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De bons traités distribués aux élèves à leur sortie des écoles, par des sociétés bienfaisantes, de petits cours faits par des hommes animés de l'esprit d'ordre et de progrès, achèveront ce qu'exigera de plus l'instruction de la population des villes et des campagnes.

Ce qui précède étant fait, ainsi qu'il est dit, il restera à chercher quels peuvent être les travaux manuels susceptibles de remplacer les jeux d'enfants, considérant moins ces travaux sous le point de vue du produit, que comme une introduction nécessaire à la pratique de la vie, un développement salutaire des forces physiques et intellectuelles, enfin une substitution avantageuse de travaux utiles et profitables à des exercices gymnastiques sans but.

III.

Encourager le perfectionnement de méthodes expéditives.

Le perfectionnement des méthodes expéditives est un point qui n'importe pas moins à la propagation de l'instruction élémentaire que l'admission gratuite dans les écoles.

Dans les campagnes, le temps est ce que le cultivateur a le moins à sa disposition; ses enfants font sa richesse; avant l'âge de sept ans il utilise leur concours.

Il ne faut donc rien négliger, rien dédaigner.
Voici, selon nous, ce qu'il serait utile de faire :

Fonder à Paris, sous la surveillance du gouvernement ou d'une association, une ou plusieurs écoles gratuites; l'objet spécial serait de faire concourir entre elles toutes les méthodes nouvelles, afin de constater, par leurs résultats, celles qui seraient plus ou moins expéditives. Cette école, en supposant qu'on n'en établit qu'une, n'admettrait que des enfants de cinq à neuf ans.

Il y aurait deux classes par jour; — la première de huit à onze heures pour les garçons; la seconde de deux heures à cinq pour les filles.

L'école se composerait d'un assez grand nombre de

salles pour que tout professeur ou démonstrateur d'une méthode nouvelle pût avoir immédiatement la libre disposition d'une salle et d'une classe, sur sa demande motivée.

Chaque salle porterait le nom du professeur qui l'occuperait.

Des concours publics entre toutes les classes auraient lieu tous les trois mois.- Un journal serait spécialement chargé d'en rendre compte, afin de constater les avantages d'une méthode comparés à ceux d'une autre.

Tout professeur qui atteindrait, dans le délai fixé, le résultat prescrit, serait de droit directeur d'une école normale, destinée à former des propagateurs de sa méthode.

Il serait utile, en outre, d'établir, deux fois par année, un concours public entre les classes de filles et celles de garçons, afin de constater si la faculté qu'on suppose aux filles d'apprendre plus rapidement que les garçons, est démontrée par un assez grand nombre de résultats pour acquérir l'autorité d'un fait comparé.

Le problème que toute méthode aurait à résoudre serait celui-ci :

<<< APPRENDRE EN QUATRE ANNÉES, A DES ÉLÈVES DE CINQ A « NEUF ANS, EN NE LEUR DEMANDANT QUE TROIS HEURES AU << PLUS DE PRÉSENCE A L'ÉCOLE PAR JOUR, CE QUE COMPREND « LE PREMIER DEGRÉ DE L'INSTRUCTION ÉLÉMENTAIRE.» (Voir p. 27.)

Ce problème publiquement, authentiquement résolu, les plus grandes difficultés que rencontre l'instruction élémentaire seraient vaincues.

Alors, un cultivateur ne serait plus privé du concours de ses enfants que pendant l'âge où il n'en peut encore tirer un grand produit, c'est-à-dire à peu près de cinq à neuf ans'.

'Sur presque tous les points de la France, l'école n'est pas fréquentée plus de trois mois; c'est le terme moyen qu'il convient de prendre entre

Il n'en serait privé que trois HEURES PAR JOUR.

Si l'on suppose qu'il soit père d'un garçon et d'une fille, il ne serait jamais privé à la fois du concours des deux.

Tel serait l'avantage de la formation de deux classes; l'une, par exemple, de huit à onze heures, où il enverrait son fils; - l'autre de deux à cinq heures, où sa fille viendrait, aussitôt que le frère, de retour au logis, pourrait la remplacer dans les fonctions domestiques qu'elle aurait quittées.

Ces détails ont plus d'importance qu'on ne le suppose, quand il s'agit de l'application d'une loi qui rencontre tant d'éléments d'opposition dans les mœurs et dans les localités.

