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Attribuer, de droit, à partir de la même époque, les premiers numéros, dans le tirage du recrutement, aux hommes ne sachant ni lire ni écrire ;

V. Encourager l'organisation de conférences régulières entre les instituteurs pour l'amélioration des méthodes et la propagation des livres utiles;

VI. Substituer à l'idée de la formation des deux comités incompétents institués par la loi du 28 juin 1833, la créa– tion d'une hiérarchie d'instituteurs, 1o communaux, 20 cantonaux, 3o arrondissementaux, 4o départementaux ;

VII. Etablir dans chaque commune une école de filles, ou au moins, à défaut d'école spéciale, une classe distincte ; VIII. Encourager les associations ayant pour but la publication à bas prix de bons livres et de journaux élémentaires.

Quelles difficultés rencontrerait dans l'exécution chacune de ces propositions; c'est ce que nous allons sommairement examiner.

I.

Assimiler, quant au traitement, l'instituteur au ministre du culte, faire de l'instruction élémentaire une dette de l'État.

Les chambres législatives, lorsqu'un ministre éclairé leur aura fait comprendre toutes les questions sociales que soulève celle de l'instruction élémentaire, ne refuscront pas l'allocation nécessaire pour qu'une école soit fondée dans chaque commune, que l'admission en soit gratuite et commune à tous, comme l'entrée de l'église,

- qu'enfin l'État accorde aux instituteurs un traitement égal à celui qu'il paye aux ministres du culte, selon l'importance des villes et communes.

Ainsi tout instituteur aurait, dans cette hypothèse, un traitement assuré dont le minimum serait de 750 fr.; ce traitement ne saurait être moindre; car s'il suffit à peine au prêtre, qui vit seul, exempt de charges domestiques; à plus forte raison ne pourrait-il suffire à toutes les né

cessités de la famille, souvent nombreuse, de l'instituteur. Son casuel se composerait de la pension des élèves à qui les parents désireraient qu'une instruction supérieure ou particulière fût donnée; ce serait une prime qui engagerait l'instituteur à étendre le cercle de ses propres études.

En conséquence de ces dispositions, l'instruction élémentaire serait déclarée en principe gratuite pour tous, selon les termes de la loi du 13 septembre 1791'. Elle recevrait l'un de ces trois noms - ÉLÉMENTAIRE,

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GENE

On choisirait entre ces trois dénominations, expressions diverses d'une même pensée.

La réalisation large et féconde de ces vœux serait une dépense annuelle de 32 millions de francs environ ".

Il serait facile d'y pourvoir sans augmenter les charges des contribuables, en réduisant d'autant le chiffre du budget de l'armée.

La nation française n'en serait pas moins forte; car sa force ne réside point dans quelques soldats armés de plus ou de moins, mais dans son esprit public, dont un premier

« Il sera créé et organisé une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables pour tous les hommes, et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume.» (Loi du 13 septembre 1791.)

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Il y avait en France au 1er janvier 1834, 37,187 communes,-37,187 instituteurs primaires à 750 fr. Instituteurs des villes. Allocation supplémentaire. Livres élémentaires, tableaux, renouvellement annuel; moyenne par école, 100 fr..

Encouragements pour la formation d'une salle d'asile par commune ou quartier de ville..

27,890,250 fr.

119,750

3,718,700

271,300

32,000,000 fr.

La construction et l'entretien des maisons d'école seraient à la charge des communes. Celles qui seraient riches, n'ayant plus que cette dépense à supporter, s'empresseraient sans doute de se distinguer par des maisons d'école vastes, spacieuses, convenablement et sainement situées.

élan pourrait mobiliser douze cent mille gardes nationaux.

Mais, sans l'instruction élémentaire, qui seule peut organiser le régime municipal, que devient cette force? - Un poids impossible à soulever.

Si l'on suppose que la gravité des circonstances ou la profondeur des abus ne permettent point de réduire le budget de la guerre en faveur de celui de l'instruction élémentaire, il y aurait un second moyen, qui consisterait à appliquer à la dotation de l'instruction élémentaire une portion des rentes rachetées par l'amortissement 1.

Quelle destination plus productive pourraient recevoir ces fonds, dont notre crédit public est assez fort pour se passer? L'augmentation de la richesse d'une nation est toujours en raison du développement de ses facultés intellectuelles.

L'intelligence, auxiliaire de la force, pou vingt ans les produits du sol et les reve tout en laissant subsister les charges

bler en tat, et

telles

qu'elles existent, les réduire cependantait dans une proportion au moins quadruple, car assurément 40 sont plus faciles à payer avec 100, que 20 avec 50.

