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tures publiques, aux faux commis dans les passe ports, feuilles de route et certificats (Art. 145 à 149, 153 et suiv.), aux soustractions commises par des dépositaires publics (Art. 169, 175), aux immixtions de fonctionnaires dans des affaires ou commerces incompatibles avec leur qualité (Art. 175, 176), à la corruption des fonctionnaires publics (Art. 177, 185), aux abus d'autorité contre la chose publique (Art. 188 à 191), à la mauvaise tenue des actes de l'état civil (Art. 192 à 193), à l'exercice de l'autorité publique illégalement anticipé ou prolongé (Art. 196, 197), au refus d'un service légale ment dù (Art. 234, 236), aux évasions de détenus et au recèlement de criminels (Art. 237 et suiv.). Nous ne donnons que par forme d'exemples ces nomenclatures extraites du Code pénal, car nous ne pensons pas qu'elles renferment tous les crimes et délits imputables aux fonctionnaires publics. En compulsant les innombrables lois qui ont été promulguées en France depuis 1789, on pourrait trouver dans quelques-unes d'entre elles certains faits spéciaux qui n'ont pas pris place dans la loi générale, c'est-à-dire dans le Code pénal. En terminant sur ce point, nous devons rappeler la disposition de l'article 198 de ce Code, dont l'application peut être très-fréquente. « Hors les cas où loi règle spécialement les peines encourues pour crimes où délits commis par les fonctionnaires ou officiers publics, ceux d'entr'eux qui auront par teipé à d'autres crimes ou délits qu'ils étaient chargés de surveiller ou de réprimer seront punis comme il suit: S'il s'agit d'un délit de police correctionnelle, ils subiront toujours le maximum de la peine attachée à l'espèce de délit; et s'il s'agit de crimes, ils seront condamnés, savoir: à la reclusion, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine du bannissement ou de la dégradation civique; aux travaux forcés à temps, si le erime emporte contre tout autre coupable la peine de la reclusion ou de la détention; et aux travaux forcés à perpétuité, lorsque le crime emportera contre tout autre coupable la peine de la déportation ou celle des travaux forcés à temps. Au delà des cas qui viennent d'être exprimés, la peine commune sera appliquée sans aggravation. » Cette disposition exceptionnelle est fort juste: car le crime ou le délit commun devient plus grave s'il est commis par celui qui avait mission de le surveiller ou de le réprimer.

IX. GARANTIE. L'État accorde à ses agents une double garantie; il les protége non-seulement contre les outrages ou les violences dont ils sont l'objet, mais encore contre les poursuites judiciaires qui ne seraient provoquées que par des récriminations haineuses ou irréfléchies.

§1er. Outrages et violences. - L'outrage adressé au fonctionnaire, la violence commise sur sa personne sont punis plus sévèrement que l'outrage adressé à un citoyen, que la violence exercée sur la personne d'un citoyen. (C. P., art. 222 et suiv.; L. 17 mai 1819, 25 mars 1822.)

§ 2. Mises en jugement. En général, celui qui se croit lésé par le fait d'autrui peut poursuivre l'auteur du dommage devant les tribunaux pour obtenir la réparation qui lui est due. Ce droit d'action appartient à toute personne ayant l'exercice de ses droits civils. De droit commun, il n'est subordonné à aucune condition, il est la conséquence de l'article 1er de la Charte, qui porte que les Français sont égaux devant la foi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs. Ceci concerne ce qu'en droit on appelle l'action civile. De même,

l'action publique, c'est-à-dire celle qui a pour objet la répression des crimes et des délits, peut être mise en mouvement par les fonctionnaires auxquels elle est confiée toutes les fois qu'ils le jugent utile. La nécessité d'assurer la marche de l'administration et de la justice a obligé d'introduire des exceptions à ces principes. Afin de ne pas exposer les fonctionnaires publics à des poursuites injustes et vexatoires, la loi n'a pas permis de les mettre en jugement sans certaines formalités, sans certaines autorisations. La garantie de la loi protége, sous des conditions différentes d'application, les membres de la représentation nationale, les ministres, les membres du conseil d'Etat, les magistrats de l'ordre judiciaire, les officiers de police judiciaire, les agents du gouvernement proprement dits.