L'établissement d'une école normale primaire par département est une pensée assurément digne d'éloges; mais pour qu'elle porte tous ses fruits, trois choses sont nécessaires :

Premièrement, que la direction des écoles normales ne soit confiée qu'à des hommes instruits, habiles et d'un zèle éprouvé.

Deuxièmement, qu'il se présente des instituteurs en assez grand nombre pour que l'établissement de quatre-vingt-six écoles normales ne soit pas seulement une obligation légale, une charge nouvelle imposée aux départements, sans avantages pour eux, ce qui aura certainement lieu si une large allocation, telle que celle que nous proposons, ne fait de l'instruction élémentaire une vérité, et de l'état d'instituteur public une carrière honorable.

-Troisièmement, que dans toute école normale primaire il ne soit enseigné qu'en se servant des méthodes les plus

les pays où les enfants s'y rendent quatre ou cinq mois, et ceux où deux mois sont réputés suffire à leur instruction chaque année. (Tableau do l'instruction primaire par M. LORAIN.)

En 1836, soixante-seize écoles normales étaient établies.

expéditives, reconnues telles au concours dont il a été parlé dans le précédent paragraphe.

-Quatrièmement, enfin, qu'il soit annexé à toute école normale primaire d'instituteurs, une école d'enfants, afin que les instituteurs puissent, par la pratique, vérifier eux-mêmes les avantages des méthodes qui leur auront été enseignées par la théorie.

IV.

Priver de l'exercice de ses droits politiques tout contribuable âgé de moins de vingt ans qui ne pourra justifier, à partir d'une époque définic, qu'il sait lire et écrire.

Attribuer de droit, à partir de la même époque, par disposition additionnelle à la loi du 21 mars 1832, les premiers numéros dans le tirage du recrutement aux hommes ne sachant ni lire ni écrire.

Contre ces mesures coercitives on objecte :

Premièrement, que leur rigueur retombe, non sur les coupables, qui sont les parents, mais sur les enfants, qui sont les victimes;

Deuxièmement, qu'elles sont une atteinte portée à la liberté individuelle.

D'abord, nous déclarons ne pas nous opposer à ce que la loi oblige ou encourage les parents, soit au moyen d'amendes encourues, soit au moyen de primes décernées; loin de là, tout ce qui sera fait dans cette double direction d'idées aura notre approbation. Ensuite, nous demanderons si l'adulte qui n'a pas réparé la négligence de ses parents n'est pas devenu solidaire de leur faute; s'il est entièrement irréprochable; si la société doit subir la peine de son incapacité, qu'elle ait ou non la paresse pour cause.

L'électeur qui n'est point juge éclairé des choix qu'il fait, le conseiller municipal qui délibère sans savoir épeler les lettres de son nom, ne portent-ils point une atteinte à l'ordre public? ne mettent-ils pas en péril le gouvernement représentatif?

Une nation qui, sur trente-trois millions d'habitants, en compte à peine un trentième sachant lire, est une nation que l'on peut encore réputer dans l'enfance.. Croit-on qu'un enfant, à qui ses parents laisseraient le libre arbitre de vivre sans efforts dans son ignorance, ou de surmonter les difficultés de l'étude, hésitât ? — Si l'autorité paternelle ne le contraignait pas, qu'apprendrait-il?

Que le gouvernement se montre paternel, on ne l'accusera pas d'être arbitraire !

En Allemagne, l'instruction est donnée sous la direction du gouvernement; les parents sont tenus, sous des peines correctionnelles, d'envoyer à l'école leurs enfants dès qu'ils ont atteint l'âge de six ans.

En France même, il existe une disposition, positive et non abrogée, de la loi du 29 frimaire an II, ainsi formulée :

« Les pères et mèrès, tuteurs et curateurs sont tenus d'envoyer leurs enfants ou pupilles aux écoles de première instruction.

Les pères et mères, tuteurs et curateurs qui auront négligé de faire inscrire leurs enfants ou pupilles, seront punis, pour la première fois, d'une amende égale au quart de leurs contributions, et pour la deuxième, suspendus de leurs droits civiques pendant dix ans.

Ceux des jeunes gens qui, à l'âge de vingt ans accomplis, n'auront pas appris une science, un art, ou métier utile à la société, seront privés pendant dix ans des droits de citoyen.- La même peine aura lieu contre les pères, tuteurs et curateurs, convaincus d'avoir contribué à cette infraction de la loi. »

La même loi mettait à la charge des communes les frais d'enseignement, montant annuellement par chaque élève à 20 fr. pour l'instituteur, et à 15 fr. pour l'institutrice.

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