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Exemple, qui fembleroit autorifer chaque Miniftre de S. M. & de tout autre Souverain, à manquer impunement à fon devoir, dans l'efperance de fe fouftraire par une pareille Immunité à la Jurifdiction de fon Maitre, jufques dans fa Cour, & même à sa vûe.

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L'Ambafladeur ayant repondu à ces fecondes inftances, que fes nouvelles follicitations auprès du Duc avoient été auffi inutiles que les premieres, le Duc fe reduifoit à supplier très refpectueufement S. M. de permettre qu'il fe tranfportât pour quelques jours dans un Couvent, pour avoir le tems de manifefter l'innocence de fa conduite; ce qui feroit ceffer le fcandale que pourroit avoir causé fa retraite dans l'Hôtel d'un Miniftre Etranger.

Cependant, S. M. ne voulant fe fervir de fon Autorité qu'après les plus ferieufes reflexions, fe determina à confulter fon Confeil Royal, pour favoir fi les Griefs qu'il avoit contre le Duc, étoient affez bien fondez pour être en Droit de le faire tirer par force de la Maison d'un Ambafladeur, fans violer le Droit des Gens, ni les Privileges confentis & accordez reciproquement aux Miniftres repre

fentans.

Pour cet effet, tous ceux qui compofent le Confeil Royal de Caftille s'étant extraordinairement aflemblez, après avoir pefé murement le tout, donnerent à S. M. leur Avis, par lequel ils reconnoiffoient le Deli& du Duc pour un crime de Leze-Majefté au premier Chef, y en ayant peu qui l'égalaffent dans les circonitances, & dans les fuites qu'on pouvoit ap. prehender avec raifon. Et comme il eft indubitable que les Criminels de ce genre ne peuvent

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peuvent jouir d'aucun azile, fans excepter
même celui des Eglifes, il fe trouveroit par
la fuite des tems, que fi l'on laiffoit introduire
un Ufage fi contraire aux Droits des Gens,
ce qui a été établi pour une plus étroite cor
refpondance entre les Souverains, tourneroit
à leur ruine, & cauferoit leur deftruction;
fur tout s'ils permettoient que les Privileges
accordez aux Hôtels des Ambaffadeurs, par
égard pour les Souverains qu'ils reprefentent,
en faveur des Delicts communs, (ce qui
pourtant ne fe pratique pas dans toutes les
Cours) s'étendiffent jufqu'en faveur des Vaf-
faux depofitaires des Forces, des Finances
& des Secrets d'un Etat, lors qu'ils viennent
à manquer au devoir de leur Miniftere: ce
qui feroit l'erreur la plus prejudiciable qui pût
entrer dans l'efprit humain, & le plus genera-
lement contraire à toutes les Puiffances de la
terre; puifque, fi cette licence avoit lieu, El-
les feroient obligées de maintenir, fouffrir &
tolerer dans leur propre Cour tous ceux qui
machineroient leur perte.

Il eft évident que dans le cas dont il s'agit, & dans de fi énormes circonftances, le Roi d'Angleterre ne foutiendra pas fon Ambafladeur, ne fût-ce que pour le prejudice que produiroit contre lui-même un pareil Exemple, fi les Criminels de cette efpece étoient compris parmi ceux qui doivent jouir du Droit des Gens.

C'eft fur des fondemens auffi clairs, auffi folides, & autfi irreprochables que Sa Majesté. après l'avis unanime des Directeurs de fa Confcience, refolut que le Duc de Riperda fût tiré de la maifon du fusdit Amballadeur, pour