Nous devons, avant d'exposer ce que nous avons à dire sur les mises en jugement, rappeler une exception qui les concerne toutes. Le fonctionnaire, pris en flagrant délit, doit être arrêté et détenu sans qu'aucune autorisation préalable soit nécessaire. Les fois sur les mises en jugement fléchissent momentanément devant une nécessité impérieuse et d'ordre supérieur. On trouve la preuve de ce grand principe dans l'article 44 de la Charte, qui, en cas de flagrant délit, permet d'arrêter les membres de la chambre des députés, même pendant la durée de la session. On en trouve l'application dans l'article 121 du Code pénal, qui n'interdit l'arrestation des ministres, des membres de la chambre des pairs, de la chambre des députés et du conseil d'Etat, que hors les cas de flagrant délit. Si les ministres, les pairs de France, etc., peuvent être arrêtés dans les cas de flagrant délit, à plus forte raison les simples agents du gouvernement peuventils l'être. L'arrestation effectuée, le prévenu interrogé et mis en prison, s'il y a lieu, sous mandat de dépôt, l'instruction de l'affaire est poursuivie. Mais l'arrestation préalable ne dispense pas de demander et d'obtenir l'autorisation de mettre le prévenu en jugement. Cette théorie sur le flagrant délit nous parait certaine; elle est enseignée par les meilleurs esprits, entre autres par Favard de Langlade, Mangin. Nous croyons qu'il est du devoir de l'administration de l'accepter sans lutte et d'en subir les conséquences.

Mise en jugement des membres de la représentation nationale. Les pairs de France ne sont justiciables que de la chambre des pairs, à raison des délits qu'ils peuvent commettre dans l'exercice ou hors de l'exercice de leurs fonctions législatives ou judiciaires. En disant qu'ils ne peuvent être jugés que par elle en matière criminelle, la Charte (Art. 29) avait laissé à décider si, par ces mots, elle entendait parler des simples délits aussi bien que des crimes. Il a été reconnu que ces expressions s'appliquent à tout fait susceptible d'entrainer une peine correctionnelle; en conséquence, la chambre des pairs s'est déclarée compétente pour juger le comte de Kergorlay, prévenu d'offense envers le roi, et le comte de Montalembert, prévenu de contravention aux lois sur l'Université. Lorsque le prévenu a cessé de faire partie de la chambre des pairs au moment du jugement, il n'en demeure pas moins son justiciable; il suffit qu'il ait été pair au moment du délit. C'est pour cela que la chambre des pairs s'est reconnue compétente pour juger, en 1815, le maréchal Ney, et, en 1830, le comte de Kergorlay.

Les membres de la chambre des députés ne jouissent des garanties dont parle la Charte (Art. 44) que pendant la durée de la session. Ils peuvent conséquemment être poursuivis et arrêtés avant l'ouverture et après la cloture de la session. Si la

chambre des députés refusait d'autoriser les poursuites, ce refus n'aurait d'autre effet que de les suspendre pendant la durée de la session; mais il n'apporterait aucun obstacle à ce qu'elles s'exerçassent librement quand la session serait close.

Les immunités que nous venons de rappeler ne concernent que les poursuites criminelles. Il serait, en effet, impossible de soutenir qu'une demande en dommages-intérêts, formée devant les tribunaux civils contre un pair de France ou un député pendant la durée de la session, est nonrecevable, parce que, le fait qui motive cette demande étant un délit, elle aurait dû être portée devant la chambre des pairs ou précédée d'une autorisation de la chambre des députés. Quant aux moyens d'exécution qui peuvent être employés contre les pairs ou les députés, voyez CONTRAINTE PAR

CORPS.

Mise en jugement des ministres. Les ministres ne peuvent être, pour les faits relatifs à leurs fonctions, accusés que par la chambre des députés et jugés que par la chambre des pairs (Charte, art. 47). Quant aux délits qu'ils pourraient commettre hors de l'exercice de leurs fonctions, la poursuite n'en est permise qu'après qu'une délibération du conseil d'Etat l'a autorisée (Const. de l'an vIII, art. 70 et 71), s'ils sont de nature à emporter peine afflictive et infamante. Mais si, au contraire, ces faits n'entrainent qu'une peine correctionnelle, il faut dire, ce semble, en l'absence d'une disposition précise de la loi, qu'ils sont soumis à l'action publique, comme les délits commis par tous autres citoyens, sauf à leur appliquer les dispositions de l'article 10 de la loi du 20 avril 1810, qui attribue à la première chambre des cours royales la connaissance des délits correctionnels commis par les grands fonctionnaires de l'État. C'est du moins l'opinion de Mangin, Traité de l'action publique. L'action civile, qui aurait pour fondement un délit commis par un ministre en dehors de ses fonctions, ne serait subordonnée à aucune autorisation préalable. Mise en jugement des membres du conseil d'État. Ce conseil est, comme on le sait, composé de membres en service ordinaire et de membres en service extraordinaire. Il se compose de conseillers et de maîtres des requêtes. Nous allons rechercher si la loi accorde la même garantie à chacune de ces positions.

