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* ensuite, et en assurant, par les mesures les 1. Ep. plus sages et les plus dignes de l'approbation de 1789. « sa majesté, la subsistance de ses sujets dans

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<<< toutes les parties du royaume ».

Un murmure général, suivi d'un profond silence, fut le premier effet de cette démarche inconsidérée ; elle fut dénoncée comme insidieuse, et tendante à détourner l'assemblée de sa constitution: enfin, après une courte et vive délibération, l'arrêté en réponse à celui du clergé fut rédigé et porté immédiatement. « Pénétrés « des mêmes devoirs que vous, touchés jusqu'aux larmes des malheurs publics, nous « vous prions, nous vous conjurons de vous << réunir à nous à l'instant même, dans la salle « commune, pour aviser aux moyens de remé«dier à ces malheurs. » Les spectateurs mêmes firent entendre leurs instances, pour que cet arrêté fût à l'instant porté au clergé, dont la réponse fut « qu'il allait s'occuper sérieusement « de la proposition de messieurs du tiers-état. »

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Cette démarche du clergé, qui fut la suite ou d'un faux calcul qui crut embarrasser les députés des communes, ou d'une intention plus condamnable, de déverser sur eux le mécontentement du peuple, ne remplit aucun de ces objets, et influa sur la sévérité avec laquelle le clergé fut traité peu de temps après. Le ressentiment des grands corps est implacable, parce qu'aucun

1. Ep. individu n'ose séparer hautement son opinion de 1789. l'opinion publique.

Pièces j.

Le dernier arrêté de la chambre de la noblesse annonçant sa résolution de maintenir les vérifications par ordre, les communes refusèrent de s'occuper davantage du projet de conciliation proposé par les commissaires du roi, et dirent qu'un plan de conciliation, rejeté par une des parties, rendait inutile la délibération des autres. so juin. Dans cet état de choses, Sieyes fit un discours où il développa les motifs de la conduite des communes, la mit en opposition avec celle des deux autres ordres, conclut que rien n'était plus instant pour l'assemblée que la vérification des pouvoirs, seul moyen pour parvenir à se constituer, et finit par proposer de sommer, par une députation, le clergé et la noblesse de se rendre immédiatement à l'appel des bailliages qui allait se faire, pour procéder de suite à la vérification, et donner défaut contre les non-comparants.

(5).

C'était couper le noud; mais, depuis longtemps, on essayait en vain de le dénouer, et le noeud était tissu depuis si longtemps, que ceux même qui le conservaient en avaient perdu le secret. La motion de Sieyes fut accueillie, et, avec quelques amendements, passa; on adoucit le mot de sommation par celui d'invitation ; au lieu de donner défaut, on substitua procéder, tant en présence qu'en l'absence des députés. On

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1789.

arrêta une adresse au roi, relative à la circons- I. Ep. tance, et l'arrêté fut pris et rédigé séance tenante, et porté le lendemain aux deux premiers ordres, dans ces termes: . . . . « Messieurs, nous « sommes chargés, au nom des communes de France, de vous prévenir qu'ils ne peuvent « différer plus longtemps de satisfaire à l'obligation imposée à tous les représentants de la << nation. Il est temps que ceux qui annoncent «< cette qualité se reconnaissent par une vérifi<<< cation commune de leurs pouvoirs, et com<< mencent enfin à s'occuper de l'intérêt national, qui seul, à l'exclusion des intérêts particuliers, << se présente comme le grand but auquel tous « les députés doivent tendre d'un commun effort. «En conséquence, et dans la nécessité où sont << tous les représentants de la nation de se mettre << en activité sans délai, les députés des com<«<munes vous prient de nouveau, messieurs, et << leur devoir leur prescrit de vous faire une << dernière invitation, tant collectivement qu'in<«<dividuellement, de venir dans la salle des <«< états, pour assister, concourir et vous sou<< mettre, comme eux, à la vérification des pou<< voirs. Nous sommes en même temps chargés ✩ de vous déclarer que l'appel général de tous << les bailliages convoqués se fera dans le jour; <«<et que, faute de se présenter, il sera procédé << à cette vérification, tant en l'absence qu'en

1." Ép. « présence des députés des classes privilégiées. 1789. Cette mesure imposante était d'autant plus sûre,

que les communes avaient de nombreux partisans dans l'ordre du clergé, et plusieurs dans celui de la noblesse; tout ceux qui, répondant à l'invitation individuelle, se déterminaient à faire vérifier leurs pouvoirs, se fermaient le retour dans la chambre de leur ordre, se réunissaient de fait aux communes, et formaient ainsi une minorité dissidante: tel était l'effet inévitable de la trop grande importance que l'on avait laissé attacher à la vérification commune; à force de répéter qu'elle décidait la question, elle la décida. En vain, pendant la discussion, des députations des deux ordres vinrent prévenir qu'ils s'occupaient de leur réponse à l'invitation du tiers: ces condescendances tardives réussissent peu en affaire publique, où l'opinion, une fois établie, revient rarement sur ses pas le doyen du tiers répondit également à l'un et à l'autre, qu'ils étaient attendus dans la salle commune. L'appel par bailliage, indiqué dans le jour, commença à sept heures du soir, et

continua séance tenante.

Depuis longtemps, les deux ordres étaient dans un état de scission intérieure, qui gênait nécessairement la liberté de leur démarche. Dans celui du clergé, les curés formaient une grande majorité; il y siégeait environ soixante

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17 9.

évêques; les grands bénéficiers s'étaient ralliés I." Eps eux ; mais tout ce qu'on appelait le bas clergé avait d'anciens griefs de corps, et des ressentiments personnels. Dans la hiérarchie ecclésiastique, il s'était introduit une suprématie de rangs et de naissance, qui n'était pas dans l'esprit de l'église, et qui laissait rarement les premières dignités de l'épiscopat à ceux qui n'étaient pas nés nobles, ou tenants à la cour. Les ordres monastiques avaient, depuis longtemps, séparé leur cause et leur intérêt, de celui du clergé. Le nouvel ordre de choses qui s'annonçait, promettait une plus égale répartition des biens et des titres; un assez grand nombre d'évêques avaient réussi à se faire nommer dans les assemblées de bailliages; mais, se trouvant en force dans leur assemblée, ils comptèrent trop sur leur nombre, et ne ménagèrent pas assez ceux dont ils crurent pouvoir se passer. Lorsque la scission se fit, les évêques se trouvèrent rester en minorité dans leur chambre.

Dans celle de la noblesse, la dissidence était beaucoup moins nombreuse; les divers essais qu'avaient produit l'appel des députés dans les opinions, n'avaient jamais compté qu'environ cinquante voix en faveur des questions populaires c'était, ou ceux qu'une opinion réflé: chie décidait, ou ceux que des opinions politiques avaient, depuis longtemps, décidé.

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