être

être transferé au Château de Segovie: Elle chargea de l'execution de fes Ordres, l'Alcalde de la Cour, Don Louis de Cueillar, Chevalier de l'Ordre de S. Jaques, foutenu par un Detachement des Gardes du Corps, que commandoit le Marechal de Camp, Don Francifço de Valanza, Grand Commandeur de Caftille dudit Ordre de S. Jaques, & Ajudant-General des mêmes Gardes leur enjoignant, que le 25. du courant, dès que les Portes de l'Hôtel de l'Ambaffadeur s'ouvriront ils euffent à s'y rendre, fe faifir du Duc de Ripperda, & l'en tirer, pour le mener avec une Escorte convenable au Château de Segovie, après avoir pris tous les Papiers dont il pouvoit être nanti, & dont il feroit faite une exacte perquifition, foit dans fes coffres, foit ailleurs; enjoignant très expreffement audit Alcalde, auffi- bien qu'audit Marechal de Camp, qu'au cas que de la part dudit Ambaffadeur, ils trouvaffent quelque refiftance, avant que de paffer à l'execution de leurs ordres, ils euffent à ufer de toute l'attention & de tout le refpe&t qu'on doit au Caractere des Ambaffadeurs, mais que fi toutes ces marques de confideration étoient abfolument inutiles, ils euflent à paffer dans la Maifon, à l'aide des Gardes qui les fuivoient, en évitant tout defordre, & fe rendre Maitres du Duc de Ripperda.

Avant toutes chofes, le Roi m'ordonna de prevenir l'Ambaffadeur de cette refolution, & qu'il le dechargeoit & relevoit de la parole qu'il lui avoit donnée. Cette declaration fut fuivie le même matin de la prife du Duc de Ripperda, laquelle s'executa fans aucun bruit, & fans aucun fcandale, par le même Alcalde,

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qui affifté du fufdit detachement, conduifit le Duc en Carofle au Château de Segovie, pour y refter en fureté, fans Prifon, & fans nulle incommodité, contre des craintes mal fondées, auxquelles il n'avoit pas eu raifon de s'abandonner.

Sa Majesté m'a ordonné d'informer diftinctement Votre Excellence de toutes les particularitez de cet Evenement, afin qu'étant inftruite de la regularité avec laquelle le Roi a voulu que cette affaire fût terminée, autfibien que des raifons qui l'ont fait agir, Votre Excellence puiffe faire part à Sa Majesté Britannique & à fa Cour de la verité du fait, & de tout ce qui eft arrivé dans cette rencon

tre.

(Signé)

DON JEAN BAPTISTE DE ORANDAYN.

A Madrid le 27. Mai 1726.

Extrait d'une autre Lettre du Marquis de la Paz au Marquis de Pozzobueno.

Comme vient

Omme le cas imprevu qui vient d'arri

grande imprudence du Duc de Ripperda, a été fi contraire à l'inclination du Roi, comme il paroit très clairement par toutes les circonftances qui l'ont accompagné, & que j'ai decrites très amplement dans une autre Lettre à Votre Excellence; & que le defir très fincerc du Roi, pour conferver & maintenir l'harmonie & la correfpondance la plus Tome IV.

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étroi

étroite & la plus parfaite avec Sa Majefté Britannique, n'en a point été alteré: Sa Majefté m'a ordonné de notifier à Votre Excellence, que, quand vous rendrez compte à Sa Majefté Britannique de ce qui est arrivé, vous l'aflurerez en même tems de l'amitié fincere & inalterable que le Roi de fon côté conferve à son égard, & pour lui en donner une preuve, Votre Excellence doit lui reprefenter, le plus clairement qu'il fera poffible, les égards que Sa Majesté a eu la bonté de temoigner pour fon Ambassadeur & pour fa Maifon, ayant differé tant de jours, après que le Duc s'y fut refugié, la derniere refolution pour l'en tirer, quoiqu'il fut en fon pouvoir de le faire dès le moment qu'il s'y étoit rendu; Sa Majesté érant informée que les Privileges des Maifons des Ambafladeurs ne s'étendent pas jufqu'au cas en question. C'est ce que Votre Excellence aura à executer ponctuellement, car telle eft la volonté exprefle du Roi.

A Madrid le 25. Mai 1726.

Memoire de Monfieur Stanhope au Roi d'Efpagne, du 13. Juillet 11726.

SIRE

LE foufigné Ambaffadeur Extraordinaire

& Plenipotentiaire de Sa Majesté Britannique ayant reçu ordre de communiquer

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