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Ces pays étoient, comme la Bretagne, fujets aux règles de chancellerie romaine. Cependant le roi, fans obtenir aucun indult du pape, y exerça les droits qui lui étoient attribués par le concordat, & le pape ne fit aucune difficulté d'accorder des bulles aux nommés par ce prince aux prélatures. Il en a été ufé de même depuis.

Il étoit conféquent que les Gradués exerçaffent leur expectative dans les mêmes pays. La queftion s'éleva en 1640, au fujet d'un canonicat de l'églife collégiale de Bourg en Breffe. Un Gradué de Paris en ayant fait la requifition, & le chapitre collateur en ayant difpofé au profit d'un non Gradué, après avoir refufé des provifions au Gradué, ce refus donna lieu à ce dernier de former une demande en complainte, qui fut portée d'abord au parlement de Dijon, & enfuite au confeil du roi, d'où elle fut renvoyée au grand confeil. La caufe fut plaidée par le célèbre Patru pour le Gradué & l'univerfité de Paris intervenante. Cet éloquent orateur développa, d'une manière fupérieure, les principes du droit public, qui devoient fervir de fondement à la décifion de la contestation. On peut le voir dans fon quatrième plaidoyer dont on a déjà rapporté un lambeau. La complainte fut décidée conformément à ces principes, par arrêt du 15 feptembre 1643.

Suivant ces mêmes principes, le concordar auroit dû être introduit dans la Franche-Comté. Cependant il ne l'a point été ; la réserve des mois a continué d'y avoir lieu; & cette province a été maintenue dans fes anciens ufages. Il en eft de même des autres pays conquis, comme les trois évêchés, le Rouffillon, l'Alface & la Lorraine.

Il réfulte de ces obfervations, que, dans le fait,

le concordat, pour ce qui concerne les droits des Gradués, n'eft reçu que dans les provinces qui compofoient réellement le royaume de France fous le règne de François I. Il n'y a d'exception que pour les pays de Breffe, Gex, Bugey & Valromey; & il eft à préfumer que cette exception a été reçue à caufe que ces pays avoient été fubrogés au mar quifat de Saluces, où le concordat avoit été introduit, & étoit encore obfervé lors du traité d'échange de 1602.

VII. CURES. Parmi les bénéfices qui font l'objet de l'expectative des Gradués, ou qui leur font d'ailleurs affectés, il n'y en a pas de plus précieux que ceux qui font à charge d'ames, comme les prieurés - cures, les cures & les vicairies perpétuelles. Ces différentes efpèces de bénéfices à charge d'ames font comprifes dans la dénomination géné rale de cures. Toutes font également foumifes au droit des Gradués. Mais on diftingue celles des villes murées & de leurs fauxbourgs, de celles qui font fituées à la campagne dans les bourgs ou villages. Les premières font fans doute les plus importantes, a caufe de la qualité & du nombre des paroiffiens. Car communément les cures des villes font beaucoup plus confidérables à tous égards que celles de la campagne. Auffi font-elles foumises à une double affectation au profit des Gradués. Elles font d'abord fujettes, comme celles de la campagne, l'expectative des Gradués, par la difpofition du §. 2 du concordat, & elles font de plus affectées à des Gradués, dans quelque mois de l'année que leur vacance arrive. C'eft la difpofition du §. 10, qui porte Statuimus quoque quod parochiales ecclefia in civitatibus aut villis muratis exiftentes on nifi perfonis modo pramiffo qualificatis, aut

faltem qui per tres annos in theologiá, vel altero jurium ftuduerint, feu magiftris in artibus, qui in aliquâ univerfitate privilegiata ftudentes magifterii Gradum adepti fuerint conferantur.

Les termes de villa murata, doivent s'entendre de tous les bourgs & gros villages qui, dans le quinzième fiècle, & encore au commencement du feizième, étoient environnés de murailles, à caufe des guerres prefque continuelles qui défoloient les campagnes. Les habitans des fermes, des hameaux & des petits villages s'y retiroient avec tous leurs beftiaux & autres effets mobiliers, pour fe mettre à couvert des déprédations des ennemis.

