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Le flagrant délit impose certains devoirs aux agents de la force publique et même aux simples citoyens. Tout dépositaire de la force publique et même toute personne est tenue de saisir le prévenu, surpris en flagrant délit ou dans les cas assimilés au flagrant délit ou poursuivi par la clameur publique, et de le conduire devant le procureur du roi, sans qu'il soit besoin de mandat d'amener (Voy. ce mot). Ainsi, toutes les fois qu'un individu, quel que soit son rang ou son état, est trouvé en flagrant délit ou dans l'un des cas que la loi y assimile, chacun est tenu de l'arrêter ou de prêter main-forte pour assurer son arrestation. L'intervention de l'autorité ou la représentation des actes émanés d'elle, qui est indispensable dans toute autre circonstance et sans laquelle on se rendrait coupable d'arrestation arbitraire, cesse alors d'être utile pour la régularité de l'arrestation. Il suffit que le fait soit flagrant ou réputé tel, pour que tout citoyen ait le droit d'arrêter celui qui le commet, ou qui vient de le commettre, ou que la clameur publique désigne, ou qui est encore porteur d'armes ou d'instruments qui trahissent sa culpabilité; c'est même un devoir qu'il remplit. Mais, après avoir arrêté le prévenu, il doit le conduire sur-le-champ et le remettre entre les mains du magistrat : sans cette précaution, l'arrestation, d'abord conforme à la loi, dégénérerait en une détention arbitraire, contre laquelle le Code pénal prononce des peines sévères. FLEAU CALAMITEUX, Malheur, désastre. La loi des 16-24 août 1790 a classé parmi les objets confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux le soin de prévenir, par des précautions convenables, et celui de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les fléaux calamiteux, tels que les inondations, les incendies, les épidémies, les épizooties. L'autorité municipale ne peut apporter trop de sollicitude à cette partie si importante de ses devoirs. Lorsque le désastre se produit avec des proportions telles que l'autorité locale devient impuissante pour en arrêter les effets, il convient d'en prévenir sur-le-champ et par la voie la plus prompte l'autorité supérieure, c'està-dire le préfet ou le sous-préfet de l'arrondisse

ment.

FLET, FLÉON. Petit cours d'eau. (G. D.)
FLETTE. Batelet. (G. D.)

FLOT. Se dit d'une certaine quantité de bois que l'on conduit par eau, en l'y jetant, afin que le courant l'entraine (Voy. FLOTTAGE). (G. D.)

FLOTTAGE. Transport du bois par eau, lorsqu'on le fait flotter. L'invention de ce mode de transport, dù à Jean Rouvet, remonte à l'année 1549.

On distingue deux espèces de flottage: 1° le flottage à bois réunis en trains ou radeaux ou flottage par train, qui a lieu quand des groupes de bois coupés en bouts de médiocre grandeur sont réunis ensemble au moyen de perches et de liens, et abandonnés au cours du fleuve, comme ne formant qu'un seul corps; 20 le flottage à bois isolés, autrement dit à buches perdues, qui a lieu lorsqu'on lance buche à búche en rivière des bois de corde, c'està-dire des búches faites de branchage ou de bois taillis, et dont la grosseur varie de 16 à 20 centimètres; ou de bois taillis, et dont la grosseur est d'au moins 350 centimètres. Ce bois, destiné au chauffage, descend ainsi le cours de l'eau jusqu'aux ports où sont construits des arrêts propres à retenir le flot, tandis qu'on le retire des eaux. Chaque marchand de bois fait une marque aux pieces qu'il abandonne au cours de l'eau, afin qu'elles puissent être reconnues au port d'arrivée. La dimension des bûches et le mode de mesure à employer pour les bois ont été déterminés par l'arrêté du directoire du

3 nivôse an vir. Aux préfets appartient le pouvoir de prendre certaines mesures dans l'intérêt des riverains, soit pour fixer la longueur des bùches, soit pour déterminer l'époque de la flottaison, qui n'a ordinairement lieu que du mois de novembre au mois de mars, ainsi que les jours et les heures de cette flottaison, de manière à ne pas géner la marche des usines établies sur les cours d'eau. Mais ces arrêtés des préfets doivent être confirmés par le ministre de l'intérieur. (Cons. d'Ét., 25 février 1820, Bochard de Champigny.)

