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sujetti plusieurs villes situées sur les bords du Rhône, y avait fait triompher le parti des dominateurs de la Convention, des auteurs de la jour née du 2 juin. Il résulta de cette conquête une réaction inévitable. Les vainqueurs exercèrent sur les vaincus les traitemens qu'ils en avaient éprouvés; ils mirent en liberté les prisonniers de leur parti, et emprisonnèrent ceux du parti contraire. Marseille se débattait encore; mais cette ville devait céder à la force des armes. « On laissa Marseille >> secouer le joug des jacobins ; mais on maintint >> là lutte dans Toulon, afin que les royalistes et ce qu'on appelait les modérés, insuffisans

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pour se

» maintenir par eux-mêmes, et trop faibles pour » se passer d'appui, se décidassent à accepter le » secours étranger qui leur était offert '. »

A Toulon le parti contraire aux dominateurs, les républicains modérés, les ennemis des excès, les royalistes déguisés, appréhendaient le sort des Marseillais, lorsque l'amiral Hood, qui commandait l'escadre anglaise, envoya un parlementaire aux sections de Toulon, avec une proclamation qui contenait l'offre de secourir et protéger les habitans.

de l'é

Cependant des émissaires, des agens tranger travaillaient, s'agitaient auprès des sections de Toulon, et mettaient en jeu tour à tour les mo

'Histoire de France depuis la révolution, par Toulongeon. t. IV, p. 66.

biles de la peur et de l'espérance. Ils réussirent à entraîner une partie de ces sections. Mais longtemps indécises, elles finirent par céder aux manœuvres, aux promesses de ces émissaires qui les portèrent à dépêcher des commissaires auprès de l'amiral anglais. Le gouverneur de la place et le commandant de la marine, ainsi que plusieurs autres officiers, restés fidèles à leur devoir, firent arrêter ces commissaires. A cette nouvelle, les sections envoyèrent de nouveau auprès de cet amiral ennemi un capitaine de vaisseau, le baron d'Imbert, muni de pouvoirs illimités, pour traiter avec lui. Ce capitaine était l'homme dévoué, l'agent secret de la faction anglaise. On ne l'en accuse pas, il s'en vante lui-même.

Le comité général des différens, corps administratifs avait, le 24 août, adressé une proclamation aux officiers et équipages de l'armée navale, pour leur communiquer les propositions de l'amiral Hood. Loin de persuader des officiers attachés à leurs devoirs, cette tentative les détermina à nommer commandant de l'escadre française le contre

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'M. d'Imbert avoue les obstacles qu'il eut à surmonter pour entraîner l'opinion des administrateurs. Nous cher

» châmes à intimider les uns, à ramener les autres. Nous » nous occupâmes sans relâche et de concert du soin de diri

D

ger l'opinion publique; aidé de plusieurs de nos camarades, nous parvinmes à nous en rendre les maîtres. (Précis historique sur les événemens de Toulon, par M. le baron d'Imbert, pag. 18.)

amiral Saint-Julien qui se disposa à la résistance; mais instruits des manoeuvres des agens anglais, de la résolution des sections, de la conclusion du traité, ne voyant plus d'espoir, ils cherchèrent leur salut dans la fuite '.

Ainsi, le 26 août, le havre, les forts, le port et la ville furent livrés à l'amiral anglais qui y débarqua six mille hommes de troupes.

Cet événement fut désastreux et mit la partie de la France, voisine de la Méditerranée et des Alpes, dans un état très-alarmant. Les armées étaient insuffisantes pour garder les frontières, pour défendre le département du Mont-Blanc, alors attaqué dans tous les sens par des troupes autrichiennes et piémontaises; pour arrêter les progrès de la rébellion des Lyonnais qui, comme je l'ai dit, stimulés, encouragés par des agens étrangers, par l'or de l'Angleterre, l'étaient encore par la présence de M. de Précy, envoyé

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Quelques officiers trahirent leur patrie et livrèrent Toulon aux ennemis. Il en est un parmi eux qui s'est vanté de cette conduite, et qui a pris soin de la publier. Écoutons M. le baron d'Imbert: « Je me résignai néanmoins à demander de l'emploi : on me nomma commandant d'une des es» cadres de la Méditerranée : je m'étais chargé d'une grande » et importante mission dans le but d'en faire manquer effets; ainsi le portaient mes ordres secrets et les seuls légitimes. » Cette conduite m'était tracée par l'honneur et la fidélité. » (Précis sur les événemens de Toulon, pag. 13.) On conviendra que l'honneur qui commande de trahir est un étrange honneur.

>>

les

dans leur ville pour y organiser la guerre civile et en diriger les mouvemens.

Il fallait dégarnir les frontières sans cesse attaquées, et en tirer des bataillons pour former le siége de cette ville. Les munitions de guerre manquaient. L'armée des Alpes demandait des hommes et des armes à l'armée qui assiégeait Lyon, et cette dernière armée en sollicitait à l'armée des Alpes. On craignait, d'un côté, l'invasion des Piémontais, et de l'autre que Lyon, s'il restait plus long-temps en état de rébellion, ne devint bientôt le foyer d'une nouvelle Vendée. On voit qu'alors le gouvernement n'était guère capable de réunir des forces suffisantes pour recouvrer Toulon et en chasser les Anglais.

Tels étaient les embarras extrêmes du comité de salut public et de ses commissaires, l'état de crise de la France et les malheurs des gouvernés.

On avait divisé ces derniers; on leur avait inspiré tous les sentimens de la haine et de la vengeance, toutes les fureurs de l'esprit de parti; et dans cet état d'animosité, de colère, on leur avait mis les armes à la main pour qu'ils pussent plus efficacement s'entre-détruire.

Les auteurs de ce plan infernal voulaient que les Français opérassent leur propre ruine, afin qu'on ne pût en accuser qu'eux seuls; voulaient qu'ils se livrassent à tous les crimes, afin de les imputer à la révolution. Ils travaillaient de plus en plus à rendre plus pesant le joug du gouver

nement révolutionnaire, afin de leur faire désirer, comme un bonheur, le nouveau joug qu'ils s'apprêtaient à leur imposer.

M. Toulongeon, l'historien qui a le mieux connu l'influence des puissances étrangères sur les événemens de la révolution, saisit toutes les occasions que présente son récit pour parler de cette influence; il la considère comme créatrice de toutes les affreuses catastrophes de cette époque; c'est à elle qu'il en attribue la cause première et la direction principale. Il est certain que les impulsions les plus fortes et les plus cachées partaient des mains du ministère anglais; leurs agens et les passions faisaient le reste.

Ce ministère n'attaquait pas militairement pour conquérir, mais pour dissoudre la nation française ; il attaquait pour faire naître des alarmes, pour autoriser les gouvernans à renforcer les mesures propres à contenir les Français par la terreur, afin que leurs rigueurs toujours croissantes proquisissent un mécontentement général '.

Les revers de nos armées, pendant une grande partie de la campagne de 1793, n'avaient pas ralenti les progrès de ces rigueurs, les succès les

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Quand un gouvernement a l'imprudence d'épouvanter ses gouvernés et de se jeter dans la carrière de la terreur, il ne peut guère s'y arrêter, car toujours une mesure rigoureuse appelle à son secours une autre mesure plus rigoureuse encore, parce que le nombre et l'irritation des mécontens s'accroissent en proportion.

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