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tants, c'est que le milieu dans lequel ils agissaient, se trouvait peuplé de germes invisibles capables de naître, ou d'animalcules dans lesquels la vie s'était comme arrêtée, mais qui étaient doués de la faculté de revenir à la vie dans les conditions mêmes de ces expériences.

II.

Il en est de la nature végétale comme de la nature animale, et les mêmes lois primordiales président à la reproduction des êtres appartenant aux deux règnes de la nature vivante.

Dans les forêts, généralement habitées par des plantes indigènes, aucune plante ne peut produire de semence, ou, si elle en produit, cette semence n'est féconde, elle ne peut germer et la plante ne peut se développer dans toute la plénitude de sa vie que moyennant les conditions de climat, de sol, d'air et de lumière en rapport avec les exigences de sa nature et de son tempérament.

C'est ainsi que, quand elles sont insuffisamment acclimatées, certaines plantes exotiques sont incapables de reproduction; d'autres, il est vrai, peuvent se reproduire, inais à la condition d'un traitement particulier approprié à leurs besoins. Plusieurs enfin, ne supportant pas la rigueur du climat sous lequel elles ont été transportées et, incapables de toute acclimatation, ne peuvent vivre que dans la température factice des serres.

Les plantes indigènes ou naturelles vivent, au contraire, dans leur climat natal, sans trop souffrir de ses rigueurs accidentelles et s'y reproduisent, par les seules forces de la nature, sans tous les soins nécessaires à d'autres.

Pendant que le Catalpa, le Datura, le Magnolia et d'autres plantes exotiques, ou ne peuvent croître que dans certaines conditions de terrain, d'exposition et de culture, ou n'ont pas de semences, ou n'en ont que d'infécondes, le chêne croît dans tous les sols; sa graine est toujours organisée pour la reproduction de l'espèce et n'a besoin, pour se défendre contre les intempéries, que d'un lit de feuilles, de mousse tendre ou d'herbe fines.

Le germe de son gland s'implante facilement dès que la terre est amollie par les pluies d'automne; et l'arbre qui en provient acquiert, sans culture, les plus fortes dimensions, quand le sol est assez profond et assez riche.

Pourquoi ces différences? c'est que le chêne est une plante naturelle, vivant sans trop de souci de son propre climat; tandis que les plantes que nous avons citées ne sont pas et ne paraissent devoir être jamais assez acclimatées pour pouvoir se régénérer sous notre ciel, comme elles se régénéreraient sous le climat de leur patrie natale.

Si j'ai cité le chêne comme type des essences naturelles, c'est que de tous les arbres indigènes, c'est celui qu'on rencontre le plus communément à

toutes les latitudes de notre pays; mais je ne parle ici que des espèces de chênes les plus connues, le rouvre ou le pédonculé, car d'autres espèces n'habitent, à l'état naturel, que dans des lieux très-restreints.

Il importe d'ailleurs de bien définir le mot indigène ou naturel ou plutôt d'en préciser le sens, en faisant observer que dans une région aussi étendue que la France, une essence peut être indigène sur certains points et ne pas l'être sur d'autres. L'indigénéïté tient, en effet non seulement à la latitude du lieu d'origine, mais encore à son altitude, ainsi qu'à la nature du sol.

Le pin maritime a une patrie primitive dans les terrains siliceux de la partie de l'ancienne province de Guienne, qui longe le golfe de Gascogne et, en qualité de plante naturelle à cette contrée, il s'y reproduit avec une merveilleuse spontanéïté. Cette essence s'est fait une patrie d'adoption dans les plaines sablonneuses de la province du Maine; son existence n'y est toutefois que le résultat d'une acclimatation tentée avec succès vers la moitié du dix-huitième siècle, mais il n'y est pas complètement naturalisé, car sa reproduction ne s'y opère spontanément que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles; or, on sait qu'une essence n'est ni indigène, ni naturalisée, là où sa croissance n'est pas spontanée.

Le chêne-liége est indigène et se reproduit naturellement dans les sables du Sud-Ouest du départe

ment des Landes, tandis que nous ne l'avons pas rencontré à l'état naturel dans les terrains semblables du département contigu de la Gironde.

Le chêne tauzin habite les sols maigres, le plus souvent à base siliceuse, de certaines provinces de l'Ouest de la France, tandis que le chêne vert et le chêne kermès ont leurs lieux d'habitation sur les terrains calcaires du Sud-Est.

Certaines plantes naturelles des latitudes méridionales ne peuvent s'acclimater, ou ne s'acclimatent que difficilement, sous des latitudes plus au Nord, comme certaines essences vivant sur les hautes montagnes rafraîchies par l'humidité des nuages, s'habituent difficilement dans les plaines.

Il est à remarquer toutefois que la flore du Nord est beaucoup moins variée que celle du Midi; que les plantes des pays froids s'accoutument plus facilement aux climats tempérés que les plantes du Midi ne s'accoutument aux climats trop rigoureux du Nord; analogie remarquable entre les plantes et les hommes, que, dans l'histoire du monde, nous voyons souvent descendre du Nord vers le Midi, tandis que les habitants des pays chauds n'ont jamais fondé dans les régions du Nord d'établissements durables.

Les plantes indigènes ne sont pas, d'ailleurs, sans avoir, pour certains sols, des préférences, ou même des exigences en rapport avec leur constitution. Ainsi, sous une latitude déterminée, le châtaignier

se déplaît dans les terrains calcaires et recherche les terrains à base siliceuse.

Le frêne demande une terre fraîche et humide; l'aune veut une terre aquatique ou des vallées mouillées, et chaque essence croît avec d'autant plus de vigueur, que les besoins de son tempérament sont satisfaits.

III.

Entrons sous la voûte d'une futaie serrée de chênes et de hêtres. Les arbres sont tellement rapprochés, que leur feuillage laisse difficilement passer quelques rayons de soleil, et sur le sol recouvert du terreau formé par d'innombrables feuilles et d'autres débris ligneux accumulés depuis des siècles, aucune plante n'apparaît, si ce n'est, en certains terrains, quelques houx se contentant, pour leur lente croissance, du demi-jour que tamisent les rameaux peu fournis des vieux chênes.

La fructification du chêne vient-elle à réussir, malgré l'état serre du massif, les glands tombent à l'automne, ils germent au printemps suivant; mais sous cet épais ombrage, les jeunes tiges grêles et blanchâtres sèchent et meurent faute de lumière, condition principale de toute végétation.

Force est donc, quand on veut remplacer l'ancienne futaie par une plus jeune, de l'éclaircir et de ne réserver que la quantité nécessaire d'arbres générateurs pour favoriser leur fructification, l'ense

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