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refus, on la juge incapable de refuser; parce qu'elle n'a ' pas l'utile et conmode réputation d'inflexibilité on lui refuse celle d'une sage retenue; et souvent, tandis que, par une application assidue à tous les détails d'une immense gestion, elle préserve les finances des abus les plus funestes, et des impérities les plus ruineuses, elle semble se calomnier elle-même par un extérieur de facilité que l'envie de nuire a bientôt transformé en profusion.

Mais, qu'importe l'apparence, si la réalité est incontestable? Persuadera-t-on que les libéralités sont devenues excessives, lorsqu'il est constaté par le compte effectif de l'année dernière, que les pensions qui s'élevaient notoirement à 28 millions ne montent plus qu'à environ 26, et qu'elles continueront nécessairement de décroitre, chaque année, par l'exécution du réglement que sa majesté a rendu le 8 mai 1785? Refusera-t-on de reconnaître que, dans un royaume comme la France, la plus certaine, la plus grande des économies consiste à ne pas faire de fausses opérations; qu'une seule méprise en administration, une spéculation erronée, un emprunt mal calculé, un mouvement rétrograde, coûtent infiniment plus au trésor public, sans qu'on le sache > que les dépenses ostensibles dont on parle le plus, et que le titre d'administrateur économe est plutôt dû à celui dont on ne peut citer aucune opération manquée, qu'à celui qui ne s'attacherait qu'à des épargnes souvent illusoires et toujours plus avantageuses au ministre qui s'en fait un mérite, qu'à l'État dont l'utile splendeur est incompatible avec une puérile parcimonie....

Ces comptes, dressés sous deux points de vue, l'un, pour l'année 1787, l'autre, pour une année ordinaire, présentent une balance très-correcte des recettes et dé

penses annuelles; je les ai remis au roi, appuyés de soixante-trois états particuliers qui donnent les détails de tous les articles; et sa majesté, qui a bien voulu en faire une étude approfondie avec l'application qu'elle ne refuse jamais à ce qui la mérite, est à présent plus instruite que qui que ce soit ne peut l'être dans son royaume de la véritable situation de ses finances. Les résultats de cette connaissance n'ont pu lui paraitre ni douteux ni satisfaisants.

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Je dois l'avouer, et je n'ai eu garde d'en rien déguiser, le déficit annuel est très-considérable : j'en ai fait voir au roi l'origine, les progrès et les causes.

Son origine est fort ancienne. Le déficit, en France, existe depuis des siécles: ce système, en bouleversant les fortunes des particuliers, devait du moins rétablir le niveau dans les finances de l'Etat; ce but a été manqué, et même, sous l'administration économique du cardinal de Fleury, on ne l'a point atteint. Ce n'est pas l'opinion commune, mais c'est la vérité, et il est constaté par un travail fait au trésor royal sur les comptes de ce ministère, que, pendant sa durée, le déficit a toujours subsisté.

Ses progrès sont devenus effrayants sous le dernier règne. Ce déficit passait 74 millions, quand l'abbé Terray fut appelé à l'administration des finances; il était encore de 40 quand il en sortit. Cependant, par le mémoire qu'il remit au roi en 1774, accompagné d'un état des recettes et dépenses pour la même année, il n'avait porté le déficit annuel qu'à 27,800,000 liv.; mais il est reconnu et prouvé, par le compte effectif de cette même année, qu'en réalité il était alors de 40,200,000 liv.

Vers la fin de cette séance, Lafayette proposa formellement la convocation d'une Assemblée nationale. Le comte d'Artois, sur

pris, dit à Lafayette: Est-ce les états-généraux que vous demandez? Oui, monseigneur, et même mieux que cela. Eh bien ! 'dit le comte d'Artois, je vais donc vous écrire faisant la motion expresse de convoquer les états-généraux. — Je vous le demande, répliqua Lafayette; ce qui fut fait par le prince.

Le discours suivant est le dernier des quatre que Lafayette prononça pendant cette séance.

MONSEIGNEUR,

Le roi nous invite à n'indiquer des abus particuliers qu'en signant nos avis; celui que j'ai ouvert samedi dernier (13 mars), nous vaut cette permission; j'en profiterai, monseigneur, avec le zèle, l'impartialité et la liberté qui sont dans mon cœur. J'ai dit qu'il faut attaquer le monstre de l'agiotage, plutôt que de le nourrir. On croit que le gouvernement vient de donner plusieurs millions en faveur des agioteurs. Sa majesté a daigné nous assurer qu'elle ne soutient plus l'agiotage; je n'avais été que l'interprète de l'alarme publique.

