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Vas, portant dans les Cours le flambeau qui t'é

Aux

claire,

yeux des Souverains offrir la vérité.

Des dons de ton génie enrichis nos Provinces,
En couronnant les arts faïs-les aimer des Princes:
Louis a par fon choix honoré ta vertu.

Ecrafe fous tes pieds les ferpens de l'envie,
Suis tes nobles projets... Ainfi chafte Maric
Le Tyran des enfers par toi fut confondu.

L'HOMME CONSOLÉ PAR LA RELIGION.

ODE couronnée par l'Académie de la Conception de Rouen, au mois de Décembre

1775.

CIEL ! ne

ne m'as tu donné ma fatale existence, Que pour boire à longs traits le fiel de ta ven

geance?

L'homme libre à la fois, elclave, infortuné,
Gémit fous le fardeau d'une accablante vie,
Par de longues douleurs on croiroit qu'il expie
Le crime d'être né.

Mon cœur s'égare en vain dans sa pénible course

Pour trouver de la paix la véritable fource;
Elle échappe à mes vœux ; un frivole de fir
A trompé de mes fens l'ivrefle paflagere,
J'ai vu fuir à mes yeux comme une ombre légere,
L'image du plaifir.

Que dis je? Autour de moi le démon de la

guerre, De les feux deftructeurs vient embrafer la terre ; L'enfer a fecondé fon barbare transport, Par tout il fait régner le crime & l'imposture, Sa main enlanglantée a couvert la nature Du voile de la mort.

Ce brigand contonné qu'enhardit l'opulence,
Vole de crime en crime, & fa fiere infolence
A force d'attentars a fçu trouver la paix ;
Tous les jours font fereins, fon bonheur eft
extrême,

Et puiflant par le vice, il s'adore lui-même
A l'ombre des forfaits.

Tout fatte son penchant, tout cherche à le dif

traire,

Le fort à fes defirs fut-il jamais contraire?
Son paisible pouvoir ignore les revers:
L'innocence gémit fous la main qui l'opprimes
Quand l'aveugle fortune a couronné le crime,
Le juíte eft dans les fers.

Quoi! la vie, ô douleur ! fous les loix d'un Dieu

fage,

Des tourmens à la mort eft le trifte passage?
Qui voit du fcélérat les defirs triomphans,
Accufe la rigueur d'un defpote févere,
Et ne découvre plus la main d'un tendre pere
Qui chérit fes enfans.

Des folles paffions l'homme eft donc la victime;
Comme fon cœur, la terre eft l'empire du crime?
Non, il n'eft point ce Dieu, j'ignore (on appui ;
S'il eft vrai qu'il exifte, armé de son tonnerre,
Qu'il venge l'innocent, qu'il le montre à la terre,
Et mon cœur croit en lui.

Téméraire mortel, ton aveugle caprice
Blefle aina de ton Dieu la fuprême justice!
Fais defcendre la paix dans ton cœur abattu,
Que l'orgueil de ton être & t'anime & t'enflamme,
Abjure ton erreur, reconnois dans ton âme

Le prix de la vertu.

Dans l'abyfme des maux dont le poids nous ac cable,

Defirer un bonheur conftant, inaltérable,
Je l'avone avec toi, c'est un frivole espoir;
Si la longue douleur, que l'on nomme la vie,
D'un état plus heureux ne doit être fuivie,
Je frémis de me voir.

Mon âme périroit! A ces mots je friffonne,
Le trouble me faifit, & l'horreur m'environne:
Quoi! ce maître inflexible, & fi jufte & fi grand,
M'accable fous le poids de fon fceptre barbare,
Et du fein de mes maux fa fureur me prépare,
L'abyfme du néant?

O de l'éternité féduifante espérance,

Du plus parfait bonheur chere & douce affurance! Ton avenir réfout l'énigme du préfent ;

L'homme oublie à ta voix les tourmens qu'il endure;

Et fier de fes vertus,

il fouffre fans murmure

Le joug le plus pefant.

I goûte fous les loix du Maître qu'il adore
Un plaifir auffi doux que les feux de l'aurore:
L'innocence eft fon bien, la vertu fes trésors,
La gloire qu'il envie, en lui-même il la trouve,
Un Dieu vit dans fon fein; jamais fon cœur
n'éprouve

Les tourmens du remords.

Toi qui vantes les droits de la raison altiere,
Son flambeau vit en vain pour ta foible paupiere ;
Si dans ce lieu d'exil nos jours tant combattus,
De voient être fixés à l'éclair de la vie,

Nous euffions vu du moins, dans notre rêverie,
Le fonge des vercus.

Néron cût expiré, quand la main languinaire
Ola plonger la mort dans le fein de fa mere ;
Mais il peut fans ebstacle enfanter les forfaits.
Si le Très-Haut voit tout des yeux de sa puislance
Il doit punir le crime & venger l'innocence
Par d'éternels bienfaits.

Philofophe si vain dans ton incertitude,
Montre moi l'heureux fruit de ta pénible étude.
Quel fuccès ton efprit ofe-t-il me vanter?
Ses efforts impuiflans irritent fon audace,
Tandis qu'en fes defirs il n'eft rien qu'il n'embraffe,
Tu n'apprends qu'à douter.

Ainfi les Nautonniers, dans l'ardeur qui les guide,
Affrontent les hafards d'un élément perfide,
Au vafte fein de l'onde ils tombent renfermés:
Sous un ciel étranger, privés de fépulture,
Leurs cadavres langlans deviennent la pâture
Des monftres affamés.

L'homme n'a pu former qu'un ténébreux lyftême:
En voulant fe connoître, il fe perd en lui-même ;
L'erreur a vu brifer fon fceptre criminel :
O confolant espoir! (ur des ailes de flamme,
Ravie au haut des cieux, s'élancera mon ame
Au fein de l'Eternel.

Le ciel a conirmé ce qu'efpere le Sage;

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