Le droit de flottage à bûches perdues appartient et aux adjudicataires de coupes de bois domaniaux et aux personnes qui exploitent les bois domaniaux. Les entrepreneurs de flottage sont soumis à la patente. La loi du 25 avril 1844 porte le droit fixe à 25 francs, et le droit proportionnel au quinzième de la valeur locative de l'habitation seulement.

Le flottage en train s'exerce sur les rivières et grands cours d'eau, mais ne peut être établi que par une ordonnance royale. Le flottage à buches perdues s'exerce particulièrement sur les ruisseaux : quoique les rivières navigables soient à plus forte raison flottables, ce genre de flottage.y peut être interdit à cause des obstacles qu'il causerait à la navigation et au libre usage des écluses.

D'après le décret du 22 janvier 1808, c'est au préfet qu'il appartient de déclarer si une rivière est flottable pour l'exercice du flottage à buches per

dues.

La distinction entre les deux espèces de flottage est importante en ce que les rivières flottables à bois réunis sont intégralement une dépendance du domaine public, tandis que les rivières flottables à buches perdues n'ont pas le même caractère.

L'article 6, titre XVII, dè l'ordonnance de 1672 veut que les propriétaires intéressés soient avertis que les marchands de bois feront jeter leur bois à buches perdues sur les rivières et ruisseaux, par des publications faites par l'autorité municipale dix jours au moins avant que les buches ne soient lancées à l'eau. Bien plus, M. Dupin (C. des bois et charbons, t. Ier, p. 595), mentionne une ordonnance du bureau de la ville, en date du 50 novembre 1788, qui inflige une amende de 100 livres à celui qui aura jeté à buches perdues les bois destinés à être expédiés pour Paris, sans en avoir prévenu le subdélégué du bureau et fait constater, par le procureur du roi, que l'état des eaux et de la saison est favorable au flottage.

Les besoins d'un approvisionnement continuel de combustible expliquent les priviléges accordés au commerce du bois de chauffage, et l'ordonnance de 1672, dans plusieurs de ses articles, témoigne de la faveur dont il jouit.

Quant au dépôt de bois fait sur les fonds des riverains des cours d'eau, la loi du 28 juillet 1824, et avant elle l'ordonnance de 1672, qui n'étaient, il est vrai, applicables qu'à la Seine et ses affluents, ont réglé l'indemnité due à ces propriétaires riverains.

Pour toutes les autres parties de la France, on a recours, pour le règlement de cette indemnité, aux termes du droit commun. Le conseil d'Etat, par un arret du 9 juillet 1820, et la cour de cassation, par un arrêt du 18 février 1846, ont décidé qu'il rentre dans les attributions des préfets d'indiquer et de fixer les ports où peuvent être déposés les bois destinés à l'approvisionnement de Paris. D'un autre côté, le conseil d'Etat (26 juin 1822) a jugé que les tribunaux sont compétents pour statuer sur l'action en dommages-intérêts formée contre des flotteurs pour avoir déposé sans autorisation des bois sur les propriétés riveraines, alors d'ailleurs que l'existence

et l'étendue du port assigné au dépôt des bois ne sont pas contestés.

FLOTTEUR. Objet dont on se sert pour mesurer T'espace que parcourt une eau courante dans un temps donné. (G. D.)

FOIRES ET MARCHÉS, Voy. MARCHES.

FOLLE ENCHERE. Enchère faite par un individu qui ne satisfait pas aux conditions de l'adjudication, ét qui, conséquemment, peut être réputé, jusqu'à un certain point, avoir fait une folie en enchérissant, puisqu'il ne veut pas ou ne peut pas remplir les engagements qu'il a pris. On appelle poursuite de folle enchère la procédure qui est suivie pour amener la revente de l'immeuble adjugé primitivement au fol enchérisseur.

