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couvraient son sein, et représente fortement que ce serait une impiété de condamner la prêtresse de Vénus, et les juges frappés d'une crainte religieuse, s'ils n'étaient plus éblouis encore des charmes exposés à leurs yeux, n'hésitèrent plus à reconnaître l'innocence de celle qu'ils allaient condamner à mort. Eh bien! voilà nombre de siècles qu'une autre femme incomparablement plus belle, toujours jeune, toujours pure, toujours bienfaisante, la poésie enfin, cette fille du Ciel est descendue sur la terre pour toucher, instruire et moraliser les hommes. Les annales littéraires des peuples sont là pour nous dire comment elle a rempli sa mission divine et ce qu'elle lui a valu de reconnaissance et d'hommages jusqu'au jour, peut-être, où, à la suite de succès inespérés, un fébrile et contagieux agiotage, entraînant les esprits dans les voies nouvelles où le cœur et l'esprit ne pouvaient que s'étioler et se flétrir, se mit à assiéger l'autel de l'aveugle et boiteux Plutus. Mais l'expérience est un grand maître, et comme ce n'est pas d'aujourd'hui que bien des yeux ont été ouverts, bien des entreprises ruinées, bien des fortunes détruites, ce n'est pas non plus d'aujourd'hui que l'idole commence à chanceler sur sa base d'argile; fasse donc le Ciel qu'elle en soit bientôt précipitée sans retour, et puissent alors, sur ses débris, les arts et les lettres refleurir rajeunis et purifiés, sans autre distinction d'école désormais que le culte exclusif du beau, du bon et du vrai. S'il en est ainsi,

leur reine et leur compagne, la poésie, qui ne saurait être une affaire de fantaisie ou de mode, recouvrant avec eux son prestige et son influence, verra de nouveau les peuples attentifs à sa voix arborer ses nobles couleurs et lui jurer pour toujours, comme autrefois nos preux à leurs dames: obéissance, amour et fidélité.

DISCOURS DE RÉCEPTION

DE M. CHARLES DUBOIS,

AVOCAT

(Séance du 30 Novembre 1866).

En venant prendre place au milieu de vous le premier sentiment que doivent exprimer mes paroles est le regret de n'avoir pas répondu plus tôt à l'honneur de votre choix. Mais ai-je vraiment besoin d'excuses? Frappé moi-même dans mes affections les plus chères, n'ai-je pas vu le deuil public venir se mêler au deuil privé, et cette saison passée au milieu des malheurs qui assaillaient à chaque instant quelqu'un des nôtres, laissait-elle place à ces pures jouissances de l'esprit que vous m'aviez appelé à goûter au milieu de vous? Et si pendant ces jours funèbres, malgré le devoir qui, retenant quelques-uns d'entre vous au poste le plus périlleux, les éloignait de vos réu

nions, malgré le chagrin et les douleurs qui n'ont point été épargnés à quelques autres, vous avez donné un noble exemple en ne discontinuant pas vos travaux, vous me pardonnerez pourtant de ne point vous avoir abordés sous d'aussi funestes auspices et d'avoir attendu, pour vous remercier de l'honneur inespéré que vous m'avez accordé, des temps plus calmes et des jours meilleurs.

Et maintenant laissez-moi vous remercier de cette bienveillance précieuse qui m'a donné accès parmi vous, et de cet encouragement donné à des travaux si modestes qu'ils n'auraient pu constituer des titres, si votre indulgence n'en avait oublié l'insuffisance pour n'apercevoir que le but qu'ils se sont proposé et les idées qui les ont inspirés.

Si grand qu'ait été, à toute époque, le goût des occupations littéraires, dans cette cité qui, dès le XIV siècle, possédait une académie, ancêtre de la nôtre, c'est, sans doute, en ouvrant devant vous un horizon plus large que vos fondateurs ont assuré votre durée et l'éclat de votre carrière.

Vos travaux comprennent le champ tout entier des connaissances humaines, tout le domaine des sciences naturelles et des sciences morales. Les lettres vous reposent d'études plus sévères, et à ceux que vous admettez dans votre sein vous offrez à la fois la douceur des plus vives satisfactions de l'intelligence et un enseignement fécond qui ne reste étranger à aucun des progrès de l'esprit humain.

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