L'instruction du peuple et le crédit de l'État se lient donc étroitement: leur union peut seule produire le bienêtre général, que nous définissons ainsi : l'intelligence dans le travail, la rapidité dans la circulation des capitaux, le parfait entretien de toutes les voies de communication, l'ordre, la prévoyance et l'économie dans l'administration du pays; enfin, la plus exacte et la plus large répartition de la richesse publique.

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Les chambres législatives préféreront-elles des demimesures dont tout député dans son arrondissement a pu reconnaître l'insuffisance, les préféreront-elles aux idées que nous exprimons? N'est-ce pas le moins que l'instruc

Il ne faut pas perdre de vue que ceci a été écrit en 1833, longtemps avant qu'on eût songé à employer en travaux publics la réserve de l'amortissement.

tion élémentaire soit donnée aux contribuables qui payent un budget de plus d'un milliard?

L'instruction élémentaire ne peut justifier sa nécessité et sa dépense qu'en élevant son niveau. Si elle se borne, comme maintenant encore, à apprendre aux enfants à lire et à écrire très-imparfaitement, l'instituteur n'est qu'un abus, qu'un acte blessant de défiance commis à l'égard du curé dont il relève, qu'un élément de discorde introduit dans la commune, qu'une charge onéreuse portée au budget municipal; car ce qu'il enseigne, le curé pourrait l'enseigner sans double emploi de dépense; pourquoi donc alors un instituteur? Qu'on le supprime, qu'on affranchisse les communes d'un fardeau sans utilité, si leur agriculture et leur industrie n'en doivent pas profiter, si la supériorité de l'instituteur et l'étendue de ses connaissances n'en font pas un homme à part, un agent direct de la civilisation, un agent digne d'elle!

Tel que nous le concevons, l'instituteur, élevé au rang de fonctionnaire public, de ministre de l'enfance, après avoir instruit les mères de ce qu'elles doivent d'abord apprendre à leurs fils, surveillé la salle d'asile, pénétré de tous les points de l'enseignement l'enfant commis à sa vigilance, initierait l'adulte au mécanisme du corps social, lui montrerait la place qu'il y occupe, l'action qu'il y porte, ce qu'il en reçoit, ce qu'il lui doit rendre ; quels sont les linéaments fondamentaux de la justice qui se lient par tant de rapports avec les obligations du chef de famille, du citoyen, du garde national, du conseiller municipal, de l'électeur et du juré.

Cet infatigable zélateur du travail et de la charité, dirigé par un gouvernement prévoyant et éclairé, détournerait le laboureur de l'industrialisme vers lequel il tend, victime d'un préjugé funeste qu'il importe d'extirper : la déconsidération de la culture; il saurait réprimer, dans sa sphère, ce déclassement de la population, dont le prolétariat et la misère dans les grandes villes attestent

les déplorables effets. En voulant fonder des écoles communales uniquement pour apprendre à lire, écrire et chiffrer, on s'est mépris; on a envisagé comme étant le but ce qui n'était que le moyen; on a étrangement méconnu la véritable destination de l'instruction élémentaire; on n'a pas compris que l'application immédiate de l'enseignement doit être la production; c'est là son but; la lecture, l'écriture, le calcul et le dessin ne sont que les moyens de l'atteindre.

On n'a pas reconnu que tout large développement du bien-être matériel ne peut s'obtenir que par l'agriculture; que toute industrie qui s'élève en dehors des forces agricoles est pour les existences attachées à sa prospérité d'autant plus périlleuse qu'elle est plus florissante, chaque nouvel effet étant un pas vers sa perte; que, séparés, ces deux agents de l'économie sociale serent condamnés à languir jusqu'à ce que leur premier moteur, - l'instruction, leur imprime un mouvement de croissance et d'assimilation réciproque.

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-

Mais comment faire équilibrer l'industrie avec l'agriculture, source intarissable des produits, premier fondement de la richesse publique, si dans chaque localité, au milieu des classes laborieuses, il ne s'élève un homme qui leur enseigne à exprimer la pensée au moyen des lettres, les nombres au moyen des chiffres; qui ouvre l'esprit du laboureur à l'observation, au raisonnement; l'habitue à tenir un compte journalier des dépenses, des recettes, des ventes, des achats; à comparer l'état des frais à celui des produits, pour qu'il reconnaisse les procédés préférables dans chaque nature de sol, qu'il sache quelles sont les opérations le plus ou moins productives, les dépenses et les économies profitables à son exploitation ?

A une époque où l'industrie subit toute une transformation, où la précision et l'économie des machines tendent de toutes parts à se substituer à la force et à l'intelligence individuelle, où il est urgent d'imprimer aux

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