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Proclamation du lieutenant-feld-maréchal autrichien comte de Castiglione, préposé au gouvernement intérimaire de la république de Cracovie, portant à la connaissance publique, au nom des trois puissances protectrices, l'Autriche, la Prusse et la Russie, la convention signée par elles à Vienne le 6 novembre. (1846.)

Considérant que la conspiration qui, en février 1846, a amené dans le grand-duché de Posen, à Cracovie et en Gallicie, les événements bien connus, était un complot tramé à l'étranger à l'aide de nombreux complices résidant dans le pays;

Considérant que la faction criminelle a pris les armes à l'heure convenue, a ouvert les hostilités et publié des proclamations qui provoquaient les habitants à un soulèvement général;

Considérant que Cracovie a été le siége d'une autorité centrale qui avait pris le nom de gouvernement révolutionnaire, et que c'est de ce gouvernement que sont émanés les rescrits tendant à diriger l'insurrection;

Considérant que toutes ces circonstances réunies ont placé pour ainsi dire la ville de Cracovie dans un état de guerre qui aurait autorisé les trois cours d'Autriche, de Prusse et de Russie à user de tous les droits que leur donne la guerre;

Considérant que par cela seul elles seraient autorisées à disposer d'un territoire qui a pris vis-à-vis d'elles une attitude hostile:

Considérant que les trois puissances n'ont pas l'intention de soumettre la ville de Cracovie au droit du plus fort, attendu que cette loi ne peut pas trouver son application où il y a une si grande disparité de forces;

Considérant qu'il n'est pas question non plus de faire subir à cette ville un acte de vengeance ou de la punir, mais que les trois hautes puissances protectrices ne veulent que rétablir l'ordre et la paix dans le territoire de Cracovie, et n'ont d'autre but que de protéger leurs peuples contre le retour d'événements qui ont si gravement compromis leur repos;

Considérant en outre qu'en vertu du traité conclu entre elles le 3 mai (21 avril) 1815, la ville de Cracovie avec son territoire a été déclarée ville libre, indépendante et strictement neutre, et placée sous la protection des trois hautes parties contractantes, et que par cette convention les trois cours ont voulu mettre à exécution les articles relatifs à la ville de Cracovie dans leurs différents traités du 3 mai (21 avril) 1815, dont l'un a été conclu entre LL. MM. l'empereur d'Autriche et l'empereur de toutes les Russies, l'autre, à la même date, entre LL. MM. l'empereur de Russie et le roi de Prusse ;

Considérant que l'existence de la ville libre de Cracovie, loin de répondre à leurs vues, est devenue un foyer de troubles et de désordres, qui, pendant une période de près de vingt-six années, ont non-seulement menacé la paix et la prospérité de cette ville libre, ainsi que la sécurité des États voisins, mais avaient pour but le renversement de l'ordre de choses fondé sur les traités de 1815;

Considérant que de nombreux faits de cette espèce, qui sont trop connus pour qu'il soit besoin de les énumérer ici, ont complétement changé dans son essence la position de la ville libre de Cracovie, et que cette dernière, en se livrant à des démarches contraires aux stipulations des traités, a rompu derechef les engagements que lui imposait une stricte neutralité; que ces démarches ont provoqué à différentes reprises l'intervention armée des trois puissances, et que tous les changements apportés à sa constitution intérieure pour consolider davantage son gouvernement n'ont pu empêcher le retour de ces faits déplorables;

Considérant que la longanimité même des trois puissances protectrices, manifestée par ces dispositions bienveillantes, au lieu d'atteindre son but n'a servi qu'à fortifier dans leurs complots les ennemis implacables de l'ordre de choses existant, et que la ville de Cracovie est redevenue le foyer d'une nouvelle conjuration beaucoup plus vaste, dont les ramifications s'étendaient dans toutes les anciennes provinces polonaises;

Considérant qu'à cette entreprise déloyale et criminelle il s'est joint une attaque à main armée partie de cette ville, et que Cracovie a été le point central d'où l'esprit de révolte cherchait à

saper les bases de la tranquillité intérieure des États limitrophes ; Considérant que, par conséquent, Cracovie est un corps politique évidemment trop faible pour résister aux intrigues incessantes des émigrés polonais, qui tiennent cette ville libre dans une sujétion morale, et qu'elle n'offre dès lors aux puissances aucune garantie contre le retour des tentatives de soulèvement si souvent réitérées;

Considérant que les entreprises de cette nature sont une violation évidente du traité du 3 mai (21 avril) 1815, ainsi que de l'article 2 du statut de la constitution du 30 mai 1833, pour la ville libre de Cracovie;