Ces bourgs ou gros villages environnés de murs étant habités par des perfonnes plus confidérables, ou qui avoient reçu une meilleure éducation que le commun des habitans de la campagne, avoient befoin d'être gouvernés par un pafteur plus éclairéou doué de talens fupérieurs à ceux des curés de fimples villages. C'eft ce motif qui détermina le concile de Bafle à affecter les cures des villes & celles des bourgs environnés de murs à des fujets qui auroient étudié pendant trois ans dans l'un ou l'autre droit, ou en théologie, ou qui feroient maîtres-ès-arts.

l'on

Il doit paroître fingulier dans ce fiècle que ait affecté des cures de villes à de fimples maîtresès-arts; attendu que, pour parvenir à ce degré, il n'est pas néceffaire d'avoir fait aucune étude de la théologie, foit fcolaftique, foit pofitive, ni de la morale chrétienne. Mais il eft cenfé qu'un évêque ne conferreroit point les faints ordres à un eccléfiaftique, fans s'allurer de fa capacité ou de fa fuffifance. D'ailleurs, il y avoit peu de maîtresès-arts qui n'euffent pris des leçons de théologie :

& alors quiconque étoit parvenu au degré de maître-ès-arts étoit exercé dans la difpute, accou tumé à parler en public, & à s'énoncer avec plus d'ordre & de grace que ceux qui n'avoient pas fuivi les mêmes exercices. Ainfi, à tout prendre, les Gradués & ceux qui avoient étudié dans les univerfités devoient être plus en état de bien adminiftrer les cures, que ceux qui n'avoient aucun degré, & qui n'avoient fait aucune étude dans les univerfités. C'eft ce que l'on concevra aifément, fi l'on fait attention que dans les fiècles. dont il s'agit, les écoles des univerfités étoient les feules fources de l'enfeignement. Il n'y avoit alors ni colléges, ni féminaires. Les congrégations qui fe font confacrées à l'inftruction de la jeuneffe & des peuples, comme celles de l'oraroire, de la doctrine, de la miffion, &c. n'étoient point encore établies. De forte que quiconque n'avoit point étudié dans une univerfité ne pouvoit être que fort ignorant. Il faut donc, pour connoître la fageffe des décrets du concile de Bafle, de la pragmatique-fanclion & du concordat, fe tranfporter dans ces temps-là, ou connoître quel étoit alors l'état de l'églife.

pour

On a élevé autrefois la queftion fi un temps d'étude de trois ans en théologie fans degré, eft fuffifant attribuer à un eccléfiaftique la capacité de pofféder une cure de ville murée. Mais cette queftion n'auroit jamais dû faire la matière d'un problême, parce qu'elle étoit décidée pour l'affirmative par le concordat. Cependant les plus célèbres jurifconfultes & canoniftes du feizième fiècle, & quelques-uns même du dix-feptième, ont été partagés de fentimens fur ce point.

Dumoulin a foutenu qu'il falloit être Gradué;

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& fon opinion paroît avoir été confirmée par la déclaration du roi Henri II, du 9 mars 1551, dont la difpofition eft conçue en ces termes : » Voulons & nous plaît que dorénavant tous procès & différends mus & à mouvoir, tant pardevant nos juges ordinaires, qu'en cours fouveraines de notredit royaume, pays de notredite obéiffance, pour raifon du poffeffoire des cures » & églifes paroifliales des villes clofes & murées, » foient jugés & terminés quand ils feront en » état de juger, fuivant la teneur defdits faints » décrets & concordats, & fans avoir égard aux impétrations qui pourroient être faites fubrepticement obtenues defdits bénéfices par per»fonnes non Graduées, & de la qualité contenue auxdits concordats, contre lefquels ne voulons » & n'entendons aucunes difpenfes contrariant auxdits faints décrets concordats, nos juges y avoir aucun égard

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On pourroit foutenir que cette loi ne contient point une affectation bien précife des cures de villes murées à des Gradués. Mais depuis plus d'un fiècle les auteurs ont enfeigné unanimement que, pour pofféder une cure de ville murée, il faut être Gradué; & quand il feroit refté quelque nuage fur ce point, il feroit diffipé par la déclaration du 6 décembre 1736, portant réglement pour ceux qui obtiendront à l'avenir des degrés dans les univerfités du royaume.

Du temps de Dumoulin on éleva une autre difficulté, qui fut de favoir fi le pape pouvoit déroger au concordat, en ce qui concerne l'affectation des cures de villes murées à des Gradués > ou s'il pouvoit en pourvoir des non Gradués.

L'auteur

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