir le premier rang. Mais le Proconsul ne considérant que l'indignité du sujet, & non l'autorité de la place, ne voulut agir en rien de concert avec lui. Il prétendit avoir son département séparé, & mit le Rhône entre lui & le Conful.

C'étoit le plus mauvais parti que lius l'on pût prendre: & bientôt on eut Scaurus défait & occafion de s'en convaincre. M. Aurepris par lius Scaurus, homme Consulaire, & les Cim-l'un des Lieutenans Généraux du bres.

Conful, fut défait par les Barbares avec un affez gros détachement qu'il commandoit, & resta prisonnier entre les

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les mains des vainqueurs. Auffitôt AN. R. après cet échec le Conful envoya 647.J.C. vers Cépion le prier de venir au plu-105. tôt le joindre avec son armée. Celui-ci répondit brutalement que chacun devoit se tenir dans son département pour le défendre. Mais, bientôt après, la crainte que le Consul n'eût seul tout l'honneur de la victoire qu'il regardoit comme assurée, le fit changer de fentiment. Il se rapprocha donc, mais il ne campa point au même endroit que: le Conful, & n'eut aucune communi-cation avec lui. Il plaça fon camp entre l'armée de Mallius & celle des Cimbres, afin de pouvoir attaquer le premier les ennemis, & ne partager avec personne l'honneur de leur défaite.

Quand les Cimbres eurent appris la jonction des deux armées Romaines, supposant qu'elle étoit l'effet de la réunion des esprits, car ils avoient été informés de la discorde qui régnoit entre les Généraux, ils envoyérent des Députés vers les Romains pour traiter de paix. Cépion, dans le camp duquel ils entrérent d'abord, voyant que ce n'étoit point à lui mais au Consul qu'ils avoient ordre de s'adref

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