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TENACITÉ DES NOBLES.

(Juin 1790) dans la force du terme, et fils de cordonnier, contre Mathieu de Montmorency, descendant d'une des familles les plus anciennes et les plus nobles de France. Mathieu de Montmorency l'emporta, et ses confrères, mécontents de son abnégation nobiliaire, lui décernèrent aussitôt le surnom de fessemathieu. Quant à l'abbé Maury, les sarcasmes publics ne l'épargnèrent pas non plus. On disait de lui, par allusion à la profession de son père, qu'il portait toujours les armes de sa famille à ses pieds (a), et il parut une feuille éphémère intitulée : les Souliers de l'abbé Maury (b). Tout cela sans préjudice d'une foule de caricatures composées la plupart sur le même sujet. Maury partageait, par le fait, avec Riquetti le jeune, la palme de l'impopularité.

La noblesse n'en continua pas moins d'exister pour les nobles, qui se créèrent un signe de reconnaissance entre eux. A cet effet, plusieurs recouvraient les armoiries de leurs voitures d'un nuage peint, avec cette légende grecque: Movη piπn aρxeσE!, un coup de vent suffira.

Le coup de vent fut une tempête, et a complétement dissipé le nuage!

(a) Thermomètre du jour, journal de Dulaure. (b) Bibliothèque de M. Deschiens, à Versailles,

FIN DU CHAPITRE CINQUIÈME.

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(Juillet 1790)

FRATERNISATION.

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CHAPITRE VI.

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La fète de la fédération; travaux du Champ-de-Mars; disposition de la fête : honneurs rendus aux fédérés; enthousiasme. — Le ça ira. Nouvelle chanson sur l'air : Vive Henri IV. — Les larmes d'aristocrates, le ciel et l'orage aristocrates. - Constitution civile du clergé. Propagande et coalition. Dame nation et dame noblesse, — Bailly menacé de la lanterne ; Blondinet, général des bluets. Discordes.- Affaire de Nancy. - Héroïsme du jeune Desilles.— Le camp de Jales et la chiffone. Retraite définitive de l'agioteur. Les deux enfants du diable. Service en mémoire des gardes nationaux de Châteauvieux.

Les fédérés arrivent en foule; le mois de juillet est commencé. De toutes parts, les préparatifs sont annoncés pour cette grande fête patriotique de la fédération. Il y a abondance de comédies et de tragédies politiques, afin d'entretenir les esprits dans les meilleures dispositions. Tous les architectes, tous les peintres, tous les sculpteurs, sont appelés à donner leurs avis pour décorer le Champ-de-Mars. L'Hôtel-de-Ville nomme les commissaires de la fête, et aussitôt les travaux sont entrepris. Alors, spectacle unique dans nos fastes nationaux, tous les habitants de Paris indistinctement, le roi (a), les princes, les nobles, les abbés, les députés, les bourgeois, les marchands, les prolétaires, les étrangers, les femmes, les vieillards et les enfants, tous mettent la main à l'œuvre. En quelques jours les travaux de terrassement du Champ-de-Mars sont achevés, et il se trouve prêt à recevoir les gardes nationales et les troupes de ligne. C'est ainsi que les citoyens avaient répondu à l'invitation qui leur avait été adressée au nom de la patrie. Les travailleurs portaient des cocardes blanc et rose.

Comme prélude à la fête, il s'opéra une fraternisation entre l'armée permanente et l'armée citoyenne, qui allait déployer son drapeau pour la première

fois.

(a) Le roi travailla de cœur, sinon personnellement. Une gravure le représente pioghant dans le Champ

de-Mars.

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ASPECT DU CHAMP DE MARS.

(Juillet 1790)

Ce drapeau, qui était le même pour les 83 départements, avait exactement cette forme :

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Le Champ-de-Mars avait été disposé en amphithéâtre, et pouvait contenir près de trois cent mille spectateurs. Un pont de bateaux, placé en face sur la rivière, conduisait à un arc de triomphe, situé à l'entrée du Champ-deMars, sur le quai. Cet arc, d'architecture romaine, portait huit inscriptions, mélangées de prose et de vers: quatre à l'intérieur, quatre à l'extérieur. Les premières étaient :

La patrie ou la loi peut seule nous armer;

Mourons pour la défendre, et vivons pour l'aimer.

Consacrés aux travaux de la Constitution, nous la terminerons.

Le pauvre, sous ce défenseur,

Ne craindra plus que l'oppresseur

Lui ravisse son héritage.

Tout nous offre un heureux présage,

Tout flatte nos plaisirs;

Loin de nous écartez l'orage,

Et comblez nos désirs.

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