Considérant que les conventions ci-dessus entre les trois puissances relativement à Cracovie n'ont été reproduites dans les articles 6, 7, 8, 9 et 10 de l'acte du congrès de Vienne du 9 juin 1815, qu'afin que cet acte renfermât les différents résultats de la convention arrêtée dans des négociations particulières entre les cabinets;

Considérant que si aujourd'hui les trois cours changent à l'égard de Cracovie un ordre de choses établi de leur propre volonté en 1815, elles ne font qu'exercer un droit qui ne saurait leur être contesté;

Considérant tout cela, et ayant égard enfin à la sécurité de leurs propres États, si souvent compromise par la ville libre de Cracovie, les trois cours d'Autriche, de Prusse et de Russie ont pris en commun les résolutions suivantes:

1o Les trois cours d'Autriche, de Prusse et de Russie révoquent les articles relatifs à la ville de Cracovie des traités conclus, d'une part entre LL. MM. l'empereur d'Autriche et l'empereur de toutes les Russies, et d'autre part entre LL. MM. l'empereur de toutes les Russies et le roi de Prusse, et signés le 3 mai (21 avril) 1815. Le traité additionnel y annexé, conclu entre l'Autriche, la Prusse et la Russie, est également révoqué et aboli à partir de ce jour.

2. En conséquence, la ville de Cracovie et son territoire sont rendus à l'Autriche et réunis à la monarchie autrichienne, pour

redevenir, comme avant l'année 1809, la possession de Sa Majesté

impériale et royale apostolique.

Cracovie, le 16 novembre 1846.

Castiglione.

Proclamation de l'empereur François-Joseph I", à son avénement au trône impérial d'Autriche. (1846.)

François-Joseph Ier, par la grâce de Dieu empereur d'Autriche, etc. (1).

Appelé par l'abdication de notre oncle l'empereur et roi Ferdinand Ier, et avec le consentement de notre père l'archiduc François-Charles, à placer, en vertu de la pragmatique sanction (2), la couronne sur notre tête;

Nous annonçons solennellement par les présentes, à tous les peuples de la monarchie, notre avénement au trône, sous le nom de François-Joseph Ier.

Convaincu de la nécessité et de la haute valeur d'institutions libérales et en rapport avec l'esprit du temps, nous entrons avec confiance dans la voie qui doit nous conduire à la transformation salutaire et au rajeunissement de toute la monarchie. C'est sur les bases de la vraie liberté, sur les bases d'une même justice pour tous les peuples de l'empire et de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, ainsi que du concours des représentants du peuple à la confection des lois, que la patrie s'élèvera régénérée, puissante par sa grandeur passée et par les nouvelles forces qu'elle aura acquises. Elle deviendra un édifice inébranlable au milieu des orages de notre époque, une vaste habitation pour tous ses peuples d'origines diverses qu'un lien fraternel a réunis depuis des siècles sous le sceptre de nos pères.

Nous sommes bien résolu à maintenir la splendeur de la cou

(1) Voy. chap. 1, p. 16, le grand titre impérial d'Autriche.

(2) Acte par lequel l'empereur Charles VI assura sa succession à sa fille Marie-Thérèse et à sa descendance.

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ronne et l'intégrité de la monarchie, mais nous sommes aussi prêt à admettre les représentants de la nation au partage de nos droits, espérant qu'avec l'aide de Dieu et par la bonne harmonie qui règnera entre nous et nos peuples, nous parviendrons à réunir en un grand corps d'État tous les pays et toutes les races de notre monarchie,

De rudes épreuves nous attendent: l'ordre a été troublé sur plusieurs points de l'empire, la guerre civile désole encore une partie de notre monarchie. Toutes les mesures sont prises pour assurer le respect dû à la loi : la répression de la révolte et le retour de la paix intérieure seront les premières conditions du succès de la grande œuvre de la constitution. Nous comptons avec confiance sur la coopération franche et éclairée des représentants de tous nos peuples.

Nous comptons sur le bon esprit des fidèles habitants des campagnes, qui sont entrés, par les lois dernièrement promulguées, par l'abolition des droits de sujétion et de dégrèvement du sol, dans la pleine jouissance des droits de citoyen, Nous comptons sur le dévouement des fonctionnaires de l'État, nous comptons sur la bravoure et la fidélité de notre glorieuse armée : elle sera, comme sous nos devanciers, une colonne du trône et l'inébranlable soutien de la patrie et de nos institutions libérales.

Nous serons heureux de saisir toute occasion de récompenser le mérite, sans distinction de classes.

Peuples d'Autriche, nous prenons possession du trône de nos pères à une époque critique. Les devoirs et la responsabilité que la Providence nous impose sont grands: Dieu nous protégera.

Donné en notre résidence royale d'Olmütz, le 2 décembre 1848.

FRANÇOIS-JOSEPH.
Schwartzenberg.

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