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terré par ses malheurs, oublioit prefque ce qu'il étoit. Nous avons vu quelle confiance eurent en lui les Numantins, & comment il conclut avec eux un Traité qui sauva l'armée Romaine. Evénement fatal pour Tibérius & qui fut la cause & l'origine de tous ses malheurs,

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Ce Traité fut reçu & interprété di- Traité versement à Rome, selon la diversité de Nudes intérêts. Les parens & les amis cause & de ceux qui avoient servi dans cette origine guerre, lorsque Tibérius fut de retour à Rome s'affemblérent en foule autour heurs. de lui, criant que c'étoit à lui seul qu'on avoit l'obligation de la vie de vingt mille citoyens, & rejettant fur le Général tout ce qu'il y avoit de honteux dans ce Traité. D'un autre côté, ceux qui regardoient la paix qu'il avoit faite comme indigne & honteuse pour les Romains, (& c'étoient les plus puissans & les plus autorisés du Sénat) vouloient qu'en cette occasion on imitât leurs ancêtres, lesquels, en pareil cas, renvoyérent aux Samnites non seulement les Généraux, mais encore tous ceux qui avoient eu part au Traité de Caudium & qui l'avoient garanti, les Questeurs, les Tribuns

Tibé

buns, & autres Officiers, faisant tomber ainsi sur leurs têtes toute la haine des sermens violés & de la paix rompue. Ici il n'en fut pas de même. Le Peuple ordonna que le Consul Mancinus feroit livré seul aux Numantins, & excepta tous les autres de la peine en faveur de Tibérius..

Fier de cette espéce de victoire remrius s'at portée sur le Sénat, & piqué de ce que rache au cette Compagnie s'étoit déclarée conparti du Peuple, tre lui, il a quitta le parti des Grands

& des anciens auxquels son pére avoit toujours été attaché, & se livra entiérement à la multitude, cherchant à lui plaire par toutes fortes de voies, pour affoiblir & ruiner le crédit de ceux qu'il regardoit comme ses ennemis. Il imagina pour cela un moyen, qui, loin d'avoir rien d'odieux, paroissoit n'être l'effet que de son zêle pour la justice & pour le bien public, & pouvoit l'être véritablement jusqu'à un certain point... Tome I. J'ai dit, la premiére fois que j'ai eu pag. 554. occafion de parler des Loix Agraires,

que

a Ti. Graccho invidia Numantini fœderis, cui feriendo, quæt or C. Manciri Cos. cùm effet, interfuerat, & in eo fædere improbando Senatûs severitas dolori & timori fuit iftaque res illum

fortem & clarum virum à. gravitate patrum defcifcere coegit. De Harusp. resp. 43.

Ad quem (Tribunatum) ex invidia fœderis Numantiri bonis iratus ace cefferat. Brut. 103.

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toyens que Ton enrerit en Coconus: d'autres excée donnees & cels. Far cet ordre la Republicne pourroman à la fuberance & a la machicom de les citovens. Mais cans a inces tems les Grands & es Times s emmarérent de presque toutes ces, originairement domaniales, joten achetant, foit en en acdinger moyennant the plus forte rederance, celles qui n'avoient ete chargees que d'un cens modigne, foit enfis par la violence. On fit plaieurs regiemens pour arréter le cours de ces irmations. Une Loi fut portee par les Tri-Tom buns Sextius & Licinius, qui defend de poffeder pius de cinq cens arpens de terre. Mais la cupidite inden se à inventer de nouveaux pretextes pour éluder la force des loix, aroit toujours franchi ces foibles barrières. Les Riches d'abord faifoient cultiver ces terres par les gens du pays, cai

ecotent

Plut.

AN. R. Av. J.C. 133.

619.

étoient libres: mais comme ces métayers de condition libre étoient fouvent obligés, en tems de guerre, de porter les armes & d'interrompre la culture des terres, au lieu des naturels du pays ils employérent des esclaves, qui leur rendoient bien plus de service, & le nombre s'en augmenta infiniment: mais celui des sujets de la République diminuoit à proportion, & l'on comprend aisément quel malheur c'étoit pour l'Etat.

Tibérius en avoit été témoin par lui-même, & vivement touché, lorfque traversant la Toscane pour aller à Numance, il vit les terres désertes, & ne trouva d'autres laboureurs ni d'autres pâtres que des esclaves venus des pays étrangers, que leur condition exemptoit d'aller à la guerre.

P. MUCIUS SCAVOLA.. L. CALPURNIUS PISO FRUGI. LORSQUE Tibérius fut devenur Tribun du Peuple, il entreprit de remédier à ce désordre, & de rétablir les pauvres citoyens dans la poffeffion des terres qui leur avoient été enlevées, en faisant revivre la Loi Licinia dont je viens de parler. Corné

he sa mére, qui ne cessoit point de AN. R reprocher à ses deux fils qu'ils lan-619 Av. J.C. guissoient dans l'obscurité sans se di- 133. stinguer par aucune action d'éclat, que les Romains ne l'appelloient que la belle-mére de Scipion & non la mére des Gracques, l'engagea fortement à proposer cette Loi. Ce qui l'y détermina encore plus, ce fut le Peuple, qui par des écriteaux affichés sur les portiques, fur les murailles, & fur les tombeaux, l'exhortoit tous les jours à prendre sa défense contre ces Riches impitoyables. Il ne crut pas pourtant devoir s'y déterminer sans prendre conseil. Il communiqua fon dessein à quelquesuns de ceux qui étoient regardés com. me les premiers de Rome en réputa tion & en vertu. De ce nombre étoient Craffus qui devint peu après souverain Pontife, le Jurisconsulte Mucius Scévola alors Conful, & Appius Claudius le beau-pére de Tibérius.

Il semble, dit Plutarque, que jamais Loi plus douce & plus humaine ne fut donnée contre une si grande injustice, & contre une ufurpation si énorme. Car, au lieu que ces avides poffeffeurs du bien d'autrui devoient être chaffés avec honte des terres dont ils jouif

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