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un insurmontable obstacle; de fait, les lois françaises, en harmonie avec la nature et à la hauteur de la civilisation, n'asservissent point les femmes, elles les respectent et les protégent.

La condition légale des femmes n'appelle donc point de réformes importantes; il n'en est point ainsi de leur éducation sociale, trop négligée d'un gouvernement qui s'est attribué la direction de l'instruction publique.

Dans l'éducation des femmes, ce dont il faut s'occuper avant tout, c'est de l'utilité de leur mission; or, c'est la méconnaître que de ne voir en elles que des compagnes données à l'homme pour embellir sa vie, charmer ses loisirs, partager ses souffrances et doubler ses joies.

Considérée sous ce point de vue, plus pastoral que social, l'instruction superficielle des femmes s'explique ; il n'est pas nécessaire, en effet, que leur instruction soit plus profonde, si elles n'ont pas d'autre destinée que celle de victime ou d'idole!

Mais si à l'idylle du poëte vous substituez la pensée du législateur, si à la place de l'épouse vous ne voyez plus que la mère, les rôles aussitôt changeront: - à la femme appartiendra le premier, à l'homme le second; dans ce dernier vos yeux ne verront plus que le fils élevé par sa mère.

C'est alors que l'instruction des femmes vous paraîtra incomplète et superficielle, entièrement contraire au but qu'elle devrait se proposer; c'est alors qu'involontairement votre esprit se surprendra faisant justice de ce lieu commun qui étiole les sociétés : « La femme est faite uniquement pour plaire et pour aimer...» ; c'est alors que votre esprit s'empressera de reconnaître que des deux conditions de la femme, celle de mère est la première, que celle d'épouse n'est que la seconde; la maternité est sa vocation, elle élève la femme au-dessus de l'homme : le mariage n'est qu'une fonction qui met au contraire la femme dans la dépendance de l'homme,

Pour déterminér judicieusement quelle est l'éducation et l'instruction que doivent recevoir les femmes, il importe donc, avant et par-dessus tout, de se rendre un compte rigoureusement exact de la mission que leur préparent les tendances de la société1.

Les femmes portent l'avenir des sociétés dans leur sein; jamais il n'y aura de progrès rapides et réels que ceux qui leur seront dus.

L'amélioration du sort des classes populaires et leur moralisation se lient étroitement à l'amélioration de' l'instruction des femmes; l'une ne sera possible qu'après qué l'autre aura été réalisée.

Sans renouveler la discussion de l'action réciproque des mœurs et des lois, disons, pour trancher la question indécise, qu'aux mères de famille plus qu'aux lois il appartient d'exercer une salutaire influence sur les mœurs du peuple et les progrès de la raison humaine.

Former des mères dignes de ce nom, capables d'exercer avec discernement cette première des fonctions sociales, tel doit être le but de l'instruction des filles; former des épouses qui soient des compagnes douces, agréables et fidè→ les, sera tout naturellement le résultat de la bonne édu→ cation puisée au sein de la famille; cette éducation sera d'autant meilleure qu'elle sera plus commune, qu'elle aura pour rudiment des exemples plus souvent que des préceptes: sans y avoir été systématiquement préparée, soyez assuré que la fille sera toujours bonne épouse, si l'éducation d'une bonne mère l'a faite à son image.

Considérée sous ce point de vue tout maternel, quelle est l'instruction qu'il convient de donner aux filles? quelles connaissances leur faudra-t-il acquérir?

« L'homme doit être formé pour les institutions de son pays, la femme pour l'homme tel qu'il est devenu. On doit regarder la qualité de citoyen comme le vrai mobile de l'existence sociale de l'homme; la destinée d'une femme est, à son tour, comprise dans ces deux titres : épouse et mère du citoyen.» Ainsi s'exprime Mme la comtesse de Rémusat dans son Essai sur l'éducation des femmes.

A toutes les questions qui peuvent être faites, nous répondrons par ces deux lignes qui renferment tout notre programme de l'éducation des filles :

«IL FAUT APPRENDRE AUX Femmes ce qu'elles doivent PLUS TARD ENSEIGNER AUX ENFANTS QUI NAITRont d'elles. D En d'autres termes:

Il faut donner aux filles et aux garçons nés dans la même condition, la même instruction, afin que, dans l'avenir, les filles devenues mères accomplissent ce que l'Université ne fait qu'à demi, dispendieusement et révolutionnairement, et qu'ainsi soient assurées et l'éducation et l'instruction des enfants, sans nuire au bien-être de la famille et sans troubler la hiérarchie sociale telle que la comportent l'égalité civile et la liberté politique.

VIII.

Encourager les associations ayant pour but la publication à bas prix de bons livres et de journaux élémentaires.