La revente sur folle enchère n'a lieu, ainsi que l'indique son nom, que dans les ventes faites aux enchères publiques. Elle n'est pas pratiquée dans les ventes d'immeubles dépendant du domaine de l'Etat. D'après l'article 8 de la loi du 15 floréal an x, rendu commun à tous les biens nationaux par l'article 2 de la loi du 16 du même mois, les acquéreurs d'immeubles appartenant à l'Etat, qui sont en retard de payer aux termes indiqués, demeurent déchus de plein droit, si, dans la quinzaine de la contrainte à eux signifiée, ils ne se sont pas libérés. Ils ne sont pas sujets à la folle-enchère, ajoute la loi, mais ils sont tenus de payer, par forme de dommages-intérêts, une amende égale au dixième du prix de l'adjudication, dans le cas où ils n'auraient fait encore aucun payement; et au vingtième, s'ils ont délivré un ou plusieurs à compte; le tout sans préjudice de la restitution des fruits. Ainsi, d'après cette loi, si l'acquéreur d'un immeuble de l'Etat est en retard de payer, le ministre des finances, sur la proposition de l'administration des domainės, peut prononcer la déchéance avec une sorte d'amende. Mais l'administration peut ne pas vouloir user de ce droit; elle peut, dans l'intérêt de l'Etat, relever de la déchéance l'acquérear qui l'a encourue, mais dont la solvabilité parait garantir suffisamment les droits du trésor. Dans ce cas, aux termes du décret du 22 octobre 1808 (Art. 2), ce qui reste dù, tant en capital qu'en intérêts, après chaque échéance fixée par le contrat, produit un intérêt de 5 pour 0/0 l'an, jusqu'au jour de l'acquittement. On a quelquefois soutenu que ce décret était sans application possible, qu'il n'avait été rendu que pour les décomptes des biens spécialement désignés sous le nom de nationaux, décomptes qui, fondés sur les lois des 14 mai 1790, 24 fevrier et 21 septembre 1791 et 30 août 1792, capitalisaient l'intérêt des sommes non soldées, d'année en année, pour produire un intérêt des intérêts. Le conseil d'Etat a repoussé cette doctrine : nous trouvons, dans sa jurisprudence, un exemple d'une contestation de ce genre, que nous croyons devoir faire connaitre. La compagnie Adam, qui avait acquis l'ancien ministère des finances, vendu en 182%, s'étant trouvée en retard de payer, l'administration ne crut pas devoir prononcer la déchéance et réclamer l'application de l'article 8 de la loi du 15 floréal an x, bien que le cahier des charges annonçat que la vente serait faite conformément aux lois des 13-16 floréal an x et 5 ventose an XII. Mais l'administration des domaines dressa un décompte, dans lequel elle fit entrer le calcul des intérêts, conformément au décret du 22 octobre 1808. La compagnie Adam réclama contre la capitalisation des intérêts; elle soutint que cette clause ne se trouvait pas dans le cahier des charges, qu'on ne pouvait donc pas la lui imposer; que le ministre des finances avait pu regarder les acqué reurs comme déchus, aux termes de la loi du 13 flo

réal an x; mais que, du moment où il renonçait à leur faire l'application de la déchéance, ils restaient dans les termes du contrat. Le comité des finances du conseil d'Etat, consulté sur la difficulté, a émis. le 27 octobre 1850, un avis ainsi conçu : « Considérant que le droit commun n'est pas applicable aux ventes des domaines nationaux, qui sont régis par des lois spéciales; considérant qu'il résulte de différentes lois, notamment de celle des 50 août et 6 septembre 1792, que les intérêts, dus par les acquéreurs en retard de payement, devraient être capitalisés, chaque année, pour produire des intérêts; considérant que la loi du 15 floréal an x est venue apporter des changements dans le mode de vente de ces biens, ainsi que celle du 5 ventôse an XII, qui n'a astreint les acquéreurs qu'au payement d'intérêts à 5 p. 0/0; qu'à la vérité, ces dernières lois n'ont pas prévu le cas, la première, des relevés de déchéance; la deuxième, du retard dans les payements; que, néanmoins, l'un et l'autre cas se sont présentés; que ces lois, n'ayant pas défendu de capitaliser les intérêts, l'administration a suivi la règle tracée pour la confection des décomptes, qui imposait aux acquéreurs en retard le payement des intérêts capitalisés de chaque année; que ce mode d'opérer a reçu une application constante jusqu'à l'époque à laquelle est intervenu le décret du 22 octobre 1808; que ce décret, concernant la confection des décomptes des acquéreurs de domaines, a statué non-seulement pour les décomptes non soldés, mais encore pour ceux à dresser à l'avenir; que ses dispositions sont générales et n'ont fait aucune dérogation aux lois des 15 floréal an x et 5 ventóse an XII, alors en vigueur; que, depuis, ce décret, qui fait corps avec la législation, a été constamment appliqué sans réclamation; considérant que, d'après le cahier des charges rédigé pour la vente de l'ancien hôtel du trésor, rue Vivienne, cette vente a eu lieu aux termes des lois des 13 floréal an x et ventôse an xii; que, dès lors, ces lois, interprétées par le décret de 1808, sont le contrat des parties; que, dans le décompte présenté, le domaine n'a ajouté aux capitaux que les intérêts dus à chaque échéance fixée par le coutrat, qui n'avaient pas été acquittés, et qu'il n'a fait produire au tout que l'intérêt simple de 5 p. 0/0, qui sera dù jusqu'au jour de l'acquittement, ce qui est conforme au décret de 1808, est d'avis: que le décret du 22 octobre 1808 est applicable à toutes les ventes des domaines de l'Etat faites en vertu des lois des 15 floréal an x et ventóse an xi et de toutes les lois postérieures qui n'auront pas porté de dérogation au mode fixé par ce décret. Le ministre des finances a donné son approbation à cet avis. La compagnie Adam a déféré la décision ministérielle au conseil d'Etat; mais, par un arrêt du 12 avril 1852, son recours a été rejeté, par le motif que le cahier des charges, joint à l'adjudication, soumettait l'acquéreur à l'application de la législa tion générale des ventes de domaines nationaux, et que le décret du 22 octobre 1808 fait partie de cette législation. Il résulte de tout ceci que le gouvernement a deux modes de contrainte contre les acquéreurs d'immeubles de l'Etat en retard de payer leur prix; le premier, c'est la déchéance et l'amende; le second, c'est le décompte ou la capitalisation des intérêts.

