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Ce qu'il faut donc à tout gouvernement représentatif qui prend naissance dans l'élection, c'est un vaste système d'enseignement général, gradué, spécial, professionnel, qui porte la lumière au sein de l'obscurité des masses, qui remplace toutes les démarcations arbitraires, qui assigne à chaque classe son rang, à chaque homme sa place.

Tout gouvernement fondé sur le double principe de l'égalité des droits civils et de l'élection, sera toujours anarchique et chancelant, si un système d'instruction qui lui soit propre ne régénère l'esprit public faussé, abâtardi par la routine des temps, ne dissipe l'encombrement des prétentions que suscite le principe mal interprété de l'égalité civile prise pour l'égalité sociale, n'établit la hiérarchie des intelligences, ne fournit pas enfin un contigent d'hommes éclairés, suffisant pour recruter l'administration municipale, le jury, l'électorat, l'éligibilité.

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Qui veut fermement le gouvernement représentatif, veut le régime municipal. Qui veut le régime municipal, veut l'élection. Mais là où les électeurs ne sont pas juges éclairés des choix qu'ils font, l'élection n'exerce plus son droit, l'intrigue l'usurpe, la centralisation paralyse le régime municipal, si bien qu'enfin, sous l'empire des formes parlementaires, ce sont le monopole et l'ignorance qui font les lois.

La France ne produira de ministres capables de la gou

verner, qu'alors que l'instruction, généralement répandue, aura si largement fondé cette hiérarchie des intelligences, que chaque unité municipale, chaque unité électorale posséderont et des administrateurs au niveau des besoins sociaux qu'ils devront satisfaire, et des mandataires en état de faire coordonner avec l'intérêt général les intérêts spéciaux de localité ou d'industrie qu'ils seront appelés à représenter.

Le mal de notre époque, le voici :

L'ignorance générale perpétue la centralisation administrative et la rend nécessaire; l'étendue de l'une fait la force de l'autre.

Toute attaque prématurée contre la centralisation sera vaine ou dangereuse; car, en admettant même qu'on parvint à détruire les traditions du monopole, l'ignorance de la grande majorité des contribuables est telle, qu'il serait impossible d'y substituer l'administration municipale.

Mais, par l'instruction publique nous entendons l'instruction primaire suffisamment dotée (1), l'instruction universitaire judicieusement complétée.

'L'enseignement primaire, en y comprenant les fonds généraux, les centimes facultatifs et additionnels des conseils généraux et les frais des écoles normales, figure en 1842 au budget de l'instruction publique pour une somme de 6,280,000 fr., qui se répartissent ainsi :

Que produit l'instruction primaire avec une dotation annuelle insuffisante?- Le déclassement de la population, l'appauvrissement de l'agriculture, l'encombrement de l'industrie, l'agglomération d'une masse flottante d'hommes turbulents, assiégeant les avenues du pouvoir, déconsidérant le gouvernement qui se sert d'eux, et s'insurgeant contre celui qui les repousse.

Un homme qui sait lire et écrire quelque peu est encore, dans les communes, un être privilégié qui possède de fait une supériorité qu'on ne saurait lui contester; il est rare qu'il n'abuse pas du très-peu qu'il sait pour faire supposer aux connaissances élémentaires qu'il possède toute l'étendue dont elles manquent; aussi, généralement, exerce-t-il et cumule-t-il les fonctions de secrétaire et de conseiller des familles, d'avocat et de notaire de village; ce qui ne contribue pas peu à accroître le nombre des procès.

L'expérience démontre que lorsque l'instruction élémentaire est le privilége de quelques-uns et non l'obligation de tous, elle ne fait que des victimes.

Un enfant, par exception, a-t-il appris à lire et à écrire; dès qu'il possède cet avantage sur son père, il conclut

Encouragements à l'instruction primaire (fonds généraux). 2,000,000 fr. Centimes additionnels qui doivent être votés par les con

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que la profession paternelle est incompatible avec le savoir; la vanité l'abuse sur sa vocation et lui fait abandonner la commune pour la ville; de bon cultivateur qu'il eût été, en état de substituer avec discernement quelques procédés perfectionnés à des pratiques erronées, il va, selon que ses parents peuvent faire à son avenir plus ou moins de sacrifices, augmenter le nombre des artisans sans ouvrage, ou grossir la foule des hommes qui, peu soucieux que les professions industrielles ou libérales soient encombrées, tandis que la terre manque d'intelligences et de bras, attendent la destinée qu'ils convoitent de la révolution qui bouleversera leur pays.

Voilà, sans amplification, ce que produit l'instruction élémentaire inégalement et parcimonieusement départie; voilà pourquoi nous voudrions que la loi fit d'une instruction convenue une obligation commune, afin que, dans un temps prévu, savoir lire et écrire cessât d'être un PRIVILÉGE SOCIAL, et que ne savoir pas lire et écrire devînt une INCAPACITÉ POLITIQUE.

Quelles chambres législatives refuseraient au gouvernement l'allocation qu'il demanderait en faveur de l'enseignement élémentaire, quelque élevée qu'elle soit, lorsque l'exactitude des assertions qui suivent leur aurait été démontrée par l'examen approfondi des faits?

Sans instruction élémentaire ou primaire généralement répandue,

Les formes représentatives agitent tous les intérêts, les font tous ennemis les uns des autres, et n'en satisfont

aucun;

-La centralisation est incompatible avec le régime municipal; elle ne peut supporter le débat parlementaire;

- La décentralisation est impossible, faute d'une hiérarchie d'intelligences;

-La réforme de notre industrie agricole est une utopie hors d'état de lutter contre la routine;

- Chaque progrès de l'industrie manufacturière est un pas fait en avant vers sa ruine;

Cela s'explique:

-L'industrie agricole restant stationnaire, n'augmentant pas le nombre des consommateurs, ne diminuant pas le prix des matières premières, l'industrie manufacturière s'encombre de ses produits; elle insurge contre le gouvernement les prolétaires sans travail, dont elle augmente chaque année le nombre.

Enfin, sans instruction élémentaire généralement répandue,

-La superstition, dans les époques de transition, fait

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