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conditions proposées par la médiation, telles qu'elles avaient été consignées dans les dépêches du cabinet de Vienne à Athènes, en date des 8 et 22 mai.

L'arrangement paraissait donc assuré; telle était encore la conviction du représentant de l'Autriche à Constantinople le lendemain de l'arrivée de la lettre de M. Colettis expédiée d'Athènes le 2 juillet. M. le général de Prokesch communiqua au gouvernement du roi le paragraphe suivant d'une dépêche de M. le comte de Sturmer, en date du 8 juillet :

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« J'ai vu avec satisfaction que le gouvernement hellénique a suivi les conseils de notre cour dans toute leur extension. Quant à la crainte que vous m'exprimez que la réponse d'A'ali-éfendi ne renferme quelque chose de compromettant pour le gouvernement royal, je prie S. M. d'être complétement rassurée. J'aurai soin de veiller à ce que dans la rédaction de cette lettre, tout ce qui pourrait nuire au rétablissement des bons rapports soit soigneusement évité. »

Par le paquebot du 18 juillet, le gouvernement du roi reçut la réponse d'A'ali-éfendi. Elle était conçue en termes obligeants, disait que désormais tout était heureusement éclairci, et finissait par une exigence dont il n'avait jamais été parlé par le médiateur au gouvernement du roi. A'ali-éfendi demandait que M. Colettis lui fît parvenir l'autorisation de transmettre à M. Musurus l'expression des regrets de son gouvernement.

Quoique profondément blessé d'une demande aussi inattendue, le gouvernement du roi voulut tenir compte de la forme obligeante de la lettre d'A'ali-éfendi, et tint surtout à ne manquer à rien de ce qu'il devait au médiateur. S'abstenant donc de refuser ou de discuter, il s'empressa de faire part, le 25 juillet, à M. le prince de Metternich, de l'accueil que, contre la plus légitime attente, la lettre du cabinet d'Athènes avait trouvé à Constantinople, et il attendit le résultat de cette communication. C'est alors que furent adressées à M. le ministre d'Autriche les trois lettres ci-jointes. Elles avaient pour but de l'informer de la résolution prise de ne pas faire un pas en dehors de la route tracée par l'intervention; de faire observer que le gouvernement du roi, n'ayant pas mêlé son opinion sur la conduite de M. Musurus à la question

de son retour à Athènes, attendait la même réserve de la part de la Porte, de reconnaître ce qu'avait d'amical la rédaction de la lettre d'A'ali-éfendi.

Le gouvernement du roi fit prier M. le comte de Sturmer d'être l'interprète des sentiments et des idées contenus dans ces lettres.

Adressées à l'organe officiel de la cour intervenante, ces communications avaient pour but le retour du divan à des sentiments et à une conduite conforme à ses promesses formelles d'adhésion aux propositions de l'Autriche; propositions admises et mises en pratique par la Grèce avec la plus scrupuleuse exactitude, au prix de plus d'une concession importante.

Cet espoir a été trompé. La Porte, sans donner au gouvernement grec le temps de recevoir la réponse de Vienne à ses communications du 26 juillet, se hâta de déclarer, par l'intermédiaire de M. l'internonce, dont les dépêches sont arrivées à Athènes le 10 août, que si le paquebot partant d'Athènes le 10 même pour Constantinople n'apportait pas l'expression des regrets personnels à M. Musurus, la médiation de l'Autriche serait considérée comme terminée, et que les mesures coercitives seraient mises à exécution.

Le 10 août, le gouvernement du roi ne connaissait que la première impression produite à Vienne par la phase inattendue dans laquelle l'affaire était entrée par le fait de la lettre d'A'ali-éfendi ; il la connaissait seulement par la communication d'une lettre particulière de M. le prince de Metternich à M. le général de Prokesch, datée de Vienne le 24 juillet. Par cette lettre, le prince, sous l'impression du refus de la Porte et de l'appréciation de la valeur de la nouvelle exigence telle qu'elle lui était venue de Con-stantinople, conseillait de s'y soumettre. Le roi et son gouvernement étaient incontestablement en droit d'attendre encore pour leur part l'impression que produiraient sur la cour intervenante les éclaircissements fournis d'Athènes en date du 26 juillet. Le procédé inexplicable de la Porte, les propositions nouvelles et impérieuses sortant des limites des propositions du médiateur, les mesures prises dans le but évident de les faire violemment accepter, étaient loin d'être pour le roi, pour son gouvernement, pour la

Grèce, une raison de se départir de la résolution parfaitement ré gulière, officiellement énoncée le 24 juillet.

La Porte a nié, par la voie de la presse, son adhésion aux propositions de l'Autriche; le cabinet d'Athènes, par la voie de la presse, a rétabli la vérité. La Porte a remis aux grandes puissances un mémorandum pour justifier les mesures coercitives; le cabinet d'Athènes met purement et simplement sous les yeux des grandes puissances la série et la nature des faits. Ils suffiront à prouver l'injustice des exigences auxquelles le cabinet d'Athènes refuse de se soumettre.

Cependant le gouvernement de S. M. Hellénique ne méconnaît point qu'il n'a pas seulement à se préoccuper aujourd'hui de ce qu'il se doit à lui-même, qu'il y a dans la question d'autres intérêts engagés que ceux de sa propre dignité: aussi tient-il à déclarer que, sans tenir compte des procédés directs ou indirects dont il aurait le droit de se plaindre et d'être offensé, il est prêt à rester fidèle au projet de conciliation tel qu'il l'avait précédemment accepté; que si même les puissances indiquaient un nouveau mode de conciliation, la Grèce, qui vient de témoigner de ses sentiments par l'organe de ses représentants légaux, serait disposée à accueillir tout ce qui ne serait pas incompatible avec la dignité de la couronne et l'honneur du pays.

