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semblent établir que toutes les puissances, même celles qui se sont soustraites à l'autorité spirituelle de Rome, sont disposées, par déférence pour le souverain-pontife, chef suprême de l'Église, à continuer de reconnaître sa préséance comme par le passé, et à laisser les nonces apostoliques prendre le pas sur leurs Envoyés diplomatiques de première classe.

Cette question de préséance entre les souverains a été l'objet, à diverses époques, de conventions particulières entre quelques États ('); mais aucune conven

(1) C'est ainsi que le Portugal et la Sardaigne accordaient la préséance à l'Angleterre et à la France, et que le Danemark l'accordait à la France seulement (KLUBER, Droit des gens, etc., § 96). — Depuis l'avénement des Bourbons aux trônes d'Espagne et des DeuxSiciles, l'ambassadeur de France avait le pas sur les ambassadeurs de ces royaumes. Lorsque diverses puissances consentirent à reconnaître le titre impérial pris par le czar, en 1721, il fut déclaré dans les lettres réversales (voy. t. II, p. 493 et 495) données par la Russie, que cette reconnaissance n'altérerait en rien le cérémonial établi. Dès cette époque, la Russie n'accordait la préséance qu'à l'empereur romain d'Allemagne, qui l'avait sur tous les princes, concession dont elle s'affranchit plus tard vis-à-vis de l'empereur d'Autriche. Par l'article 28 du traité de paix de Tilsitt, en 1807, entre la Russie et la France, il fut stipulé que le cérémonial des deux cours entre elles et leurs Envoyés respectifs serait établi sur le pied d'une réciprocité et égalité parfaites. L'alternat dans la signature des traités entre la France et l'Autriche fut confirmé, en 4805, lors de la succession de cet empire à l'empire d'Allemagne, comme étant établi et suivi entre la maison d'Autriche et la maison de France depuis leur traité d'amitié et d'union fait à Versailles en 4756.- La Porte, qui prétendait à l'égalité de rang avec l'empereur d'Allemagne, et qui l'avait obtenue par le traité de Passarowitz, en 4748, avait accordé, dès le commencement du xvII° siècle, aux ambassadeurs de France à Constantinople la préséance sur les représentants de tous les autres souverains. Plus tard, à la suite des victoires remportées par les généraux de Catherine II, elle avait rangé les En

tion générale n'étant intervenue, l'égalité de rang entre les téles couronnées a prévalu en principe ('), et les prétentions contraires de quelques cours, s'il en subsiste encore, paraissent devoir indéfiniment sommeiller.

Cette égalité toutefois, quant à ses manifestations extérieures, n'existe que pour les souverains qui sont en possession des honneurs royaux; seulement, l'électeur de Hesse et les grands-ducs régnants, quoique étant de ce nombre, cèdent le pas aux empereurs et aux rois. Il en était de même autrefois pour les ré- :; publiques à qui les honneurs royaux n'étaient pas contestés (Venise, Pays-Bas, Suisse, Gênes). Quant aux grandes républiques actuelles, elles ne reconnaissent aucune supériorité de rang aux monarchies, et leur parité absolue est un fait établi et reconnu.

voyés de Russie immédiatement après ceux de l'empereur d'Allemagne (art. 5 du traité de Kaïnardgi, de 1774). Aujourd'hui les ministres des puissances chrétiennes observent à Constantinople, comme partout ailleurs, le règlement du congrès de Vienne du 19 mars 1815.

(1) Ce principe fut proposé la première fois par la Suède sous le règne de Gustave-Adolphe, ensuite par la reine Christine au congrès de Westphalie, et plus tard par l'Angleterre. - NEYRON, dans ses Principes du droit des gens, et ROUSSET, dans ses Mémoires sur le rang des souverains, disent que ce principe fut généralement adopté lors de la quadruple alliance conclue à Londres en 1748. Il a été de nos jours implicitement reconnu par l'acte constitutif de la Confédération germanique, signé à Vienne le 8 juin 1815. L'article 3 porte que les membres de la Confédération sont égaux en droits »; et l'article 8, relatif à la votation, déclare que l'ordre qui sera ultérieurement adopté « n'influera en rien sur le rang et la préséance des membres de la Confédération en dehors de leurs relations avec la Diète. »

Il est à propos de constater ici, en terminant, que le rang attribué au souverain appartient en réalité à la nation: « aussi, comme le dit RAYNEVAL, soit qu'une monarchie devienne république, soit qu'une république devienne monarchie, le rang demeure invariable. »

§ 66.