FONCTIONNAIRES PUBLICS. Ce sont les agents qui exercent, au nom de l'État, une portion de l'autorité publique: teis sont les préfets, les maires, les juges, les officiers de police judiciaire. Il ne faut pas confondre les fonctionnaires publics et les agents du gouvernement, car tous les fonctionnaires ne sont pas agents du gouvernement; cette qualification n'ap

partient qu'à ceux des fonctionnaires qui se trouvent sous la dépendance directe de l'autorité supérieure du gouvernement: tels sont les directeurs des administrations publiques, les préfets, les souspréfets, etc. Les maires sont loin d'avoir toujours cette qualité. En effet, lorsqu'ils agissent comme officiers de police judiciaire, comme membres des tribunaux de simple police, comme officiers de l'état civil, ils ne sont pas, à vrai dire, agents du gouvernement, quoiqu'ils soient assurément, même à ces différents points de vue, fonctionnaires publics. Il faut, en outre, faire une distinction entre les fonctionnaires proprement dits et les officiers publics; ces derniers, quoiqu'ils agissent avec un caractère public, n'exercent néanmoins aucune portion de la puissance exécutive: ainsi, un avoué, un huissier sont des officiers publics, mais ne sont pas des fonctionnaires. Nous classons dans la même catégorie les notaires, bien que la loi, fort improprement, selon nous, les ait appelés quelquefois fonctionnaires publics. En effet, quoiqu'ils aient reçu de la loi le droit d'authentiquer les actes et de les revetir de la forme exécutoire, il nous répugne, surtout dans l'état actuel de nos mœurs, de voir en eux autre chose que des officiers publics. Le pouvoir exécutif ne leur a délégué aucune partie de ses attributions.

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I. CONDITIONS D'APTITUDE. - Le pouvoir public ne peut être délégué qu'à ceux qui sont dans les conditions déterminées par la loi. Il en résulte que tous les citoyens ne sont pas aptes à remplir toute espèce de fonctions.

§ 1er. Age. L'une des premières conditions à remplir, lorsqu'on aspire aux fonctions publiques, est celle de l'âge.

Il est un grand nombre de fonctions qui ne peuvent être conférées qu'à ceux qui ont atteint un age déterminé. Ainsi, pour étre juge d'un tribunal de première instance ou procureur du roi, il faut avoir vingt-cinq ans; les substituts peuvent être nommés dès qu'ils ont atteint leur vingt-deuxième année; les présidents doivent avoir vingt-sept ans (L. 20 avril 1810, art. 64). L'âge prescrit pour les fonctions de juge de paix a varié; depuis la constitution de l'an in, il est fixé à trente ans. Les juges de commerce doivent être âgés de vingt-cinq ans (L. 27 ventôse an VIII et 16 ventose an x1). Nul ne peut être conseiller dans une cour royale, s'il n'a vingt-sept ans; président ou procureur général, s'il n'en a trente; substitut, s'il n'est dans sa vingtcinquième année (L. 20 avril 1810, art. 65). Lorsque la loi a fixé l'âge qui rend apte à l'exercice de certaines fonctions publiques, nous n'admettons pas

que le gouvernement puisse, à moins d'une autorisation formelle, accorder des dispenses qui relèvent de l'application de la règle.

