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1789.

1. Ep. Des ressentiments personnels contre la cour, ou des vues d'ambition et d'agrandissement, en déterminèrent quelques-uns; mais tous, mûs par de grands motifs, plusieurs aidés de grands talents, formèrent une sorte d'association avec laquelle la majorité ne comptait pas asscz; au lieu de chercher à les rallier par des ménagements, ou du moins par de la justice, on les aigrit par des procédés déplacés et mal calculés; ils se réunirent en assemblées secrètes, prirent des partis communs, suivirent un plan convenu; et lorsqu'enfin la majorité du clergé, se réunissant aux communes, eut constitué incontestablement la majorité des états généraux; cette minorité de l'ordre de la noblesse, pour s'y réunir, trouva des motifs plausibles, soit dans ses mandats, soit dans ses opinions, et tous dans l'impérieuse nécessité des

circonstances.

L'appel des bailliages dura trois jours, avec cette formule à chaque sénéchaussée : « Mes«< sieurs du clergé, nul ne s'est présenté. Mes«<sieurs de la noblesse, nul ne s'est présenté. » Dans la seule sénéchaussée de......, le clergé apporta ses pouvoirs; plusieurs membres du clergé vinrent ensuite privativement déposer les leurs.

La vérification des pouvoirs suivit par bureaux, se vérifiant l'un l'autre ; enfin, le 12,

l'assemblée se reconnut, et se constitua ASSEM- 1." Ép. BLÉE NATIONALE. Cette dénomination prévalut sur toutes les autres proposées; ce mot assem- 17 juin. blée nationale décida plusieurs grandes questions; il confondait d'avance tous les ordres qu'il réunissait ; il accoutumait l'opinion publique à y voir la nation assemblée; il donna un grand caractère à la masse représentative; et peut-être tout ce qui n'aurait pas été entrepris la même assemblée, sous une dénomination moins précise, fut osé, avec un titre qui rappelait continuellement son origine, sa force, ses droits.

par

Tous les partis sentirent la conséquence de cette grande démarche, et se réunirent un moment. On avait négocié vainement avec plusieurs des principaux orateurs du tiers; ceux même qui avaient assez de talents pour y diriger les résolutions, avaient peu de pouvoir sur les opinions; ils sentaient bien eux-mêmes qu'ils ne conduisaient l'assemblée que là où elle voulait aller. Parmi un grand nombre de talents éprouvés, il était inévitable que ceux que plus d'assurance, ou plus d'audace, ou plus de moyens physiques distinguaient, prissent sur les autres l'avantage de la célébrité; mais, dans la foule même, il existait beaucoup de talents muets, qui ne se condamnaient au silence que par insouciance ou par sagesse ; ceux-là ne recevaient pas l'impul

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1. Ep. sion, ils la donnaient; liés entre eux par un sentiment commun, par un véritable esprit de parti, ils distribuaient la considération, diri-. geaient l'opinion publique, et adjugeaient la faveur populaire à l'éloquence qui rendait le mieux leur pensée de là vint une émulation une ambition de popularité qui, dès que le peuple régna, lui forma souvent une cour empressée, où se trouvèrent bientôt des courtisans, des adulateurs et des favoris; mais du sein même de cet abus sortit l'ouvrage de la révolution. Cet édifice colossal devait se composer de tous les matériaux; un choix plus scrupuleux l'eût laissé à la proportion ordinaire. Cela même aussi explique comment, dans toutes les crises difficiles et décisives, cette assemblée se montra toujours à la hauteur des circonstances, et prit, avec assurance, des partis prompts, et des délibérations sages et fermes.

Des que le mot assemblée nationale fut proclamé, ses forces s'accrurent, et l'opinion générale se rattacha à elle. La lenteur de ces discussions sur la vérification des pouvoirs com. mençaient à fatiguer; dès que l'on vit un corps organisé, en état d'agir, tous les bras furent à lui.

La cour et tout ce qui s'y était rallié, essayèrent un dernier moyen, l'autorité royale, cette arme qui, dans les monarchies, ne doit être

employée qu'à coup sûr, sous peine de se briser I." Ep. dans les mains qui l'emploient.

Toutes les opinions voulaient une liberté publique, un gouvernement libre; mais les idées n'étaient point arrêtées sur telle forme déterminée. Les uns pensaient à la constitution britannique; on y voyait une expérience de plus d'un siècle : d'autres desiraient deux chambres, une commune, comme représentative et élective; l'autre, sous une forme quelconque, de sénat, de chambre des pairs, de haute-cour, et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique ; d'autres cherchaient des plans combinés des différents exemples passés ou présents: nul alors ne songeait à un gouvernement républicain; la pensée même en était repoussée dans l'assemblée, et ceux qui, dans la suite, voulurent se faire honneur des événements, s'attribuèrent ce qui était l'ouvrage des circonstances, et de la nécessité fondée sur l'utilité, ou plutôt sur le salut public.

Malgré les succès qu'avaient obtenus les communes, le plus grand nombre eût préféré des avantages acquis et certains, aux chances d'une lutte longue et orageuse. Si l'on eût pu arrêter un plan satisfaisant pour les parties intéressées, il est vraisemblable qu'il eût pu être adopté ; les ordres privilégiés commençaient à juger leur position, et eussent déja regardé comme gagné, tout ce qui n'eût pas été perdu; et les commu

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1. Ep. nes, encore un peu étonnées de la rapidité de 1789. leur marche, eussent adhéré à un ordre de

Il est

choses qui leur eût assuré tout ce qui était contenu dans leur cahier. Le conseil essaya de rédiger un plan conciliateur, que le roi dut apporter dans tout l'appareil de la puissance monarchique; cela même était une fausse mesure était-ce un lit de justice? Les états-généraux n'en connaissaient pas, et, s'ils en eussent connu, ils n'étaient plus disposés à en reconnaître. La démarche, comme message, comme offre conciliatoire, pouvait réussir; comme acte d'autorité, elle était déja au moins intempestive; mais le plan même, tel qu'il avait été conçu, rédigé et arrêté, ne subsista pas. des anecdotes qui, par leur importance, se rehaussent au ton de l'histoire. Necker avait été chargé de ce plan; il en avait arrêté la rédaction avec le roi. La veille de la séance, retiré chez lui le soir, après son travail, un page lui apporta un billet de la main du roi ; c'était un article changé ; un second et un troisième suivirent, et trois articles changeaient tout. Necker prit alors le seul parti, celui de ne pas paraître à la séance du lendemain, et de désavouer ainsi, par son absence, un plan qui n'était plus le sien. 25 juin. Cette séance ne portait déja plus l'empreinte de ce caractère auguste, de cette majesté publique qui avait distingué l'ouverture des états; une

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