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dent pas à germer et à produire un peuplement considérable de chênes, vivant dans une merveilleuse affinité avec les résineux au milieu desquels ils sont nés.

Nous avons été témoin, sur divers points de la France, de phénomènes de reproduction forestière analogues, mais nous n'en avons pas vu de plus remarquables que dans les contrées méridionales où les forces naturelles de la végétation sont en rapport avec la puissance du soleil.

On voit ainsi, de quelle variété de moyens dispose la nature pour propager les essences naturelles, et à l'aspect des générations qu'elle crée d'une manière si inattendue et par des procédés si différents de ceux qu'emploie le forestier ou l'agriculteur, on comprend avec quelle rapidité, abandonnées à ellesmêmes, les forêts se propageraient dans les terrains appropriés à la croissance des espèces indigènes; mais à une époque comme la nôtre, où les forêts s'en vont si rapidement, la crainte de pareilles invasions la nature forestière serait assurément bien chimérique.

par

Libre d'user et d'abuser des biens dont il dispose, l'homme a des moyens de destruction encore plus énergiques que les forces naturelles de la reproduction des plantes. Nous sommes bien loin d'ailleurs du temps où force était d'abattre les forêts pour étendre. les autres cultures nécessaires à l'expansion de la race humaine, ainsi qu'au développement de la civi

lisation, et il est évident qu'actuellement la société aurait plus d'intérêt à conserver le peu de forêts qui lui restent, qu'à les détruire.

Si, à certaines époques, en effet, les forêts créées avec tant de libéralité étaient surabondantes, elles sont aujourd'hui insuffisantes. Cependant, malgré toute leur importance dans l'ordre naturel comme dans l'ordre économique, elles diminuent de jour en jour, et si vous voulez le permettre, je vous entretiendrai un jour des déplorables conséquences de ce déboisement dans les départements du Nord, et en vous faisant remarquer la nature et l'intimité des relations qui règnent entre l'industrie minière de ces contrées, j'espère pouvoir vous démontrer la nécessité de la conservation des forêts pour l'existence même de cette grande industrie.

VI.

Ce n'est pas seulement par la semence que se re

produisent les forêts.

Les racines de certaines plantes conservent plus ou moins longtemps en terre, quoique les tiges aient disparu, une vitalité puissante et, dans des conditions données, elles sont capables de produire des tiges nouvelles.

Indépendamment de la propriété qu'ont plusieurs essences, le chêne notamment, quand leurs tiges ont été abattues rez terre à un âge peu avancé, de se

reproduire par les souches et de former de nouveaux rejets au collet de la racine, qui ne sait avec quelle puissance drageonnent quelques bois tendres à racines traçantes, certains fruitiers, le tremble, dont les vigoureux rejets infestent les forêts non moins que ses brins de semences et d'autres essences, telles que le hêtre que, dans des forêts en montagnes où on l'exploite en taillis, nous avons vu se perpétuer autant par drageonnement que par rejets de souches.

La faculté de reproduction par la racine peut même expliquer plusieurs faits de régénérations forestières.

En certaines années de glandée et de faînée, le sol se couvre, sous les futaies de chêne et de hêtre, de semences qui germent au printemps suivant ; mais si le couvert est trop épais et trop persistant, les jeunes brins de chêne, comme nous l'avons dit, s'élèvent peu; leurs feuilles sont blanchâtres. la sève d'août reste sans effet et ils sèchent sur pied.

Au printemps des années suivantes, une nouvelle pousse repart de la racine, et il n'est pas de forestier qui n'ait eu occasion de remarquer que ces pousses sont de plus en plus faibles jusqu'au moment où il ne puisse plus s'en former aucune.

Mais dans la terre où elles trouvent les conditions de vie qui manquaient aux jeunes brins, les racines ne périssent pas aussi vite; elles restent vivaces pendant quelque temps, n'attendant, comme les graines dont nous avons parlé, que la lumière pour produire

des tiges plus vigoureuses que les tiges disparues. Nous avons été témoin de résurrections de ce genre, non seulement dans des parties de forêts sous l'ombrage desquelles les brins de chêne étaient tellement étiolés, qu'on les croyait incapables de reprendre une vie nouvelle, mais même dans d'autres parties où il n'y avait plus trace des brins qui s'étaient montrés les années précédentes.

Dans l'intervalle des glandées plus abondantes, tombe, chaque année, sur le parterre des futaies pleines, un certain nombre de glands qui produisent des tiges s'étiolant aussi sous le couvert, mais dont les racines plus vivaces servent aussi d'éléments pour la reproduction dans les terrains qui sont découverts par l'exploitation des futaies.

C'est même à ces germes souterrains que devaient être attribuées en partie les régénérations des coupes du système dans lequel on se bornait autrefois à abattre les futaies de proche en proche (1) sans se préoccuper de savoir si les étendues à exploiter étaient suffisamment ensemencées, et sans laisser sur pied assez d'arbres générateurs pour assurer partout cet ensemencement (2).

(1) C'est ce genre d'exploitation qui est désigné sous le nom de tire et aire dans la célèbre ordonnance de 1669, sur les eaux et forêts.

(2) Dans une magnifique futaie de chêne et de hétre appartenant au descendant d'une des plus grandes familles de France, cet ancien mode d'exploitation continue à être appliqué.

On sait aussi avec quelle facilité la ronce, dans les terres franches, et la bruyère, dans les terres siliceuses, se régénèrent non seulement par les graines, mais aussi par les racines. On sait combien il est difficile de débarrasser un terrain de ces parasites de la pire espèce, avec quelle persistance et avec quelle vigueur ils repoussent.

Supposons qu'à force de soins, on soit parvenu à

Chaque année, quelque minime que soit le nouveau peuplement, et souvent il n'en apparaît aucun, une portion de la vieille futaie est abattue sans aucune réserve, et cependant peu d'années après il se montre au milieu de quantité de bouleaux croissant dans les parties ainsi découvertes un assez grand nombre de chênes provenant de racines demeurées vivaces dans le sol.

Du reste, tout en indiquant une des causes de reproduction dans les coupes ainsi exploitées, nous nous garderons bien de justifier ce système.

A certains moments, quand les germes sont abondants, il peut avoir son utilité; mais il a aussi les plus graves inconvénients, car on ne peut toujours compter sur la reproduction des jeunes racines. Elles périssent en terre quand le sol reste trop longtemps couvert par la futaie; et si, faute d'une succession convenable dans l'ensemencement et dans l'enracinement du germe des glands, la vieille futaie est abattue après que toutes ces racines ont perdu, avec leur vitalité, leur puissance reproductive, si, d'un autre côté, la fructification manque, et si l'ensemencement ne s'opère pas au moment de l'exploitation, il n'apparaît, au lieu de jeunes chênes, que des plantes inutiles dont les graines et les racines vivaces existant dans le sol n'assurent que trop la reproduction, et force est, dans ce cas, de recourir à des moyens artificiels, à des semis ou à des plantations de bonnes essences pour obtenir une forêt nouvelle.

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