Il est aussi, cela est vrai, un grand nombre de fonctions, et des plus importantes, pour lesquelles la loi n'a posé aucune limite d'âge. Mais il nous semble que, malgré cette tolérance apparente, le gouvernement ne peut et ne doit déléguer une portion de la puissance publique qu'aux citoyens qui ont atteint leur majorité, c'est-à-dire accompli leur vingt et unième année; il ne nous paraitrait pas raisonnable de remettre le soin des affaires de tous à celui que la loi civile considère, à cause de son état de minorité, comme incapable d'administrer seul et par lui-même sa personne et ses biens. C'est aussi ce qui a lieu. Au reste, il ne faut pas donner à cette règle une étendue qu'elle ne doit pas avoir. Elle concerne les fonctions publiques proprement dites; elle ne peut être applicable aux noviciats ou surnumérariats.

§ 2. Capacité. - Chaque fonction publique exige, pour ainsi dire, une capacité spéciale. Il est fort désirable que le gouvernement, dans l'intérêt de l'Etat et de sa propre considération, veuille bien ne l'oublier jamais.

Certains fonctionnaires sont obligés de fournir des preuves au moins apparentes de leur capacité, certains autres en sont dispensés. Les uns doivent avoir fait des études préparatoires, dont la suffisance est constatée par des brevets; les autres ne subissent aucune épreuve, leurs connaissances ne sont soumises à aucun controle. A la première classe appartiennent les fonctionnaires de l'ordre judiciaire ainsi, nul ne peut être juge d'un tribunal d'arrondissement, procureur du roi, conseiller d'une cour royale, s'il n'est licencié en droit, et s'il n'a suivi le barreau pendant deux ans ou s'il n'est dans un cas d'exception prévu par la loi (L. 20 avril 1810, art. 64, 65). A la seconde appartiennent la plupart des fonctionnaires de l'ordre administratif : ainsi, les préfets, les sous-préfets, les conseillers de préfecture n'ont aucune justification à faire de leur capacité professionnelle."

-

Aucune condition de fortune § 5. Fortune. n'est imposée à ceux qui aspirent aux fonctions publiques. Il est impossible qu'il en soit jamais autrement dans un pays dont la constitution proclame que les citoyens sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires. Certains esprits sont près de s'insurger contre une disposition si juste et si naturelle; à les en croire, les fonctions publiques devraient être réservées aux familles opulentes, parce que, suivant eux, la richesse est le principal élément de considération, et que sans elle la vertu et le mérite sont peu de chose. Cette appréciation est aussi immorale qu'inconstitutionnelle. Elle n'ouvre la voie à la capacité que si celle-ci a reçu son passe-port de la fortune. Elle ne tend à rien moins qu'à violer le principe d'égalité écrit en tête de la Charte, et pour lequel la France a déjà fait deux révolutions. Il faut sans doute accorder à la fortune loyalement acquise l'influence qu'elle doit raisonnablement avoir, mais il ne faut pas que moralité, talent, amour du travail, ces qua lités éminentes du fonctionnaire public, ne soient rien sans elle. Nous avons foi dans ceux qui nous gouvernent ils ne se laisseront pas séduire par ces politiques de nouvelle date, qui n'ont à mettre au service de l'État que l'influence plus ou moins contestable de la fortune de leurs aïeux, et qui réclament à ce titre des priviléges que depuis longtemps la constitution française ne reconnaît plus.