Les conseillers d'État peuvent se rendre coupables de crimes et de délits, soit dans l'exercice de leurs fonctions, soit en dehors de cet exercice. Quant aux crimes et délits de la première espèce, ils peuvent incontestablement invoquer, au civil et au criminel, la garantie de l'article 75 de la constitution du 25 frimaire an vIII, portant: « Les agents du gouvernement, autres que les ministres, ne peuvent être poursuivis pour des faits relatifs à leurs fonctions qu'en vertu d'une décision du conseil d'Etat; en ce cas, la poursuite a lieu devant les tribunaux ordinaires. Quant à ceux de la seconde espèce, ils sont dans la même position que les ministres.» (Voy. ci-dessus.)

Les garanties accordées aux conseillers d'Etat s'étendent-elles aux maîtres des requêtes? C'est incontestable, en ce qui concerne les crimes et délits commis dans l'exercice des fonctions (Art. 75 de la constitution du 23 frimaire an vii). La question peut présenter quelques doutes, quant aux crimes et délits commis hors des fonctions. Cependant, même pour ce cas, les jurisconsultes assimilent les maîtres des requêtes aux conseillers d'Etat. Nous croyons qu'ils ont raison.

Les garanties accordées au service ordinaire cou

vrent-elles également le service extraordinaire? Oui, dit Mangin.

Mise en jugement des magistrats de l'ordre judiciaire et des officiers de police judiciaire.— Aucun magistrat de l'ordre judiciaire ne peut étre poursuivi par la voie civile pour des faits relatifs à ses fonctions, sans la permission préalable de la cour qui doit connaitre de l'action. Les cas où cette voie peut être prise et la marche que l'on doit suivre sont l'objet de l'article PRISE À PARTIE. (Voy. ce mot.)

pa

En matière criminelle, les magistrats de l'ordre judiciaire et les officiers de police judiciaire ne jouissent pas moins de la protection de la loi. Voici à cet égard les dispositions qu'il est essentiel de connaître. Lorsqu'un juge de paix, un membre de tribunal correctionnel ou de première instance, ou un officier chargé du ministère public près l'un de ces tribunaux, sera prévenu d'avoir commis, hors de ses fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur général près la cour royale le fera citer devant cette cour, qui prononcera sans qu'il puisse y avoir appel (C. I., art. 479). S'il s'agit d'un crime emportant peine afflictive ou infamante, le procureur général près la cour royale et le premier président de cette cour désigneront, le premier, le magistrat qui remplira les fonctions d'officier de police judiciaire; le second, le magistrat qui remplira les fonctions de juge d'instruction (Ibid., art. 480). Si c'est un membre de la cour royale ou un officier exerçant près d'elle le ministère public, qui soit prévenu d'avoir commis un délit ou un crime, hors de ses fonctions, l'officier qui aura reçu les dénonciations ou les plaintes sera tenu d'en envoyer de suite des copies au ministre de la justice, sans aucun retard de l'instruction qui sera continuée, et il adressera reillement au ministre une copie des pièces (Ibid., art. 481). Le ministre de la justice transmettra les pièces à la cour de cassation, qui renverra l'affaire, s'il y a lieu, soit à un tribunal de police correctionnelle, soit à un juge d'instruction, pris l'un et l'autre hors du ressort de la cour à laquelle appartient le membre inculpé. S'il s'agit de prononcer la mise en accusation, le renvoi sera fait à une autre cour royale (Ibid., art. 482). Lorsqu'un juge de paix ou de police ou un juge faisant partie d'un tribunal de commerce, un officier de police judiciaire, un membre de tribunal correctionnel ou de première instance, ou un officier chargé du ministère public près l'un de ces juges ou tribunaux, sera prévenu d'avoir commis, dans l'exercice de ses fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, ce délit sera poursuivi et jugé comme il est dit à l'article 479 (Ibid., art. 485). Lorsque des fonctionnaires de la qualité exprimée en l'article précédent seront prévenus d'avoir commis un crime emportant la peine de forfaiture ou autre plus grave, les fonctions ordinairement dévolues au juge d'instruction et au procureur du roi seront immédiatement remplies par le premier président et le procureur général près la cour royale, chacun en ce qui le concerne, où par tels autres officiers qu'ils auront respectivement et spécialement désignés à cet effet (Ibid., art. 484). Lorsque le crime commis dans l'exercice des fonctions et emportant la peine de la forfaiture ou autre plus grave sera imputé, soit à un tribunal entier de commerce, correctionnel ou de première instance, soit individuellement à un ou plusieurs membres des cours royales et aux procureurs généraux et substituts près ces cours, il sera procédé comme il suit (Ibid., art. 485), c'està-dire que le crime sera dénoncé au ministre de la justice, qui donnera, s'il y a lieu, ordre au procureur

général près la cour de cassation de poursuivre sur la dénonciation, suivant les formes déterminées par

la loi.

