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gué que ceux qui voulaient maintenir la loi, III. Ep. eussent à passer d'un même côté. Plus de la 1790. moitié resta. La reine, par un propos inconsidéré, donna peut-être l'idée de ce mouvement: << Le peuple est las d'émeute, dit-elle un jour à Lafayette.» Et un peu d'ironie se mêlait à son accent. Ceux qui entendirent ce mot, purent croire nécessaire de la détromper. Dès le jour même, le département convoqua le grand conseil de la commune, et les sections durent délibérer s'il convenait de prier le roi de suivre son projet de voyage, ou le remercier de sa résolution d'y renoncer. Cette fois le peuple agit en souverain. Toutes les sections dirent qu'il n'y avait lieu à délibérer.

pas

Le roi se rendit à l'assemblée; et, dans un dis- 20 avrit. cours plein de dignité et de raisonnement, montra combien il importait à la constitution que ses sanctions et acceptations portassent un caractère non équivoque de liberté. Il renouvela ses assurances d'attachement à la liberté publique et à la constitution, «dont la constitution civile du clergé, dit-il, fait partie. » Cette phrase dut être remarquée. Ni le caractère de Louis XVI, ni les événements qui suivirent, ne peuvent donner quelque certitude sur ses pensées antérieures à cette époque, ni s'il méditait déja, et s'il ne voulait que mieux cacher, son évasion. On peut croire seulement que s'il eût eu une politique assez

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111. Ep; exercée pour couvrir avec une si profonde dissi mulation ses projets ultérieurs, sous les apparences de la franchise et de la bonne foi, il eût dû retrouver en lui cette même science, pour se conduire dans les circonstances qui suivirent, et qu'il ne sut jamais ni diriger, ni tourner à son avantage, quoiqu'il en eût souvent l'occasion.

Lafayette donna sa démission, et ne la retira que sur les instances, prévues sans doute, mais réitérées, des députations de chaque bataillon. Ce voyage avait pour objet un motif de conscience le roi voulait faire ses Pâques, par le ministère d'un prêtre non sermenté : « Si la conscience de votre majesté, lui dit Lafayette, est engagée, je respecte la liberté des cultes, et nous périrons, s'il le faut, pour la mainte nir; mais daignez me dire que cet acte est un point de religion pour vous, cette considération seule doit l'emporter sur tout..... » Le roi hésita; dès-lors, un autre motif, quel qu'il pût être, ne parut plus suffisant pour risquer un grand mouvement, que la fermentation du moment rendait probable.

Le lendemain, la municipalité fit une députation au roi. Le maire, dans son discours, lui dit : « Nous vous prions, sire, d'éloigner de vous ces hommes qui, sous l'apparence de l'attachement, trompent votre ame franche et loyale, et l'envis

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ronnent de piéges. » Il lui parla des inquiétudes III..Ep du peuple : « C'est à vous, dit le roi, à le tranquilliser et à le rassurer; c'est votre premier devoir, vous que le peuple a élu. » Le maire insista; et l'humeur brusque et sévère que le roi mit dans sa réplique, portait un caractère de vérité, que la dissimulation imite difficilement dans les mouvements de l'ame, prompts et non prévus. Enfin, peu de jours après, le roi fit écrire, par le ministre Montmorin, une lettre circulaire à tous les ministres dans les cours étrangères, pour y manifester son adhésion à la constitution. Il avait perdu, peu de jours avant, l'homme qui, s'il eût vécu, eût pu lui devenir utile et à la chose publique, Mirabeau. Depuis longtemps sa santé s'usait, par tous les excès et par celui du travail. Les derniers moments de la vie de l'homme, où les jugements de la raison l'emportent sur les passions et sur les opinions, lui avaient montré, qu'avec de grands talents, l'immoralité est une faute de conduite; et, fatigué deş succès balancés d'une popularité achetée ou vendue, et toujours disputée, il pensait que, dans les circonstances d'alors, la liberté publique de son pays n'était compatible qu'avec une monarchie bien ordonnée, et limitée par une constitution assurée. Il avait tourné ses pensées vers ce but. Le besoin de l'estime publique lui faisait dire, le jour de sa mort : « Il vaut mieux pour Pièces j、

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11. Ep. moi que je meure cette année, que l'année précédente; et j'ose croire qu'il eût mieux valu pour la France, que je vécusse un année de plus. » Il finit avec calme, et le peuple lui donna de véritables regrets. Son corps fut porté à la nouvelle église de Sainte-Geneviève, qu'un décret destina à la sépulture des grands hommes, sous la dénomination de Panthéon. L'assemblée assista à sa pompe funèbre; et l'on remarque assez juste qu'il n'y manqua que la douleur. Toutes les ambitions le craignaient. On ne manqua pas de parler de poison. Son corps, qui fut ouvert, n'en donna aucun signe. On honora sa mémoire, en plaçant son buste à l'Hôtel-deville, et on changea le nom de la rue où il habitait, pour lui donner le sien. Ses funérailles furent acquittées aux frais publics. Les travaux dé l'assemblée se ressentirent quelquefois de son absence, dans leur esprit et dans leur forme; mais leur marche semblait se hâter, approchant du terme. Les inquiétudes du dehors y contribuaient aussi. La diète de Ratisbonne s'occupait toujours des réclamations des princes Allemands possessionnés en Alsace. On imprima une fausse déclaration de la diete. Il fallut qu'une lettre du ministre Montmorin démentit et tranquillisât. On prévoyait assez la guerre; mais on voulait avoir terminé l'ouvrage commencé. On se hâta donc de mettre la dernière main aux objets qui

restaient. Tous les ambassadeurs où ministres. III. Ep. avaient prêté le serment civique, excepté Bom- 1790. belle à Venise, et le cardinal de Bernis, dont la vieillesse était honorée à Rome, et dont les talents distingués honoraient la place qu'il occupait. Il mit une légère restriction, qui ne fut point acceptée; il ne voulut point la retirer, et l'un et l'autre furent rappelés.

On régla d'abord les finances, et on fit pour 66 millions de liquidations d'offices. On s'occupa de régler la régence, qui fut attribuée au plus proche parent mâle; et, en cas de défaut de proche en proche, rendue élective. La garde de tutelle de l'héritier présomptif mineur fut attribuée à la reine - mère. On régla la garde constitutionnelle du roi, qui fut fixée à douze cents hommes de pied, et six cents à cheval. On -régla la résidence du roi près le corps législatif, pendant ses sessions. On décréta son inviolabilité, qui fut reconnue absolue, sauf l'absence hors du royaume, qui entraîna déchéance, après la troisième sommation du corps législatif.

Tous ces articles suscitèrent de vives discus-sions qui dégénèrent souvent en agitations tumultueuses. On régla aussi l'ordre des successions, qui établit un partage égal entre les enfants. On vit dans cette discussion un exemple honorable de l'estime et de la considération obtenue par le talent, et accordée par l'opinion publique.

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