II. MODES DE NOMINATION. - En général, les

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fonctionnaires publics sont nommés par le roi, auquel seul appartient la puissance exécutive (Charte const., art. 12). Cependant, cette règle n'est pas sans exception. Certains fonctionnaires sont nommés par les ministres, certains autres par les préfets; d'autres, enfin, par les maires. Le roi nomme les fonctionnaires de l'ordre judiciaire, les préfets, les sous-préfets, les maires et adjoints dans les communes qui ont trois mille habitants et audessus, ainsi que dans les chefs-lieux d'arrondissement, quelle que soit la population; les conseillers de préfecture, les commissaires de police, les officiers des armées de terre et de mer, et en général les chefs de service et employés supérieurs des administrations publiques. Les ministres sont chargés de pourvoir à certains emplois de leur département respectif; les préfets nomment les maires et adjoints dans les communes qui n'ont pas trois mille habitants ou qui ne sont pas chefs-lieux d'arrondissement, les fonctionnaires et agents inférieurs appelés à concourir à l'administration et à la surveillance du département; les maires pourvoient à tous les emplois communaux pour lesquels la loi ne prescrit pas un mode spécial de nomination; ils nomment les gardes champêtres, sauf l'approbation des conseils municipaux.

Les fonctions publiques ne peuvent être déléguées que par le roi ou par les agents qui le remplacent dans les différents degrés de la hiérarchie administrative. La raison le veut ainsi, puisque les fonctions publiques ne sont que des représentations partielles du pouvoir exécutif. Il est un cas, cependant, que nous voulons indiquer, et dans lequel l'élection peut conférer, accidentellement au moins, une fonction publique à celui qu'elle a favorisé. En cas d'absence ou d'empêchement du maire et de ses adjoints, l'autorité municipale est remise entre les mains du conseiller municipal, le premier dans l'ordre du tableau, lequel est dressé suivant le nombre des suffrages obtenus. Il est évident que ce conseiller municipal ne doit qu'au hasard de l'élection le pouvoir dont il est momentanément revêtu, et que son intrusion dans les fonctions publiques constitue une sorte de dérogation aux principes de la constitution française.

Le roi ou ceux qui agissent en son nom ne peuvent faire porter leurs choix que sur les citoyens qui réunissent les conditions d'aptitude propres à l'emploi qu'il s'agit de distribuer. Il est même des cas où la prérogative du pouvoir exécutif est singulièrement restreinte par la volonté du corps électoral. Ainsi, les maires et adjoints ne peuvent être choisis que parmi les membres du conseil municipal; ainsi, les colonels et lieutenants-colonels des gardes nationales ne peuvent être choisis que sur la liste des dix candidats présentés, à la majorité relative, par la réunion de tous les officiers de la légion, et de tous les sous-officiers, caporaux et gardes nationaux désignés dans chacun des batailfons de la légion.

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Tous les foncIII. SERMENT, INSTALLATION. tionnaires publics doivent, avant d'entrer en fonctions, prêter le serment politique dont la teneur suit: Je jure fidélité au roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume (L. 31 août 1850). Quelques-uns d'entre eux sont même obligés par des lois spéciales à préter un serment approprié à leur emploi (Voy. SERMENT). Les fonctionnaires publics qui entreraient en exercice sans avoir prêté serment pourraient étre poursuivis et condamnés à une amende de seize francs à cent cinquante francs. (C. P., art. 196.)

Le serment confère l'investiture; aussitôt qu'il est prêté, le fonctionnaire public peut et doit se considérer comme étant dans le plein exercice de sa charge. Il est vrai que certaines administrations font une sorte d'installation au fonctionnaire nouvellement nommé, mais cette installation n'est que de pure forme; elle n'ajoute rien à la capacité que le fonctionnaire tenait déjà de sa nomination et de

son serment.

IV. TRAITEMENT. - En général, les fonctionnaires publics reçoivent un salaire de l'État. Il en est cependant quelques-uns qui exercent gratuitement leurs fonctions; par exemple, les maires et adjoints, les juges de commerce, les juges suppléants des tribunaux civils et des justices de paix, les surnuméraires dans certaines administrations publiques.

Parmi les foncV. DURÉE DE LA FONCTION. tionnaires, les uns ont des emplois temporaires, les autres des emplois à vie; les uns sont amovibles et les autres inamovibles.

Il ne faut pas confondre, comme on est trop communément tenté de le faire, les fonctionnaires qui exercent des fonctions temporaires avec ceux qui sont amovibles, et ceux qui sont inamovibles avec ceux qui exercent des fonctions à vie. Le fonctionnaire amovible est celui qui est révocable, qu'il soit investi d'une fonction à vie ou à temps; le fonctionnaire inamovible est celui qui n'est pas révocable, qu'il soit investi d'une fonction à temps

ou à vie.