J'ai proposé et propose au bureau, que sa majesté soit suppliée d'ordonner un examen sérieux, par personnes non suspectes, de tous les biens du roi pour les domaines, ainsi que des titres, des bons, des rentes, échanges ou achats qui sont ou devraient être à la chambre des comptes; de manière que sa majesté puisse connaître la valeur des dons qu'elle a faits, revenir sur les marchés onéreux qui n'ont pas été liquidés, et rompre ceux où, depuis son avénement au trône, elle aurait été lésée d'outre-moitié.

Et, pour appuyer nos craintes de quelques exemples, j'ai cité le marché de l'Orient, parce que le public a été scandalisé d'apprendre que, pour la seigneurie de l'Orient et la terre du Châtel, ne valant pas ensemble 180,000 1. de rentes, M. le prince de Guéméné ait eu la principauté de Dombes, estimés 4,000 l, de rentes,

sans compter, dit-on, 80,000 liv. payées à M. de l'Aubespine; qui en avait obtenu la concession, et la somme de 12,500,000 liv. payables en 25 ans.

J'ai cité l'échange du comté de Sancerre, parce que j'ai craint qu'il n'ait été payé huit mille arpents de bois, dont trois mille trois ou quatre cents dans le comté de Blaisois, valant à eux seuls, dit-on, le comté de Sancerre, et que le public ajoute à ces huit mille arpents un grand nombre de terres dans différentes provinces, et une grosse somme donnée à M. le baron d'Espagnac, qui en était propriétaire.

J'ai la douleur de craindre que le roi n'ait acquis, depuis son avénement au trône, pour environ 72,000 1. de rentes, dont 50 à peu près de rentes viagères, et qu'il ait accordé à cette occasion, soit comptant, soit à terme, plus de 45 millions.

Il est possible que je me trompe, mais un grand désordre suppose une grande déprédation. Je demande pourquoi les ministres des finances proposent au roi des achats et des échanges, qui, n'étant aucunement à sa convenance, ne peuvent servir qu'à la convenance des particuliers. Je pourrais peut-être demander aussi pourquoi l'on fait acheter des domaines au roi, quand on pense qu'il faut vendre ceux qu'il a. Je ne suis ni le conseil du roi, ni la chambre des comptes, ni l'administration des domaines, je ne puis donc vérifier ce que j'indique; mais mon patriotisme est alarmé, et sollicite un examen sérieux.

Et puisque l'avis ouvert, et signé par moi, doit être remis à sa majesté, je répète, avec une double confiance, ✦ la réflexion que j'ai faite et soumise à monseigneur :

c'est que les millions qu'on dissipe sont levés par impôt, et que l'impôt ne peut être justifié que par le vrai besoin de l'Etat ; c'est que tous les millions abandonnés

à la déprédation ou à la cupidité, sont le fruit des sueurs, des larmes, et peut-être du sang des peuples; et que le calcul des malheureux qu'on a fait, pour composer des sommes si légèrement prodiguées, est un calcul bien effrayant pour la justice et la bonté, que nous sayons être les sentiments naturels de sa majesté.....

N. II. (Page 7.)

Discours du conseiller au parlement de Paris, Tendeau...... 1788.

MESSIEURS,

Je me bornerai à examiner deux problèmes, dont la solution doit être la base de notre opinion unanime. Les états-généraux peuvent-ils entraîner après eux des effets si funestes, qu'on n'y doive recourir qu'avec une extrême précaution? Sont-ils nécessaires dans la position actuelle du royaume ?

Il est peu d'institutions qui aient été plus calomniées que les états-généraux. Les courtisans appellent séditieux quiconque parle des états-généraux. Les flatteurs, dont le trône est toujours entouré, n'ont cessé de répéter aux rois, que ces sortes d'assemblées tendaient à diminuer leur autorité. Des historiens modernes ont même adopté cette erreur; mais les hommes d'état l'ont toujours repoussée. Ouvrons les monuments de l'histoire, et nous verrons que les rois et les peuples ont retiré, dans tous les temps, la plus grande utilité des états. C'est à la suite de ces assemblées, convoquées et tenues comme elles doivent l'être, que les situations les plus critiques ont été améliorées, que nos plus

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