Athènes, ce 4/16 octobre 1847.

Réponse de la Porte au mémorandum qui précède.

Mémorandum.

Après un silence d'environ deux mois, le gouvernement hellénique a remis aux représentants des cinq cours à Athènes un mémorandum en réponse à celui de la Sublime Porte, daté du 21 août; mais ce n'est pas une réponse catégorique, c'est une reproduction d'assertions déjà appréciées à leur juste valeur. Le cabinet d'Athènes eût mieux fait s'il se fût borné à la communication de toutes les pièces relatives au différend qui nous occupe, sans aucune omission, et sans les accompagner de commentaires propres à éloigner du but qu'il importe d'atteindre.

Fidèle à la ligne de modération qu'elle s'est tracée dès le début de ce fâcheux différend, la Sublime Porte s'est toujours efforcée de s'abstenir de toute polémique irritante; et si nous nous voyons obligé de rétablir ici quelques faits, de redresser quelques inexactitudes, de réfuter quelques erreurs, c'est dans l'unique but d'aider, s'il le fallait, la bonne foi des cabinets auxquels s'adresse l'exposé du gouvernement hellénique dans la juste appréciation de

son contenu.

Dès l'exorde et dans tout le cours de son mémorandum, le cabinet d'Athènes dirige contre M. Musurus, Envoyé de S. M. I. le sultan, des attaques imméritées tendant à dénigrer la conduite précédente de ce ministre et à le représenter comme un obstacle au maintien de bons rapports entre les deux pays.

Durant l'espace de sept ans qu'il a résidé à Athènes, M. Musurus, quoique placé constamment dans une position épineuse et hérissée de difficultés, a su faire preuve des dispositions les plus conciliantes, en même temps qu'il s'est fidèlement acquitté des devoirs qui lui étaient imposés. C'est à cet esprit de conciliation de M. Musurus qu'on doit en grande partie d'avoir prévenu une rupture imminente lors des agressions hostiles dirigées, au sein de la paix, contre la Crète, la Thessalie et la Macédoine, lors de la formation d'hétéries propagandistes, lors de tant d'autres incidents déplorables qui nécessitèrent des démarches officielles et réitérées de la part de la Sublime Porte auprès des trois cours. Les rapports de M. Musurus à son gouvernement étaient empreints de ce même esprit. Jamais la Sublime Porte n'y trouva rien qui n'eût pour but la consolidation et l'affermissement d'une bonne intelligence également utile aux intérêts légitimes des deux pays; jamais elle n'y releva aucune prédilection pour les partis qui divisent la Grèce. C'est en reconnaissance de cette conduite honorable de M. Musurus que S. M. le roi de Grèce lui décerna, sous le ministère présidé par M. Colettis, la croix de grand-commandeur de l'ordre du Sauveur. Plus tard, ce premier ministre insinua indirectement à la Sublime Porte qu'il serait à désirer que M. Musurus fût remplacé par un musulman; supposant peut-être qu'un représentant ottoman à Athènes, ignorant la langue grecque, serait comme un homme qui ne voit ni n'entend. Un tel

motif parut à la Sublime Porte d'autant moins valable pour la déterminer à se priver des services loyaux d'un employé fidèle qu'elle n'avait jusqu'ici ni fait objection à la nomination du poste de représentant de Grèce à Constantinople de personnes nées dans cette capitale même, où elles avaient des parents et de nombreuses liaisons, ni exigé qu'elles fussent remplacées par d'autres nées sur le territoire hellénique. Mais la Sublime Porte aurait prêté une sérieuse attention à l'examen de toute imputation dirigée contre son représentant, si, au lieu d'être vague, elle avait été formulée d'une manière précise et spéciale. Nous finissons par déclarer que la Sublime Porte, seule compétente à juger la conduite de ses employés, a été toujours satisfaite de celle de M. Musurus, qu'elle lui a témoigné en toute occasion sa haute approbation, et qu'elle a raison de considérer toute attaque dirigée contre lui comme une attaque dirigée contre elle-même.

Examinons maintenant quelle fut la conduite de M. Musurus à l'occasion de l'incident dont il s'agit aujourd'hui.

Le colonel Tzamis Karatassos commanda en personne l'expédition dirigée en 1841 contre le Mont-Athos pour soulever la Macédoine, dont il est natif. Lorsqu'en 1844 il fut nommé aide de camp du roi, M. Musurus, par ordre de la Sublime Porte, exprima à M. Tricoupis, alors ministre des affaires étrangères, la profonde et pénible impression que cette nomination avait dû produire sur le gouvernement de S. M. I. Cette communication était pour le gouvernement hellénique un avertissement suffisant, et sur l'opinion que la Sublime Porte avait de M. Tzamis Karatassos, et sur l'inconvenance de lui permettre de paraître dans la capitale de l'Empire, et sur la conduite que notre Envoyé devait tenir en pareil cas. Le gouvernement hellénique s'attache à relever aujourd'hui que cette nomination eut lieu sous le ministère de M. Mavrocordatos; mais cette circonstance n'a aucune valeur aux yeux de la Sublime Porte, et il ne lui appartient pas de la prendre en considération.

On dit que le congé accordé à M. Tzamis Karatassos pour se rendre à Constantinople était appuyé de la lettre d'un homme de sà connaissance, médecin au service de S. A. le grand vizir. Après le départ de M. Musurus d'Athènes, un des chefs de mission à Constantinople nous parla en effet pour la première fois d'une

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