Les articles que nous venons de transcrire exposent ce qui concerne les crimes et les délits commis par les membres des tribunaux inférieurs dans et hors l'exercice des fonctions.

lls traitent aussi des crimes commis dans l'exercire des fonctions par les tribunaux inférieurs collectivement, et individuellement par un ou plusieurs membres des cours royales.

lls traitent, en outre, des délits commis hors des fonctions par les membres des cours royales. Mais ils ne s'expliquent pas sur les délits correctionnels que les membres des cours royales peuvent etre prévenus d'avoir commis dans l'exercice de leurs fonctions. Faut-il en conclure que, dans ce cas, ces magistrats peuvent être poursuivis d'après les règles ordinaires? Non, assurément. Ce qui résulte du silence du Code d'instruction criminelle sur ce point, c'est qu'on doit continuer à exécuter Iarticle 80 de la loi du 27 ventose an viii, c'est à-dire que l'autorisation préalable pour la poursuite des délits commis par des membres de cours royales dans l'exercice de leurs fonctions doit être donnée par la cour de cassation. Il faut encore remarquer, à cet égard, que l'article 10 de la loi du 20 avril 1810, qui dispose en termes généraux, porte que, lorsque des membres de cours royales seront prévenus de delits de police correctionnelle, les cours royales en connaitront de la manière prescrite par l'article 479 du Code d'instruction criminelle.

Cet article donne, en outre, lieu à une double observation. La première, c'est qu'il déroge à la disposition de l'article 482 du Code d'instruction criminelle, qui avait attribué aux tribunaux correctionnels la connaissance des délits commis par des magistrats de cour royale et substitué les cours royales à ces tribunaux inférieurs. La seconde, c'est qu'il ne déroge pas à la disposition du même article, qui subordonne la mise en prévention à l'autorisation préalable e la cour de cassation.

En résumé, il résulte de ce qui précède: 1o que les délits imputés aux membres des tribunaux inferieurs dans et hors leurs fonctions, ne peuvent être jugés que sur la citation donnée par le procureur general près la cour royale; d'où il suit que l'action des parties intéressées ne peut se mouvoir qu'avec l'assentiment de ce magistrat; 2o que les délits imputés aux membres des cours royales dans et hors l'exercice de leurs fonctions, ne peuvent étre poursuivis devant les cours royales que d'après l'autorisation de la cour de cassation; 3° que pour les crimes commis par les membres des tribunaux inférieurs dans ou hors leurs fonctions, l'instruction est dévolue, en premier et dernier degré, à la cour royale, qui renvoie, s'il y a lieu, à la cour d'assises; 4° que pour les crimes relatifs aux fonctions et imputés collectivement à un tribunal entier, on individuellement à un ou plusieurs membres de cour royale, l'instruction est dévolue à la cour de cassation, qui renvoie, s'il y a lieu, à la cour d'assises; on peut ajouter, enfin, que les crimes et déits imputes aux membres de la cour de cassation, dans ou hors leurs fonctions, ne peuvent être poursuivis sans l'autorisation préalable de cette cour. Nous rappellerons, en terminant, que plusieurs de ces points ont reçu la consécration de la jurisprudence.

On a cherché à contester le principe que les délits imputés à des membres de cour royale ne peuvent être déférés aux cours royales qu'après l'autorisation de la cour de cassation; mais cette cour a toujours reconnu la nécessité de l'autorisation

préalable (Cass. 28 juillet 1818, 24 décembre 1822). Nous dirons, en passant, que la requête à fin d'autorisation doit être adressée à la chambre des requêtes.