Les maires, les adjoints aux maires, les juges des tribunaux de commerce exercent des fonctions

temporaires, car la durée de leurs fonctions ne peut excéder la durée du mandat qu'ils ont reçu des électeurs. Les officiers des armées de terre et de mer peuvent être également réputés remplir des emplois temporaires, puisque, lorsqu'ils ont atteint un certain age, ils deviennent impropres au service qui leur est confié. Au contraire, les membres du conseil d'Etat, les préfets, les sous-préfets, les conseillers de préfecture, les juges, les préposés des administrations publiques exercent des fonctions à vie: ni la loi ni l'acte qui les nomme ne limitent la durée de leur emploi.

Sont amovibles et révocables, non-seulement les maires, les adjoints aux maires et certains autres agents dont l'emploi peut n'être que temporaire, mais encore les membres du conseil d'Etat, les officiers du ministère public, les préfets, sous-préfets, conseillers de préfecture; en un mot, tous les préposés directs du gouvernement, quoiqu'ils soient nommés à vie. Sont inamovibles non-seulement les juges institués à vie par le roi, mais encore ceux des tribunaux de commerce pendant la durée de leur mandat temporaire.

$1er.

VI. COMPÉTENCE, RESSORT, HIERARCHIE. Compétence. Chaque fonctionnaire a ses attributions l'un juge, l'autre administre. L'un juge en première instance, comme les tribunaux d'arrondissement et de commerce, les conseils de préfecture; l'autre juge en appel, comme le conseil d'Etat, les cours royales. L'un concourt à l'administration civile proprement dite, comme les préfets, les sous-préfets, les maires; l'autre participe à l'administration militaire, comme les lieutenants généraux, les maréchaux de camp, les préfets maritimes; un troisième administre l'une des branches de la fortune publique, comme les directeurs des douanes, des forêts, des contributions directes ou indirectes, etc. C'est ainsi que chaque fonctionnaire a une compétence qui lui est propre.

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§ 2. Ressort. Cette compétence ne peut s'étendre en tous lieux; le territoire sur lequel il lui est permis de se mouvoir est soigneusement limité. le Le maire ne peut agir que dans sa commune, juge de paix dans son canton; le tribunal de première instance, le sous-préfet, dans leur arrondissement; le préfet, la cour d'assises, dans leur département; la cour royale dans son ressort, conservateur des forêts dans sa conservation, le directeur des douanes dans sa direction, le lieutenant général commandant une division dans sa division. Le ressort d'un fonctionnaire est l'étendue de territoire qui constitue sa sphère d'action.

le

§ 3. Hiérarchie. Les fonctions publiques sont entre elles dans un état d'indépendance où de subordination suivant qu'elles font ou ne font pas partie de la même administration. Cette indépendance et cette subordination forment les fondements de l'organisation moderne de la France.

L'un des premiers actes de l'Assemblée constituante, que les leçons du passé avaient éclairée, a été de proclamer la division des pouvoirs. « Les fonctions judiciaires, porte la loi des 16-24 août 1790, titre II, art. 15, sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives; les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.» Défenses itératives sont faites, par la loi du 16 fructidor an III, aux tribunaux de connaitre des actes d'administration, de quelque espèce qu'ils » Suivant l'article 127 soient, aux peines de droit. du Code pénal, ces peines seraient aujourd'hui la dégradation civique. Cette indépendance réciproque des fonctions judiciaire et administrative est, à nos yeux, une nécessité sociale; elle est la garantie la plus essentielle de la liberté et de la propriété individuelle, comme de l'ordre public.

