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prétends que le conseil-général a fait tout ce qui >> était en son pouvoir pour empêcher ces mas» sacres; mais d'où étaient-ils donc ces deux municipaux qui, couverts de leur écharpe, y prési>> daient1? »

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Voici ce qu'à ce sujet on lit dans un ouvrage imprimé quelques années après ces massacres par un écrivain connu : « T....... et G..... disaient, le 3 » au soir, à la commune, qu'il fallait que les mas» sacres durassent environ trente jours dans les dé»partemens. Nous tenons ce propos de leur >> propre bouche; c'est un fait historique que la >> mort ne nous ferait pas rétracter'. »

La circulaire que je viens de mentionner fut envoyée dans les départemens sous le couvert de Danton, ministre de la justice; elle révolta en plusieurs lieux ceux qui la reçurent, et se trouva, en quelques autres, accueillie par des imitateurs trop dociles.

A Bordeaux, il fut fait des tentatives pour massacrer les prisonniers; mais le maire, secondé par la garde nationale, arrêta le cours de cette expédition sanguinaire.

A Meaux, le 4 septembre, des individus se portent chez les prêtres de cette ville et des environs,

1

A Maximilien Robespierre et à ses royalistes, par Louvet,

pag. 31.

• Considérations philosophiques sur la révolution française, par le citoyen J. Lachapelle, notes et citations, p. 67: il est évident que le premier des noms, dont l'auteur ne donne que les initiales, est celui de Tallien.

leur coupent la tête qu'ils promènent dans les rues. A Lyon, dans les journées des 9 et 10 septembre, des furieux demandent à grands cris la mort des prisonniers détenus au château de Pierre-Encise, et les tuent presque tous. A la prison de Saint-Joseph et à celle de Roanne, le nombre des victimes ne fut pas fort considérable, parce que la garde nationale parvint à mettre en fuite les massacreurs; néanmoins dix-sept têtes d'officiers et de prêtres, chacune placée au bout d'une pique, furent promenées dans les rues de cette ville.

Le 11 septembre, on manda de Lisieux que des hommes de la campagne brûlaient les châteaux et coupaient les têtes des prêtres non assermentés.

A Caen, dans le même temps, des troubles éclatent; M. Bayeux, procureur-syndic du département, accusé de correspondre avec les émigrés, est mis à mort par la multitude. Plusieurs châteaux des environs sont brûlés, et quelques prêtres arrêtés; on se borne à leur raser la tête et à les baigner dans la rivière.

Il y eut aussi, dans les journées du 9 et du 10 septembre, des troubles à Rouen; le drapeau rouge y fut déployé. A Besançon, l'agitation populaire fut plus grave; à Avignon, les grenadiers du troisième bataillon des Bouches-du-Rhône se battirent vivement contre les fusiliers du bataillon; à Tarascon, plusieurs habitans se mirent en insurrection; à Pamiers un officier municipal fut décapité et sa tête promenée dans les rues.

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Tous ces événemens qui se sont passés depuis le 3 jusqu'au 10 septembre, pendant que dans les villes on procédait aux élections, paraissent pour la plupart les effets de la circulaire émanée du comité de surveillance.

Quelques départemens méprisèrent cette circulaire, d'autres la dénoncèrent à l'Assemblée nationale. Le conseil du département de la Somme la renvoya à cette Assemblée qui, pour la première fois, apprit son existence et s'en indigna. D'autres événemens déplorables eurent lieu dans les environs de Paris, et partirent de la même source.

M. de La Rochefoucauld, ex-président du directoire du département de Paris, fut arrêté à Forges-les-Eaux par six gendarmes, en vertu d'un ordre du comité de surveillance de l'Assemblée nationale. Le conseil-général de la commune de Paris dut participer à cette arrestation; il est certain qu'elle en paya les frais '.

Les gendarmes, conduisant M. de La Rochefoucauld au lieu de sa destination, le firent passer à Gisors où il arriva le 4 septembre, accompagné de sa mère, de son épouse, d'une autre dame et d'un ami. Sa voiture était de plus escortée par un nommé Bouffart, ancien professeur du collège de Vernon, qui donnait des ordres à la gendarmerie et qui se

'Etat des sommes payées par le trésorier de la commune de Paris; Mémoires des journées de septembre 1792, pages 315,

316.

présenta à la municipalité en qualité de commissaire du comité de surveillance pour l'arrestation de M. de La Rochefoucauld; il montra sa commission, datée du 16 août, et signée Bazire, Merlin et Le Cointre.

Les officiers municipaux remontrèrent à ce commissaire qu'il était dangereux de faire séjourner le prisonnier dans Gisors; il n'eut point égard à cet avis. Quatre compagnies de volontaires nationaux des départemens de la Sarthe et de l'Orne venaient d'arriver dans cette ville. Instiguée par on ne sait qui, une partie de ces volontaires se porta à l'auberge de l'Écu où était logé le prisonnier. La municipalité, alarmée, requit la garde nationale et fit tous ses efforts pour dissiper l'attroupement. M. de La Rochefoucauld se montra à la fenêtre dans une posture suppliante. Cette action, loin de calmer les volontaires, excita leur fureur; ils menaçaient même les municipaux, et disaient que, si le prisonnier ne sortait pas, ils allaient monter dans sa chambre et lui couper la tête.

Vers les quatre heures après-midi, M. de La Rochefoucauld sortit de l'auberge, monta en voiture; mais les volontaires exigèrent qu'il en descendit, jurant qu'il ne lui arriverait aucun mal : il marcha à pied. Arrivé au milieu du faubourg appelé Faubourg-de-Paris, on le crut sauvé; il se disposait à remonter dans sa voiture, lorsque quelques volontaires s'élancent à travers les chevaux, à travers la garde nationale et la municipalité, et arrivent

jusqu'au prisonnier. Un d'eux lui porte un coup de pointe au-dessus des côtes; un second lui lance à la tête un pavé qui le renverse; les autres l'achèvent: il meurt percé de mille coups dans les bras des municipaux '.

Les habitans de Gisors et l'escorte du prisonnier furent étrangers à ce meurtre, et employèrent tous les moyens possibles pour l'empêcher. On ignore quel homme a excité contre M. de La Rochefoucauld les volontaires qui ne le connaissaient pas.

Le 9 septembre éclaira une scène plus atroce encore; voici comment elle fut amenée. L'Assemblée nationale, après le 10 août, avait ordonné que les prisonniers détenus à Orléans pour être jugés par la haute cour, seraient transférés à Paris. Le ministre Roland, qui sentait le danger de cette translation, en retardait l'exécution, et désirait que ces prisonniers fussent envoyés dans des lieux éloignés de Paris, notamment à Saumur qu'un précédent décret leur avait assigné pour demeure; mais ses vues philanthropiques furent combattues par le ministre de la justice Danton.

Les prisonniers partent d'Orléans au nombre de cinquante - trois, escortés d'environ deux mille hommes armés.

Le 8 septembre, le ministre de l'intérieur adresse

'Extrait d'une lettre de la municipalité de Gisors adressée le 16 septembre 1792 au rédacteur du Thermomètre.

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