On s'est demandé si l'article 10 de la loi du 20 avril 1810, en transférant aux cours royales la connaissance des délits imputés à des membres de ces cours, et, par conséquent, en abrogeant sur ce point l'article 482 du Code d'instruction criminelle qui attribuait la connaissance des mêmes faits aux tribunaux correctionnels, on s'est demandé, disonsnous, si cet article avait également abrogé la disposition de l'article 482, qui prescrivait à la cour de cassation de renvoyer l'affaire à un tribunal correctionnel pris hors du ressort de la cour à laquelle appartenait le membre inculpé, et s'il était à présent loisible à la cour de cassation de renvoyer le magistrat inculpé devant la cour même dont il fait partie. Il a été reconnu que la loi de 1810 n'a pas dérogé à la disposition de l'article 482, qui veut qu'un magistrat de cour royale ne puisse pas être jugé par sa propre compagnie, et que le magistrat inculpé ne peut être renvoyé par la cour de cassation que devant une cour royale autre que celle dont il est membre. (Cass. 2 juin 1814.)

Lorsque, en exécution de l'article 484 du Code d'instruction criminelle, le premier président de la cour royale et le procureur général ont rempli les fonctions de juge d'instruction et de procureur du roi, l'instruction doit se borner à un seul degré de juridiction que remplit la chambre d'accusation de la cour royale. Ce principe a été méconnu par une cour royale, qui a pensé qu'une autre chambre de la cour devait être préalablement chargée des fonctions de premier degré que la chambre du conseil remplit dans l'instruction ordinaire des affaires criminelles. Mais sa décision a été annulée par la cour de cassation. (Cass. 10 mai 1829.;

ment.

Mise en jugement des agents du gouverneLes agents du gouvernement ne peuvent être poursuivis, sans une autorisation préalable, pour les faits relatifs à leurs fonctions (Årt. 75 de la constitution du 25 frimaire an vIII). Sans cette autorisation, ils ne peuvent être poursuivis ni par la voie civile ni par la voie criminelle, correctionnelle ou de police. Il faut, du reste, remarquer que cette garantie ne couvre que les faits relatifs aux fonctions, et que les faits qui leur sont étrangers peuvent être poursuivis par les voies ordinaires sans autorisation préalable.

Nous allons dire: 1o quels sont les agents du gouvernement qui ne peuvent être poursuivis pour des faits relatifs à leurs fonctions sans une autorisation préalable; 2o quels sont les faits qui doivent être réputés relatifs aux fonctions; 3° quel est le pouvoir qui donne l'autorisation de poursuivre; 4° dans quelles formes cette autorisation est demandée et donnée; 5o quelles sont les considérations qui permettent de la refuser; 6o quelles sont les conséquences de la délivrance ou du refus de l'autorisation. 1° Quels sont les agents du gouvernement qui ne peuvent être poursuivis pour des faits relatifs à leurs fonctions, sans une autorisation préalable? La constitution de l'an vIII n'a pas défini ce qu'on doit entendre par agents du gouvernement. Le vague de ces expressions a jeté quelques embarras dans la pratique. Suivant nous, on doit considérer comme agents du gouvernement tous ceux qui, dépositaires d'une partie de son autorité, agissent en son nom et sous sa direction médiate ou immédiate et font partie de la puissance publique. Il faut, en outre, pour que ces agents soient protégés par la constitution de l'an viii, qu'ils aient fait un acte des fonctions

qu'ils exercent pour l'administration générale, car s'ils ont fait un acte de l'une des autres fonctions, dont ils peuvent être cumulativement investis, en supposant qu'ils jouissent même, pour ce cas, d'une garantie, ce n'est pas du moins de celle qui nous occupe en ce moment.

La garantie de la constitution de l'an vi couvre les directeurs généraux des administrations publiques, sauf celui des contributions indirectes (0. 20 janvier 1819), les préfets, les sous-préfets, les maires et adjoints, les préposés de l'enregistrement et des domaines (Décr. 26 décembre 1807), les préposés des postes (Décr. 9 pluviose an x), des monnaies (Décr. 10 thermidor an x1), des douanes (Décr. 29 thermidor an x1), excepté quand ils sont poursuivis pour avoir fait eux-mêmes la contrebande ou s'être laissé corrompre pour la favoriser (L. 28 avril 1816, tit. V, art. 55), les préposés des eaux et forêts de l'Etat (Décr. 28 pluviose an x1; 0. 1er août 1827, art. 7 et 39), même ceux des forêts de la couronne et des apanages des princes (0. 19 décembre 1821, 27 février 1822), les préposés des contributions directes (Décr. 10 floréal an x), les administrateurs des hospices (Décr. 14 juillet 1812), ceux des bureaux de bienfaisance (Ibid.), les militaires de tous grades en activité de service, les intendants militaires, les intendants de la marine (Cass. 30 novembre 1821), les ingénieurs des ponts et chaussées (Cass. 16 décembre 1845), les consuls et vice-consuls, les gardes-ports d'une rivière, commissionnés par l'administration de la navigation intérieure (Cass. 1er juillet 1808), le préfet et les commissaires de police, les directeurs de maisons centrales (Cass. 15 novembre 1846).

