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III. Ep. pour qui l'état de révolution n'est qu'un moyen 1790. inévitable d'arriver à un ordre de choses meil

leur. L'esprit de liberté publique s'étendait déja
en Europe; on voulut trop hâter ses progrès,
qui ne sont jamais durables, quand ils sont
trop rapides. Les maîtres des nations, avertis,
prennent leurs mesures; et l'esprit public com-
primé, n'a plus le temps de mûrir en silence.
Cet esprit de liberté, mesuré, se répandait
partout les
: pays héréditaires de l'empereur,
dans la Flandre et le Brabant, disputajent
encore leur liberté; Liége avait renvoyé son
prince évêque, et se soutenait avec énergie
contre les menaces des puissances voisinés; la
Hongrie, fatiguée de l'oppression du dernier
empereur, avait donné quelques symptômes du
desir de secouer le joug. En Angleterre même,
le lord Stanhope avait fait une motion en fa-
veur de la révolution de France; mais tous ces
moyens furent hâtés par l'impatience de jouir.
On fut jaloux du temps; la déclaration des droits
fut imprimée sur plusieurs milliers de mou-
choirs, et vendue à la foire de Francfort. Les
écrivains révolutionnaires de France étaient mon-
tés à un ton de chaleur et d'expression qui ne
gardait aucun ménagement avec les autorités
établies. Un nouveau club s'était formé, sous le
nom de club de 89; quoiqu'il semblât rivaliser
avec les jacobins, il alarma plus qu'eux. Il fut

dénoncé

dénoncé comme une propagande révolutionnaire; et malgré sa modération qui allait souvent jusqu'à la nullité, il usurpa longtemps cette réputation qu'il était loin de mériter.

Les ministres, depuis longtemps poursuivis dans l'assemblée, ensuite dénoncés formellement par la commune de Paris, donnèrent enfin leur démission. Leur remplacement sembla une conquête de la liberté; on vit un avocat, Duport Dutertre, devenir garde-dessceaux; un simple officier du génie fut ministre de la guerre. Ces exemples moins récents, qu'ils ne le paraissaient, avaient déja été donnés en France : l'Hopital„ fils d'un médecin, avait été chancelier; Colbert et la plupart des ministres de Louis XIV n'étaient que des hommes de mérite; plus de la moitié des officiers-généraux de ses armées, ne portaient point des noms connus avant eux. Mais tout le règne précé dent avait fait oublier ces honorables exemples, et qui n'étaient que tombés abusivement en désuétude.

Les nouveaux ministres furent d'abord mis à l'épreuve. Depuis assez longtemps, ce qu'on appelait la constitution civile du clergé, était à la sanction du roi, et n'avait pas été renvoyé au corps législatif avec cette sanction; Louis XVI, par des motifs de conscience, plus encore que de politique, avait desiré obtenir, Tome I.

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III. Ep!

1790..

e

III. Ep. préalablement à sa sanction, celle du pape; 1790. c'était même un moyen de lever plusieurs ob(1). ́stacles dans l'intérieur, soit comme scrupules,

Pièces j.

soit comme prétexte. Le roi pressé par deux messages consécutifs, donna enfin cette sanction; et des politiques habiles pensèrent qu'il avait moins été pressé par ceux qui ne voulaient point admettre cette suprématie du SaintSiége, que par ceux qui ne voulaient pas se priver de ce défaut apparent de formalité, pour s'en servir comme d'un moyen de troubles et d'opposition. Plusieurs membres ecclésiastiques de l'assemblée prêtèrent librement le serment demandé. Peu de jours après, l'on commit la faute de faire de ce serment, une loi.

On décréta que tous les fonctionnaires publics ecclésiastiques qui refuseraient de prêter le serment de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse ou du diocèse qui leur est confié; 27 nov. d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi

et de maintenir, de tout leur pouvoir, la constitution décrétée par l'assemblée nationale et acceptée par le roi, seraient privés de leur emploi. On donna huit jours de délai à ceux qui étaient dans leur diocèse; un mois, aux absents en France; et deux mois, aux absents chez 27 déc. l'étranger. Un mois après ce décret, Grégoire, curé, fit un discours, où cherchant à lever les scrupules et à rassurer les con

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1790.

sciences; il établit le serment comme très- III.• Ep: compatible avec la discipline de l'église; donnant l'exemple, il prononça le serment, et fut suivi par soixante de ses collégues. Grégoire était un jeune prêtre; il n'était que vi-caire d'une paroisse de campagne, lors de sa nomination, et marqua déja, au commencement des états-généraux, dans la chambre du clergé, et lors de la scission de cet ordre. D'un zèle ardent, de mœurs irréprochables, d'un esprit vif et constant dans ses principes et dans sa conduite, l'épiscopat dont il fut bientôt après revêtu, ne lui fut même pas reproché comme but de son ambition. Il se crut toujours également obligé, comme citoyen et comme prêtre; mais plusieurs de ceux qui s'étaient fixés au parti populaire, et entre autres tous ceux qui prêtèrent le serment, ce jour-là, sentirent qu'ils avaient fait une sorte de schisme civil et temporel; et n'ayant plus rien à attendre de leur corps, ils pressèrent la mesure impolitique d'un serment obligé, qui les réunissait aux dissidents, ou qui les mettait dans leurs places, en cas de refus. Peu de temps 4 janv. après, on prit enfin le décret qui obligeait 1791. tous les membres ecclésiastiques de se

prononcer immédiatement à la tribune, et de faire ou de refuser le serment, séance tenante!

Cette résolution fut combattue par beaucoup

111. Ep. d'esprits sages qui, en prévoyant les suites et les 1790. motifs, s'y opposèrent inutilement: « Moi, que

l'on ne soupçonnera pas prétendre à devenir
évêque, dit Mirabeau, je demande que la pro-
position soit ajournée et examinée de nouveau.»
C'était gagner du temps,
temps, c'était tout; mais
l'élan était pris; et les principes de l'assem-
blée étaient de ne reculer jamais; on procéda
donc à l'appel nominal. L'évêque d'Agen, Bo-
nac, fut appelé le premier, et d'une voix mo-
dérée, mais assurée, il dit : « C'est avec une
douleur profonde, Messieurs, que je me vois

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obligé d'obéir à ma conscience qui me défend « d'obéir à un de vos décrets: la loi prive de « son emploi, ceux qui refuseront de prêter le « serment qu'elle prescrit; je renonce, sans « regret, à ma fortune et à ma place; je pré« fère conserver votre estime, en vous décla rant que je ne puis prêter un serment que n'approuvent point mes principes.

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Tout acte de dévouement et de désintéressement en impose toujours aux hommes rassemblés, et les force au respect. Le côté gauche et les tribunes restèrent en silence; et le côté droit retentit d'applaudissements.

Il était aisé de prévoir quel en serait l'effet dans une assemblée nombreuse et divisée. Un curé du diocèse d'Agen fut appelé et dit : « Je suivrai partout mon évêque comme Laurent.»

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