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Typographie LACRAMPE et Comp., rue Damiette, 2.

HISTOIRE

PUBLIC

DE FRANCE,

DEPUIS

L'ETABLISSEMENT DES FRANCS DANS LA GAULE JUSQU'EN 1830.

PAR

THÉODOSE BURETTE,

Professeur d'Histone a l'Academie de Paris

ENRICHIE DE 500 DESSINS PAR JULES DAVID,

Braves par V CHEVIN

DEUXIEME ÉDITION.

Deuxième Volume.

BENOIST, ÉDITEUR,

PARIS,

P.-C. LEHUBY, LIBRAIRE-EDITEUR,

RUE DE SEINE, 53.

1842.

MBTIC

TENOX LIBRARY

NEW YORK

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EPUIS l'expédition du frère de saint Louis, la maison d'Anjou n'avait cessé de revendiquer le royaume de Naples comme sa propriété, et jamais en France il ne s'était élevé un doute sur la légitimité de ses prétentions. Plus d'une fois même elle voulut protester contre l'usurpation aragonaise. La victoire seule lui fit défaut. Son droit restait donc entier, et, passé dans des mains plus puissantes que celles des maîtres de la Provence et de l'Anjou, il menaçait plus que jamais

les descendants de Pierre d'Aragon. C'était alors le temps des grandes

T. II.

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aventures, des révolutions merveilleuses, des conquêtes de tout genre. Christophe Colomb découvrait le Nouveau-Monde, et les navigateurs portugais étaient à la recherche du grand problème du passage aux Indes. L'Angleterre venait de donner trois fois en quinze ans le spectacle d'une couronne gagnée en une bataille. Ferdinand le Catholique et la reine Isabelle tenaient l'Europe en émoi au bruit de leur guerre avec les Maures de Grenade. D'une autre part, les janissaires de Mahomet II et de Bajazet semblaient défier au combat la chevalerie chrétienne, et l'antique esprit des croisades s'était ravivé à la nouvelle de la prise de Constantinople. En même temps, l'érudition moderne, à son début, exhumait avec une sorte de passion fiévreuse les souvenirs si longtemps enfouis de l'antiquité. Les héros grecs et romains reparaissaient au jour, illuminés de je ne sais quelle auréole chevaleresque, dernière tradition du moyen-âge expirant. Il n'en fallait pas tant pour inspirer au jeune homme qui régnait en France l'ambition jalouse des exploits guerriers et l'amour des grands coups d'épée. Ardent, inconsidéré, avide de bruit et de mouvement, dominé par tous les instincts matériels, il rappelait admirablement, avec ses appétits héroïques et la sauvagerie de son caractère d'enfant, la jeunesse de ce roi infortuné que nous avons vu finir par la folie. Dans les premières années de son règne, pendant qu'Anne de Beaujeu faisait tête à la féodalité, à Maximilien, aux rois d'Angleterre et d'Aragon, et préparait la réunion de la Bretagne au domaine royal, Charles passait ses journées avec ses chiens et ses faucons, qu'il parait de colliers et de sonnettes, et courait les chemins avec ses enfants d'honneur, arrêtant les écoliers, les jeunes filles et les ménétriers. Maintenant roi de fait, il se trouvait jeté au pouvoir, entièrement neuf sur le présent, ne connaissant du passé que les batailles d'Alexandre et les guerres de César, traduites exprès pour lui par son précepteur Gaguin.

A un tel roi, l'héritage des droits de la maison d'Anjou était une bonne fortune qu'il ne pouvait laisser échapper. Naples ne lui suffisait même pas. Comme autrefois Charles d'Anjou, et ensuite Charles de Valois, derrière Naples Charles VIII voyait la Grèce et l'empire d'Orient, et cette terre d'Asie où il allait retrouver les traces d'Alexandre, son héros. D'ailleurs, il avait à ses côtés un homme qui rêvait aussi une autre conquête en Italie: c'était son ami Louis d'Orléans, son maître de joutes et de passes d'armes, qui nourrissait sur le duché de Milan des prétentions plus récentes et plus positives que celles du roi

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