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en débarrasser la surface du sol, tout ce que nous avons vu nous porte à croire que, privées de vie apparente et extérieure, ces plantes continuent néanmoins, pendant très-longtemps, à exister souterrainement par les racines échappées aux efforts inutilement faits pour les détruire entièrement.

Ces racines, qu'on rencontre souvent en fouillant les terrains forestiers, conservent une puissante vitalité prête à se manifester dès que le sol sera dé

couvert.

VII.

On doit comprendre combien cette variété et cette puissance de reproduction rendent difficile la culture des essences les plus utiles que le forestier est obligé de protéger contre tant de plantes envahissantes.

Du reste, à part la différence des plantes, les choses ne se passent pas autrement dans la culture forestière que dans la culture des champs.

La terre renferme, en quantité innombrable, dans ses couches superficielles, les graines et les germes des plantes naturelles qu'elle nourrit depuis la créa– tion, et tout le monde sait avec quelle vigueur ces dernières se développent aussi partout ailleurs que dans les forêts.

L'espèce de ces plantes varie d'ailleurs suivant la nature du sol, suivant la culture et suivant d'autres circonstances locales.

Ainsi, dans les landes incultes, croissent les plantes les plus rustiques et les plus sauvages : les bruyères, les ajoncs, etc Aucun frimat n'empêche ni leur floraison, ni leur fructification; leurs graines se conservent indéfiniment dans le sol; leurs racines ont une vitalité extrême, et leur puissance de reproduction par la graine et par les racines, est telle, que quand on veut défricher ces terrains et les soumettre à une culture agricole, c'est seulement à force de sarclages multipliés qu'on peut les en débarrasser complètement.

Les plantes naturelles qui croissent dans les terrains cultivés sont, il est vrai, moins rustiques que celles des terres incultes; cependant elles sont aussi très-nuisibles en agriculture.

:

Il en est qui restent plus ou moins longtemps vivaces, d'autres sont annuelles les unes se perpétuent par les racines; mais le plus grand nombre se reproduit par la graine.

Si le sol est en jachère, quantité de ces graines ne peuvent germer; mais dès qu'il est ameubli par la culture, la germination s'opère, et les arbustes sauvages, s'élevant avec les plantes précieuses, étoufferaient celles-ci ou en amoindriraient le rendement, s'ils n'étaient extraits par des sarclages qui, fréquemment répétés avant que les arbustes ne puissent fructifier, préviennent la trop grande invasion des graines de ces arbustes, et finissent même, à la longue, par en purger la terre.

Il n'en est pas autrement dans la culture forestière, car il ne faut pas croire que le chêne, ce roi des forêts, qui, à un certain âge, les domine de toute sa hauteur, se soit ainsi élevé sans difficultés et sans épreuves.

Après l'abatage de l'ancienne futaie, à la naissance de la nouvelle forêt, les jeunes chênes sont envahis par quantité d'arbustes dont il faut aussi les débarrasser au moyen de sarclages.

Mais après les arbustes, apparaissent les bois d'ordre inférieur qui domineraient et étoufferaient les chênes, si ceux-ci n'en étaient également débarrassés par des nettoiements qui ne sont eux-mêmes qu'une sorte de sarclages plus nécessaires souvent que les premiers, car abandonnées aux forces puissantes mais désordonnées de la nature sauvage si éloquemment décrite par Buffon, les forêts ne seraient qu'un chaos des plantes les plus diverses, dans lequel les bois précieux disparaîtraient, étouffés par les arbres les moins utiles.

VIII.

Dans le règne des plantes phanérogames forestières, il faut distinguer deux mondes, le monde souterrain et le monde aérien.

Dans le monde souterrain, les germes restent plus ou moins longtemps enfermés, la germination s'élabore, les racines se disposent et l'arbre prend

son assiette; c'est dans la terre que les arbres puisent les principes minéraux, sels et oxides, qui entrent dans leur composition.

Dans le monde aérien, s'élèvent ces arbres qui, en décomposant l'acide carbonique pour s'en assimiler le carbone et en dégager l'oxigène, sont une cause puissante d'assainissement de l'atmosphère, à tel point, qu'il y a et qu'il y aura toujours de grandes différences dans l'état sanitaire des pays boisés et des pays déboisés; s'élèvent ces forêts, qui contribuent à la régularité des climats, qui protégent contre les tempêtes et qui satisfont à des besoins essentiels de l'humanité; s'élèvent enfin ces hautes futaies dont les magnificences consolent de la nudité des plaines déboisées et dont les harmonies élèvent l'esprit de l'homme qui n'a pas perdu toute poésie et tout sentiment des beautés de la nature.

Les hétérogénistes ne trouveraient, on le voit, dans l'observation des générations des plantes phanérogames forestières, rien qui pût justifier leurs théories.

Cependant nous avons rencontré des forestiers qui, à la vue de générations inattendues d'arbustes, loin de remonter aux causes premières de ces générations, s'imaginaient, presque comme les hétérogénistes, que dérogeant aux lois ordinaires et uniformes de la reproduction des êtres, la nature avait pu, par ils ne savaient quelles opérations mystérieuses, donner, sans germes préexistants, naissance

à ces plantes d'ordre inférieur; mais avec un peu d'observation, et en réfléchissant aux moyens dont la nature dispose pour perpétuer les phanérogames, ils auraient épargné à leur imagination de pareilles erreurs et compris que ces genêts, ces ajoncs, ces ronces, ces graminées, etc., ne pouvaient provenir que de semences ou de racines d'arbustes des mêmes espèces de générations antérieures disparues.

En ce qui concerne les plantes cryptogames, il est vrai qu'il est impossible de se rendre un compte satisfaisant d'une reproduction dont les moyens échappent à l'observation et à l'analyse; mais ce n'est point une raison de supposer que ces plantes se forment et se développent en dehors des lois qui régissent la formation des phanérogames.

Les fougères, les champignons, apparaissent généralement chaque année à des époques périodiques, et la naissance des champignons paraît subordonnée à certaines circonstances à défaut desquelles ils ne se montrent pas, ou ne se montrent qu'en quantité beaucoup moindre qu'à l'ordinaire.

Les lichens ne s'attachent aux arbres que dans certaines circonstances connues de végétation.

Les agarics ne se montrent sur les essences forestières que quand la décomposition de celles-ci commence, et, à la vue de ces parasites, on peut affirmer que les sujets qui les portent sont gravement altérés dans leur organisation.

Ne pourrait-on pas induire de ces observations,

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