Parmi les agents que nous venons d'énumérer, il en est qui cumulent plusieurs fonctions de natures différentes, comme les maires, qui sont tout à la fois agents du gouvernement, membres des tribunaux de simple police, officiers de police judiciaire, officiers de l'état civil, mandataires de la commune; comme les préfets, le préfet de police, les commissaires de police, les gardes forestiers, qui sont en même temps agents du gouvernement et officiers de police judiciaire. Les maires sont couverts par la constitution de l'an vin, lorsqu'ils agissent comme agents du gouvernement, c'est-à-dire lorsqu'ils agissent pour l'exécution des lois générales, des règlements d'administration publique, des arrêtés de police générale. L'opinion commune est qu'ils jouissent de la même garantie, lorsqu'ils agissent comme représentants ou mandataires des intérêts communaux (Cass. 25 novembre 1809, 8 décembre 1817, 15 décembre 1827). Mais s'ils sont poursuivis pour un fait relatif à leurs fonctions d'officiers de police judiciaire ou de membres des tribunaux de simple police, ils n'ont plus droit qu'à la garantie déterminée par les dispositions du Code d'instruction criminelle, dont nous avons parlé ci-dessus (Cass. 8 février 1828). S'ils ont agi comme officiers de l'état civil, aucune autorisation n'est nécessaire pour les poursuivre en cette qualité, et la loi ne leur accorde, dans ce cas, aucune autre garantie (Av. Cons. 30 nivose an XII, approuvé le 4 pluviose, et 26 juillet 1806, approuvé le 31; Cass. 3 septembre 1807 et 9 mars 1815). De même, les préfets, le préfet de police et les commissaires de police ne sont protégés par la constitution de l'an vIII, que lorsqu'ils ont agi comme agents du gouvernement; s'ils n'ont fait qu'un acte de leurs fonctions d'officiers de police judiciaire, ils ne sont garantis que par les dispositions du Code d'instruction criminelle, que nous venons de rappeler (0.25 novembre 1851). Quant aux gardes forestiers, ils sont, dans tous les cas, couverts par la constitution

de l'an vIII, parce que, lorsqu'ils font un acte de leurs fonctions d'officiers de police judiciaire, ils font, par la force même des choses, un acte de leurs fonctions d'agents du gouvernement. En ce qui les concerne, il y a même ceci de remarquable, c'est que, comme agents du gouvernement, ils sont d'abord couverts par la constitution de l'an vin, qui défend de les poursuivre sans autorisation; c'est que, ensuite, comme officiers de police judiciaire, ils ne peuvent être poursuivis, après l'obtention de l'autorisation, que devant la cour royale, conformément aux dispositions du Code d'instruction criminelle, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois. Nous devons, au reste, faire remarquer que les gardes forestiers ne sont pas les seuls, parmi les agents du gouvernement, qui jouissent de cette double garantie; elle leur est commune avec ceux qui sont énumérés dans l'article 10 de la loi du 20 avril 1810, c'està-dire avec les généraux commandant une division ou un département, et les préfets.

On reconnait, généralement, que la constitution de l'an vi ne couvre pas : 1° les préposés ou employés de l'administration des contributions indirectes, l'article 244 de la loi du 28 avril 1816 avant abrogé le décret du 28 messidor an XIII; 2° les autorités qui ordonneraient, les employés qui opéreraient le recouvrement de toutes contributions directes ou indirectes, autres que celles que le budget autorise (Voy. les diverses lois de finances); 5 les employés internes des bureaux des administrations (Cass. 10 mai 1807, 7 janvier 1845); 4o les membres des conseils municipaux, les gardes champêtres (0. 3 décembre 1822; 29 janvier, 21 mai, 4-18 juin 1825; 17 novembre 1824; 2 février 1826; 11 juin 1828; 24 juillet 1831; 15 août, 19 decembre 1854; 27 novembre 1838; Cass. 4 juin 1812, 19 août 1818, 2 aout 1819, 6 mai 1826); 5o les gardes des particuliers (Cass. 29 juillet 1824; O. 22 juillet 1818); 6° les secrétaires des mairies (Av. Cons. 6 juin 1807, approuvé le 2 juillet suivant); 7° les membres des colléges électoraux (Cass. 15 octobre 1812); 8° les porteurs de contrainte Décr. 5 septembre 1810); 9° les commissaires du gouvernement près les conseils de guerre (0. 24 mai 1826); 10' les officiers de recrutement (Cass. 16 mars 1807); 11° les greffiers des tribunaux Cass. 26 décembre 1807); 12° les membres des conseils de fabrique. (0. 3 mai 1858.)