Autant les diverses administrations doivent vivre, dans leur sphère d'action, libres et indépendantes les unes des autres, autant les préposés d'une mème administration doivent être organisés entre eux dans un état complet de subordination. Cette subordination constitue la hiérarchie, la hiérarchie la centralisation; et c'est, suivant de Cormenin, la centralisation qui a résolu chez nous le grand problème de l'unité dans le territoire, la législation et le gouvernement. La centralisation explique la France administrative... Au même instant, le gouvernement veut, le ministre ordonne, le préfet transmet, le maire exécute... Dans chaque canton, un juge de paix répartit la justice possessoire et sommaire. Dans chaque arrondissement, un tribunal de première instance distribue la justice correctionnelle et civile. Dans chaque département, une cour d'assises juge les procès criminels. Dans chaque grand ressort, une cour royale reçoit les appels des juges inférieurs. Dans la capitale, une cour de cassation est le lion moral, disciplinaire et jurisprudentiel de tous les tribunaux du royaume. Voilà pour l'ordre judiciaire. La justice administrative se résume dans l'établissement des conseils de préfecture, dans la juridiction contentieuse des ministres et dans le pouvoir suprême du conseil d'État. Voilà pour l'ordre administratif... Ainsi, dans la machine simple et savante de notre administration, les grands rouages entraînent les moyens qui entrainent les petits autour de leur mouvement. Le maire obéit au sous-préfet, le sous-préfet au préfet, le préfet au ministre. »

naire a un costume ou des insignes particuliers. (Voy. COSTUME.)

VIII. RESPONSABILITÉ. Les fonctionnaires publics doivent être responsables de leurs actes. C'est un principe qui se trouve écrit dans les différentes constitutions que la France s'est données depuis 1789, et notamment dans la Charte de 1850. Mais jusqu'à présent aucune loi spéciale n'a défini les cas de responsabilité. Différents projets de loi ont été soumis aux chambres en 1814, 1817 et 1819; ils sont demeurés sans résultat. Pour remplir l'une des promesses de la Charte de 1850, deux projets sur la même matière ont été, mais inutilement, présentés et discutés en 1852 et 1854. Un troisième projet a été présenté en 1834, un quatrième en 1856. Aucun de ces projets n'a reçu la consécration législative. L'absence d'une loi spéciale laisse sous l'empire du droit commun toutes les questions qui se rattachent à la responsabilité des fonctionnaires publics. Cette règle n'est modifiée et restreinte que par les conditions auxquelles la subordonne la garantie que la constitution accorde aux agents du gouvernement.

L'acte du fonctionnaire peut revêtir un double caractère. Il peut ne léser qu'un intérêt privé; il peut, au contraire, troubler l'ordre public. Dans le premier cas, il peut devenir la base d'une action en dommages-intérêts devant les tribunaux ordinaires; dans le second, il est poursuivi devant les tribunaux répressifs, s'il est d'ailleurs spécialement réprimé par la loi pénale.

D'après le droit commun, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer; et chacun est responsable du dommage qu'il a causé non-seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence (C. C., art. 1582, 1585). Ces principes sont applicables au fonctionnaire public, nous n'hésitons pas à le penser, mais, on le conçoit, à certaines conditions. En effet, tout acte du fonctionnaire qui porte préjudice à autrui ne peut pas devenir le fondement d'une action en dommages-intérêts. Il faut distinguer entre les actes légitimes et les actes illégitimes, entre les actes accomplis de bonne foi et les actes accomplis avec une intention méchante. Les actes légitimes, quel que soit le préjudice qu'ils causent, ne peuvent jamais engager la responsabilité du fonctionnaire. Au contraire, il n'y a que justice et moralité à reconnaitre que la victime d'un acte illegitime est en droit d'en poursuivre la répa

ration.

Quant aux actes du fonctionnaire qui intéressent l'ordre public, et qui, à ce titre, doivent donner lieu à l'application d'une peine, on peut les diviser en deux classes. Ils concernent plus spécialement : les uns, les citoyens; les autres, l'Etat lui-même. Les dispositions du Code pénal, qui ont pour but de protéger les citoyens contre l'abus que les fonetionnaires pourraient faire du pouvoir qui leur est confié, sont relatives aux attentats à la liberté (Art. 114 à 122), aux abus d'autorité contre les particuliers (Art. 184 à 187), aux concussions (Art. 174). Les dispositions qui ont pour but de donner des garanties au gouvernement contre l'abus que les fonctionnaires pourraient faire des pouvoirs qui leur sont confiés, sont relatives aux crimes et délits contre la sûreté de l'Etat (Art. 80, 81), aux crimes tendant à troubler l'Etat par la guerre civile, à l'emploi illégal de la force armée (Art. 95, 94), aux coalitions de fonctionnaires (Art. 125 à 126), aux empiétements des autorités judiciaires et VII. COSTUME.- En général, chaque fonction- administratives (Art. 127 à 131), aux faux en écri

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