Il serait à désirer que tous les hommes éclairés qui sentent le besoin, dans l'intérêt de l'ordre et des progrès, de s'occuper sérieusement de l'instruction nationale, formassent une association par département, dont le but serait: de surveiller tous les enfants à leur sortie de l'école, afin qu'abandonnés à eux-mêmes ils ne soient pas exposés au risque d'oublier ce qu'ils auraient appris; - de publier de bons livres1; de les mettre gratuitement

'L'homme qui vit à la sueur de son front a peu le temps de lire; en supposant qu'il sache lire, il n'est guère en mesure de se procurer des livres. Enfin, il y a, jusqu'à ce jour du moins, très-peu de bons livres à sa portée et à son usage.

Malheureusement encore, s'il existe pour lui peu de bons livrés, il y en - a de pernicieux, et ceux-ci parviennent quelquefois plus facilement à circuler et à se faire lire. C'est précisément parce qu'ils flattent les passions ou les préventions de l'ignorance qu'ils obtiennent plus de lecteurs. Jetez les yeux sur ces petits livres qui, sous divers titres, sont colportés de village en village, étalés aux foires et aux fêtes champêtres, offerts à vil prix, que d'erreurs accréditées par eux ! que de pratiques super

entre les mains des enfants à leur sortie de l'école, avec faculté, après avoir lu ces volumes, de les changer contre de nouveaux 1.

Pour cela, il suffirait que l'association centrale du département eût d'abord un délégué par ville et successivement un par commune, chargé de l'échange et du renouvellement des volumes. Le nombre des livres envoyés au délégué serait en raison de la population de la ville ou de la commune. Avec un bon système d'échange et de circulation, 5 ou 6,000 volumes de roulement par département suffiraient pour entretenir tous les mois les villes et les communes de livres nouveaux; car c'est un

stitieuses confirmées! trop souvent que d'exemples licencieux offerts! quelles offenses contre la langue, le goût, la raison, la décence! Est-ce donc pour préparer les enfants à de telles lectures que nous les envoyons à l'école ?

Cependant les bonnes lectures pour l'homme de travail seraient un moyen de compléter son instruction, de continuer sa propre éducation à tout âge. Il s'y dépouillerait de préjugés nuisibles; il y puiserait des antidotes contre les poisons capables de corrompre son esprit ou son cœur; il s'entretiendrait dans des sentiments honorables. Des lectures convenablement choisies, loin de le détourner des paisibles travaux qui remplissent pour lui le cours de sa journée, serviraient à l'en délasser agréablement, le disposeraient à les reprendre avec une nouvelle ardeur. L'expérience le prouve : séquestré souvent par divers obstacles du commerce et de la société, privé de relations propres à éclairer son intelligence, à épurer ses goûts en élevant son âme, un bon livre serait pour lui, dans son isolement, comme un compagnon, un ami, qui lui en tiendrait lieu, qui remplacerait même des relations plus fructueuses. (Baron de GéRANDO: Traité de la bienfaisance publique, chap. 4, liv. III, 2e partie, page 252.)

'On pourrait aussi attacher à chaque école un choix de livres qui seraient appropriés aux divers âges, aux deux sexes, et que les habitants pourraient emprunter tour à tour, moyennant une rétribution très-modique qui servirait à l'entretien de ce dépôt. Avec dix francs on formerait aujourd'hui un premier fonds de bibliothèque de village, renfermant au moins vingt volumes. La moitié de cette somme suffirait chaque année pour accroître cette collection, et chaque bibliothèque n'oblint-elle dans la commune que cinquante lecteurs abonnés, chacun d'eux n'aurait à dépenser pour en jouir que 20 centimes première année, et 10 centimes les années suivantes.

fait à la honte de notre pays et de notre temps, que la masse de la population en âge de majorité ne sait pas encore lire; ce n'est donc que par l'enfance que l'émancipation intellectuelle peut s'opérer.

A l'instruction de l'enfance et de la jeunesse que le présent fasse enfin les sacrifices qu'exige l'avenir ! Que l'État sème l'instruction, la nation récoltera une abondante moisson de morale, de richesse et de liberté ! Le champ à semer est vaste, abondante !

que la semence soit

L'Annuaire du bureau des longitudes de 1841 établit que depuis 1816 jusqu'en 1838 il est né en France 6,510,900 garçons et 6,131,200 filles : ensemble 12,642,100; soit, d'après les lois de la mortalité, environ 8 millions d'enfants âgés de trois à seize ans qu'il serait encore temps d'instruire, c'est-à-dire un cinquième de la population; mais il ne faudrait pas perdre un temps précieux, afin qu'au moins dans dix ans la France puisse commencer à compter et sur un noyau d'hommes en état d'exercer avec discernement leurs droits politiques, et sur un assez grand nombre de jeunes mères capables de former ellesmêmes l'intelligence de leurs enfants.

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