Il y a certaines fonctions pour lesquelles les uns revendiquent la garantie de la constitution de J'an vi et auxquelles les autres la dénient. M. de Cormenin classe parmi les agents du gouvernement couverts par cette garantie, les ecclésiastiques, les employés de l'octroi, les vérificateurs des poids et mesures, les gendarmes. Mangin prétend, au contraire, que la constitution de l'an vi ne protége ni les ecclésiastiques, ni les employés de l'octroi, ni les vérificateurs des poids et mesures, ni les gendarmes. Entre ces deux opinions, également respectables, laquelle suivre? Mangin a évidemment raison, en soutenant que les ecclésiastiques ne sont pas couverts par la constitution de l'an vin. En effet, les ecclésiastiques ne sont pas des agents du gouvernement, et la constitution de l'an vIII n'a en vue que les agents revêtus de ce caractère. Est-ce à dire que les ecclésiastiques puissent être poursuivis sans autorisation? Non, assurément : s'ils ne sont pas couverts par la constitution de l'an VIII, ils le sont par les articles organiques du Concordat (Voy. APPELS COMME D'ABUS). Quant aux employés de l'octroi, il semble aussi qu'ils ne peuvent plus se placer sous l'égide de la constitution de l'an vIII. Cette conséquence se déduit naturellement de l'article 244 de la loi du 28 avril 1816, dont nous

avons parlé à l'occasion des employés des contributions indirectes, et qui paraît avoir abrogé nonseulement le décret du 28 messidor an XIII, relatif aux employés des contributions indirectes, mais encore ceux des 29 thermidor an x1 et 17 mai 1809, relatifs aux préposés de l'octroi. Cette opinion n'est pas seulement celle de Mangin, elle est conforme à la jurisprudence de la cour de cassation (Cass. 25 aout 1827, 19 mars 1856), nous dirons plus, à la pratique. Un arrêt de la cour de cassation, du 9 février 1810, avait jugé que l'autorisation préalable était nécessaire pour la poursuite des vérificateurs des poids et mesures. Depuis, un avis du conseil d'Etat, du 29 septembre 1812, approuvé le 15 janvie: 1815, a décidé que ces employés ne sont pas agents du gouvernement, et qu'ils peuvent être poursuivis sans autorisation. En se fondant sur cette décision, la cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence (Cass. 8 juillet 1819). Les gendarmes ne sont pas, selon nous, protégés par la constitution de l'an vin; et quoique de Cormenin les ait classés parmi ceux qui jouissent de cette protection, il reconnait néanmoins lui-même, dans une note, que quelles qu'aient pu être les fluctuations antérieures de la jurisprudence, une ordonnance récente, du 24 avril 1857, ne les place pas sous la garantie. Il résulte formellement de cette ordonnance inédite, ajoute-t-il, que les gendarmes ne sont pas compris au nombre des agents du gouvernement auxquels s'applique l'article 75 de l'acte du 22 frimaire an viii, et qu'ainsi l'autorisation préalable du conseil d'Etat n'est pas nécessaire pour qu'ils soient poursuivis devant les tribunaux, s'il y a lieu. »

Nous voulons, en terminant sur ce point, dire un mot d'une certaine classe de fonctionnaires, à l'occasion desquels il y a désaccord entre le conseil d'Etat et la cour de cassation. Nous voulons parler des préposés des ponts à bascule. Un avis du conseil d'Etat du 2 septembre 1824, a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'assimiler, pour les mises en jugement, les préposés des ponts à bascule aux fonetionnaires publics auxquels s'applique l'article 75 de l'acte du 22 frimaire an viii. La cour de cassation, au contraire, par un arrêt rendu le 8 mai 1845, a jugé que ces préposés ne pouvaient pas être poursuivis sans autorisation préalable.

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La garantie s'applique aux agents du gouvernement destitués où démissionnaires, comme aux agents en activité de service. A la vérité, des arrets de la cour de cassation, des 28 septembre 1821 et 5 juillet 1825, s'appuyant sur un avis du conseil d'Etat du 16 mars 1807, ont jugé que cet avis avait acquis force légale d'exécution et que les motifs de ses dispositions le rendent applicable à tous les préposés qui, par l'effet de leur destitution, ont perdu tout droit à une garantie qui ne leur était accordée que dans l'intérêt de l'administration publique et pour que son action ne fut pas arretée ou ralentie. » Mais Merlin, Favard de Langlade, de Cormenin, Mangin soutiennent que l'avis du conseil d'Etat, de 1807, doit être restreint, dans son application, aux cas spéciaux pour lesquels il a eté fait. Nous n'hésitons pas à adopter cette manière de voir, et nous croyons, comme les jurisconsultes éminents dont nous venons de citer les noms, que les arrêts de 1821 et 1825 ont donné beaucoup trop d'extension à l'avis du conseil d'Etat de 1807.

