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classes ouvrières une nouvelle instruction, sans laquelle, à chaque perfectionnement de leur art ou métier, elles seraient exposées à manquer de travail, qui leur donnera spécialement ces notions usuelles de mécanique, de physique et de chimie, dont tout progrès tend à rendre l'usage plus indispensable? qui les préparera, par une rectitude particulière de la main et de l'œil, à l'exercice de diverses professions? qui leur inculquera ces principes d'hygiène, ces notions physiologiques propres à réformer une foule d'erreurs traditionnelles, de préjugés et d'habitudes funestes, sinon l'instituteur?

Mais l'instituteur ne sera à la hauteur de sa mission, il ne sera un agent utile, il ne méritera le traitement que nous demandons qu'on lui accorde, que lorsqu'il résumera en lui toutes les connaissances nécessaires au parfait développement de l'intelligence des classes agricoles et industrielles; qu'alors que son enseignement sera mis en rapport avec leurs besoins, et leur épargnera ainsi la nécessité d'aller dans les villes chercher un supplément d'instruction.

Aussi la loi du 28 juin 1833 n'a-t-elle pas, à notre avis, conçu l'avenir qu'elle pouvait enfanter; elle n'a pas prévu qu'après une révolution, un gouvernement nouveau, une dynastie nouvelle, n'avaient jamais qu'une existence probable de quinze années au plus, lorsque l'instruction du peuple sagement dirigée ne servait pas de lien aux générations qui se renouvellent; elle n'a pas compris que l'instruction est à l'homme ce que la charrue est à la terre,

une préparation nécessaire; et que c'est moins la semence qui produit les abondantes récoltes, que l'instruction qui développe l'intelligence du cultivateur et féconde ses travaux.

Pour cela, encore une fois, que faut-il ? des instituteurs à la hauteur de leur mission, des instituteurs revêtus de la considération publique, ce qu'un caractère et un esprit distingués n'obtiennent que bien difficilement, quand une

industrie prospère, une profession productive, ou des fonctions publiques honorablement rétribuées ne les font pas valoir; des instituteurs enfin qui occupent dans la hiérarchie sociale la place à laquelle leur donne droit une mission, à nos yeux, non moins pénible, non moins utile, non moins importante, non moins honorable que celle de juge ou d'avocat du roi.

11.

Déterminer les divers objets et degrés dont l'instruction élémentaire devra se composer.

« Pour juger ce qu'il convient d'enseigner à des élèves, on doit examiner d'abord à quelle destination il s'agit de les rendre propres. En procédant ainsi, on juge bientôt que, pour les classes laborieuses, il faut des connaissances très-simples; qu'une instruction étendue, variée, enlèverait des hommes à l'agriculture et à l'industrie, loin d'en former pour elles. »

De cette opinion judicieuse d'un membre de l'Académie française, de M. Droz, nous tirerons cette conclusion, que, si l'enseignement élémentaire doit se borner à des notions usuelles et immédiatement applicables, il n'en est pas ainsi de l'instruction de l'instituteur, qui doit être assez étendue, assez variée, pour qu'autant que possible les enfants d'une commune n'aient pas besoin d'aller chercher une instruction complémentaire dans les villes, dont le séjour a le grave inconvénient de changer leurs idées par les nouvelles habitudes qu'elles leur font prendre.

La loi du 28 juin 1833 divise l'instruction primaire en deux degrés:

1er degré, instruction primaire élémentaire :

Instruction morale et religieuse;

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2e degré, instruction primaire supérieure:

1er degré ci-dessus;

Dessin linéaire;

Arpentage;

Géométrie pratique;

Notions des sciences physiques et d'histoire naturelle;
Le chant;

Éléments d'histoire et de géographie nationales et étrangères.

Voici, selon nous, les additions et les transpositions qu'il nous paraîtrait utile d'y faire; nous les avons indiquées en italique.

Instruction élémentaire :

1er DEGRÉ.

2e DEGRÉ.

Instruction morale et religieuse;

Art de lire et d'écrire correctement;
Chant;

Calcul et système légal des poids et mesures.

Écritures sous dictée ;

primer facilement ;

analyses; - art de s'ex

Tenue des livres de commerce;

Dessin linéaire;

Notions d'arpentage et de géométrie pratique;

Notions de géographie;

Notions d'agriculture et d'économie domestique; Notions de mécanique industrielle (force et résistance des divers matériaux de construction);

Notions de chimie;

Notions de physique et d'histoire naturelle;

Notions de physiologie et d'hygiène;

Notions de droit civil et public;

Éléments d'histoire et de géographie nationales et étrangères.