Du cérémonial observé par les souverains entre eux et par les membres de leurs familles.

Les nombreux liens de parenté qui unissent depuis des siècles presque tous les souverains de l'Europe, et qui semblent en faire une seule famille, et l'établissement des missions permanentes nécessitées par l'accroissement des relations internationales, ont amené et motivé de fréquentes démonstrations de courtoisie entre ces princes et les membres de leurs familles, démonstrations rigoureusement observées et qui forment une partie importante du cérémonial des cours.

Telles sont les notifications de l'avénement au trône, des mariages, des naissances et des décès des princes et princesses; les félicitations à l'occasion d'événements heureux, et les condoléances à la suite de malheurs de famille; les obligations prises comme parrain ou marraine d'un nouveau-né, d'après l'invitation acceptée de tenir l'enfant sur les fonts de baptême ('); le deuil porté à l'occasion d'un décès; la réception solennelle des souverains et l'accueil officiel fait aux

(1) Il arrive quelquefois aussi que des personnes morales, telles que des villes ou des républiques, sont invitées à être marraines de princes ou princesses nouveau-nés.

membres de leurs familles dans les rares et embarrassantes visites que les princes peuvent se faire les uns aux autres (1).

Les notifications, félicitations et condoléances dont nous venons de parler se font le plus souvent par écrit (voy. Correspondance des souverains, T. II, chap. vi), quelquefois aussi par les ministres accrédités, quelquefois encore par des Envoyés extraordinaires, porteurs de la lettre de cérémonie, notamment s'il s'agit de notifier l'avénement d'un souverain au trône. Enfin, et comme témoignage particulier d'affection et d'estime, les souverains s'envoient quelquefois des présents (2) par les mêmes voies diplomatiques, ou échangent les insignes de leurs ordres.

(1) Les exigences du cérémonial et les dépenses considérables qu'occasionnent ces visites royales ont porté les souverains, à moins de circonstances politiques exceptionnelles, à garder l'incognito dans leurs voyages en pays étrangers. Cette dissimulation de leur rang sous un nom d'emprunt simplifie ou supprime, selon les convenances mutuelles, toutes cérémonies d'apparat.

Par ces mêmes raisons il est très-rare que les souverains assistent en personne aux cérémonies du baptême quand ils ont accepté d'être parrains de l'enfant; ils s'y font représenter soit par leur ministre, soit par toute autre personne d'un rang élevé.

(2) Quoi qu'il soit d'usage que les puissances qui entretiennent des relations diplomatiques permanentes avec la Porte envoient des présents au sultan et au grand vizir toutes les fois qu'un nouveau ministre est accrédité auprès d'elle, les cours de Suède, d'Autriche et de Russie s'abstiennent de suivre cette coutume.

Les sommes annuelles que diverses puissances maritimes payaient autrefois aux régences barbaresques, bien que qualifiées de présents, n'étaient dans la réalité que le prix auquel ces régences vendaient aux peuples chrétiens la sûreté de leur commerce. La prise d'Alger, en 1830, a mis fin à ce honteux tribut.

CHAPITRE XI.

DU CÉRÉMONIAL MARITIME.

§ 67.

Des honneurs maritimes à rendre aux souverains, aux princes et princesses de leur sang, aux ambassadeurs et autres ministres publics.

Nous n'aurions à nous occuper ici du cérémonial maritime qu'en ce qui concerne les souverains, les membres de leur famille et les agents diplomatiques ('), si nous ne jugions à propos de toucher sommairement à quelques autres parties de ce cérémonial que doivent également connaître les ministres publics. Il leur importe en effet de savoir ce que les règlements prescrivent, dans certaines circonstances, aux commandants des bâtiments de guerre de leur nation lorsqu'ils mouillent dans les rades et ports étrangers, afin d'être à même, le cas échéant, de pouvoir répondre aux plaintes auxquelles l'infraction de ces règlements donnerait lieu.

Les forts saluent les premiers tout bâtiment qui

(1) Pour la partie du cérémonial qui concerne les honneurs maritimes à rendre aux consuls, voy. au chap. xII ci-après.

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