Les agents du gouvernement ne peuvent consenfir à être jugés sans autorisation préalable. L'autorisation doit être demandée non-seulement à l'égard des fonctionnaires qui se couvrent de la garantie, mais encore à l'égard de ceux qui accepteraient la discussion immédiate de leurs actes. En un mot, elle est d'ordre public. (Cass. 11 mars 1857.)

20 Quels sont les faits qui doivent être considérés comme relatifs aux fonctions? Il semble que les expressions employées par la constitution de l'an vii ne devraient s'entendre que des faits et des actes de l'autorité publique, de ceux qui ne peuvent émaner que d'un fonctionnaire public. Mais il faut avouer qu'elles ont reçu, dans la pratique, une interprétation beaucoup plus large, et que l'on considère généralement qu'il suffit que l'agent du gouvernement ait été dans l'exercice de ses fonctions, lorsqu'il a accompli le fait incriminé, pour qu'il ne soit pas permis de poursuivre la répression sans autorisation préalable. Ainsi, on a jugé que l'autorisation était nécessaire pour poursuivre: 1o un receveur de l'enregistrement inculpé d'avoir exercé, dans le bureau du receveur général, des voies de fait sur un redevable (Cass. 6 mars 1806); 2o des gardes forestiers, prévenus de meurtre ou de blessures dans l'accomplissement de leurs fonctions (Cass. 3 novembre 1808, 24 décembre 1824); 5o un préposé des ponts à bascule, inculpé d'avoir frappé un maire, dans son bureau, au moment de l'accomplissement de ses fonctions. (Cass. 8 mai 1846.)

30 Quel est le pouvoir qui donne l'autorisation de poursuivre? En général, c'est le conseil d'Etat. Néanmoins, s'il s'agit d'agents des administrations de l'enregistrement et des domaines, des postes, des monnaies, des douanes, des contributions directes, des eaux et forêts, les directeurs de ces administrations peuvent donner l'autorisation de poursuivre. Cependant, les conservateurs et les agents des forêts de la couronne et des apanages des princes, ne peuvent être mis en jugement que sur l'autorisation du conseil d'Etat, et les inspecteurs et sous-inspecteurs des bois de l'Etat, que sur celle du ministre des finances. S'il s'agit de receveurs particuliers ou de percepteurs des contributions directes, les poursuites sont autorisées par le préfet. Lorsque les directeurs généraux autorisent les poursuites, aucun recours n'est ouvert au fonctionnaire incriminé contre leurs décisions; mais, s'ils les refusent, leur décision ne devient plus qu'un simple avis, et l'affaire est dévolue au conseil d'Etat, qui prononce définitivement sur la demande en autorisation. Si les préfets refusent de permettre les poursuites contre les receveurs particuliers ou les percepteurs des contributions directes, leur décision peut être attaquée devant le conseil d'Etat.

4o Dans quelles formes l'autorisation est-elle demandée et donnée? Les demandes en autorisation doivent toujours être précédées d'une information préparatoire. Cette information est faite par le procureur du roi et le juge d'instruction compétents pour instruire sur le fait incriminé. Elle consiste à recueillir les témoignages et les autres documents propres à faire connaitre la vérité. Les magistrats ne peuvent, dans cette information préparatoire, décerner aucun mandat contre le fonctionnaire inculpé, ni lui faire subir un interrogatoire juridique (Décr. 9 août 1806). Lorsque cette information est terminée, elle est transmise au procureur général. Celui-ci la communique à l'administration de laquelle dépend le prévenu, afin que ce dernier puisse présenter ses moyens de défense; puis il l'adresse, avec son avis, au ministre de la justice. Le ministre l'envoie au comité du contentieux du conseil d'Etat, et si l'agent inculpé est étranger à son département, i en donne en même temps avis au ministre du département de cet agent. Les demandes en autorisation ne peuvent être autrement portées devant le conseil d'Etat. Ainsi, elles ne peuvent lui être déférées par la voie contentieuse, directement, et sans l'intermédiaire du procureur général. (O. régl,

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