Instruction morale et religieuse.

Il ne faut pas confondre l'instruction et l'éducation: ce sont deux expressions qui ont une valeur différente. « L'éducation, l'institution et l'instruction sont, dit J.-J. Rousseau, dans Émile, trois choses aussi différentes dans leur objet, que la gouvernante, le précepteur et le maitre. L'éducation, qui, chez les anciens, signifiait nourriture, ne saurait être exactement définie; ce n'est point un

art, c'est l'ensemble, le choix et la succession des soins physiques, des préceptes moraux et des exemples dont l'enfant est entouré dès son berceau ; c'est d'abord le lait qui le nourrit, c'est ensuite la culture qu'il reçoit au sein de sa famille, c'est encore le développement de toutes les facultés dont le germe a été déposé en lui; c'est enfin le choix de la société au milieu de laquelle il doit grandir; si l'enfant est mal élevé par ses parents, l'instituteur le plus habile perdra son temps à corriger de mauvais penchants, à réprimer des appétits sur excités, à détruire péniblement enfin les inclinations vicieuses, que les parents auront encouragées eux-mêmes sans s'en apercevoir peutêtre; l'éducation se compose surtout des premières habitudes prises; la bonne ou la mauvaise éducation dépend de causes si multipliées! Les principales sont: la conformation et la constitution physiques qu'on a reçues en venant au monde ; le plus ou moins d'obstacles que rencontre la croissance de l'enfant; l'amour plus ou moins éclairé de ses parents, particulièrement celui de sa mère. >>

On a fait de volumineux ouvrages sur l'éducation, et nous sommes obligés de renfermer l'expression de notre pensée dans quelques lignes; disons donc que le mot d'éducation devrait se proposer pour sujet moins les enfants que leurs parents, et que lorsqu'il s'agit d'école et d'instituteur, le mot d'éducation n'est propre qu'à éveiller des idées fausses et qu'à faire naître des exigences impossibles à satisfaire.

Toutefois nous ne serons pas absolu, et nous conviendrons qu'il est une sorte d'éducation que l'enfant peut recevoir de l'instituteur; mais les moyens en sont limités; ces moyens sont :

Un bon choix de lectures;

Un système d'émulation et de pénalité judicieusement conçu et justement observé; point de punitions décourageantes qui endurcissent le caractère, qui flétrissent le cœur, qui disposent l'enfant à la haine de l'étude; car ce

qu'il importe avant tout, c'est de lui faire aimer le travail, source de toute moralité publique et privée.

Nous conviendrons également que si l'instituteur est homme de bonnes mœurs, s'il est doué d'un caractère patient, juste, bienveillant; s'il aime l'enfance, s'il sait prendre part à toutes ses occupations, s'identifier en quelque sorte avec elle, la traiter constamment avec confiance, franchise et bonté, c'est-à-dire avec les sentiments et les manières que l'on veut que possède l'enfant; s'il sait établir dans son école une attrayante variété de travaux intellectuels et manuels qui se servent de délassements les uns aux autres, sans aucun doute les enfants confiés à ses soins s'en ressentiront toute leur vie; mais celui-là fera de l'éducation, comme on peut faire de la prose, sans le savoir beaucoup de bons exemples et peu de préceptes, en effet, c'est bien là la meilleure éducation; mais peuton, doit-on raisonnablement l'attendre d'instituteurs payés 200 fr. par an? Avec des instituteurs si mal rétribués, à peine s'il sera possible de faire de l'instruction, mais jamais on ne fera de l'éducation; cependant les soins à donner à l'enfance sont la première condition de la moralité, de l'indépendance et de la richesse des nations.

Quant à l'éducation religieuse, nous pensons qu'au temps où nous vivons, avec les préventions qui existent contre l'esprit envahisseur qu'on suppose au clergé, elle doit être distraite des fonctions de l'instituteur; la liberté des cultes ayant été constitutionnellement reconnue, il en résulte l'obligation de laisser aux pasteurs de chaque communion le soin d'initier les enfants à la croyance de leurs pères.

Chant.

Le chant appartient plutôt au premier qu'au second degré, car l'enfant doit y être préparé dès sa première enfance; c'est en effet ce qu'on a soin de faire dans les salles d'asile1. Le chant est moins une connaissance à donner aux

'L'étude du chant élémentaire est aujourd'hui en vigueur dans toutes

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