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prouver que, lorsque l'arc devient nul, sin et tang? deviennent l'un et l'autre égaux à l'unité. La chose est, en effet, évidente par elle-même, lorsque l'arc se réduit à son élémeut, attendu qu'alors le sinus et la tangente s'y réduisent également.

On voit que ma méthode, quoique très-rigoureuse, fait un usage très-modéré de l'abstraction, ne la prenant qu'au point où elle se fait en quelque sorte tangible, au point où elle devient l'embryon de la réalité. Mon élément n'est pas, en effet, autre chose que l'élément différentiel constant de la variable indépendante rendu tangible par les considérations précédentes, et personne ne refuse de reconnaître au calcul dit infinitésimal le caractère de rigueur exclusivement propre aux sciences mathémathiques pures.

Sans m'étendre sur les autres conséquences, je me bornerai à citer l'application des notions nouvelles à la démonstration de certaines propositions de géométrie élémentaire, et notamment de la proposition XI du 4 livre de la géométrie de Legendre. (6) A ce propos je ferai observer, en passant, l'impropriété de la qual fication de semblables, donnée par les auteurs à deux arcs qui, fesant partie de circonférences décrites avec des rayons inégaux, correspondent à des angles au centre égaux. Une telle confusion ne peut naître que de l'idée absurde que les deux arcs se composant d'une infinité de cordes ou de côtés, ceux-ci doivent être en nombre égal dans

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les deux, et que leurs angles, s'approchant de la limite de deux angles droits d'une quantité inférieure à toute grandeur finie, doivent jouir du même caractère d'égalité.

Dans cette manière d'envisager les grandeurs géométriques, on peut définir l'incommensurabilité: Le caractère du rapport de deux grandeurs qui n'ont d'autre commune mesure que l'élément de leur ordre. Et comme cet élément est essentiellement fini, toute loi ou proposition démontrée à l'égard de quatre grandeurs commensurables entr'elles, s'étend, sans autre démonstration, aux grandeurs de même espèce dans le cas où elles sont incommensurables.

D'après la définition que je viens d'en donner, la ligne droite est indéfinie dans ses deux sens; car, quelque fragment qu'on considère, on peut toujours souder un élément à chacune de ses extrémités, en se conformant à la loi de sa génération. Il n'en est pas de même de toutes les autres lignes, même situées tout entières dans un plan, dont certaines, en petit nombre, il est vrai, se soudent à elles-mêmes. Cependant l'abstraction mathématique considère quelques-unes d'entr'elles, notamment la circonférence du cercle, comme se continuant indéfiniment par superposition ou coïncidence de ses révolutions. Et à cette occasion, qu'il me soit permis de faire remar

(6) Je me référerai souvent à la dixième édition de ce traité, que je considère comme la meilleure, afin de ne pas embarrasser cet écrit de démonstrations connues de tout le monde.

quer que cette considération, qui s'impose par la nature des choses, entraîne malheureusement des inconvénients fâcheux. C'est à elle qu'il faut attribuer l'impossibilité de résoudre, par la géométrie élémentaire, le problême de la multisection de la circonférence; car elle conduit fatalement, pour la détermination de la corde d'une partie aliquote de la circonférence, à une équation d'un degré égal à la moitié de leur rapport, lorsque celui-ci est un nombre pair, 2n, ou à n lorsqu'il est impair, 2n+1. Si l'on pouvait s'affranchir de cette nécessité, comme à un même arc d'une circonférence, il ne répond qu'une seule corde, il est évident que celle-ci serait donnée par une équation du premier dégré.

Cette réflexion révèle une des impuissances de l'analyse; ou du moins une de ses lacunes. Celle-ci ne pourra être comblée que par une autre science ou plutôt par une autre branche de l'analyse qui se proposerait de déterminer les règles à suivre pour la mise en équation de l'énoncé d'un problême, en éliminant à priori toutes les circonstances absolument étrangères à la question, circonstances qui amènent dans l'équation finale des racines qui n'y satisfont pas, tout en augmentant, dans une proportion immense, les difficultés de sa résolution.

Après la définition des grandeurs géométriques, il n'est pas de loi plus féconde en conséquences que celle qui exprime les relations de deux lignes droites quelconques.

Si l'on se figure par la pensée les deux points de ces lignes, qui se trouvent les plus rapprochés, il pourra arriver ces deux choses: On bien, à partir de ces points, et de quelque côté que ce soit de la droite qui les joint, les deux droites considérées s'éloigneront de plus en plus l'une de l'autre ; ou bien, tout en s'éloignant, d'un côté de leur transversale, elles se rapprocheront de l'autre côté et finiront par se rencontrer. Dans le premier cas on dit que les droites sont dans l'espace, par opposition à l'autre cas dans lequel on dit qu'elles sont dans un même plan. Il ne sera pas question, dans cette partie des droites dans l'espace. Quant aux droites situées dans un même plan, elles peuvent affecter, dans leur position relative, deux manières d'être distinctes, soit qu'elles se rencontrent à une distance finie de leur transversale, soit qu'elles ne se rencontrent ni d'un côté ni de l'autre de ladite transversale, ou, comme le disent à tort les géomètres, qu'à une distance infinie. Dans ce dernier cas, en effet, bien qu'à l'infini, elles devraient se rencontrer de part et d'autre de la transversale et ne formeraient, en réalité, qu'une seule et même ligne droite. Leur caractère n'est donc pas qu'elles se rencontrent à l'infini; mais quelles se suivent toujours, côte-à-côte, pour ainsi dire, sans jamais se toucher; ce qui exige qu'elles se tiennent invariablement à la même distance l'une de l'autre. Cette conséquence est si étroitement liée à la définition des parallèles que quelques

auteurs, notamment Bossut, la lui ont substituée, et ont cru, bien à tort, se tirer d'embarras pour l'exposition de la théorie des parallèlcs.

On comprend l'intérêt qu'il y a à fixer les signes auxquels on reconnaît que deux droites situées dans un même plan sont parallèles ou concourantes. Euclide paraît avoir, le premier, posé comme axiome le fameux postulatum qui porte son nom dans la science et le n° 11 de ses maximes dans les éléments qu'il en a donnés, et dont il a fait le fondement de sa théorie des parallèles. Legendre, après quelques tentatives infructueuses, à l'effet de rendre cette théorie indépendante du postulatum, y était revenú purement et simplement vers la 9° édition de ses éléments de géométrie, où il se bornait à donner un moyen de le vérifier pratiquement; mais, dès sa 12° édition, il y renonçait de nouveau et basait sa théorie des parallèles sur le théorème de la somme des trois angles du triangle. Il n'a pas été plus heureux dans cette dernière tentative: la démonstration de ce théorème reposant sur la considération de l'infini n'est pas acceptable dans des éléments. (7) Lacroix, avec plus

(7) Dans la deuxième des notes qui suivent ses éléments de géométrie, Legendre a essayé de donner une démonstration du postulatum d'Euclide; mais il s'appuie sur cette abstraction, qu'une ligne droite divise la surface d'un plan sur lequel elle est tracée en deux parties égales, vérité du même ordre que celle-ci : un nombre quelconque est placé au milieu de la chaine infinie des nombres, à l'aide de laquelle il serait aussi facile de démontrer que 2 et 3 font 5. Il a été mieux inspiré en appli

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