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1787-88.

petite, indépendamment de toutes les ins- Intrad. titutions politiques; c'est la hiérarchie des talents, des lumières, des facultés, des richesses. L'ordre des hommes éclairés, ou des hommes riches en propriétés foncières ou industrielles, formera toujours un ordre habituellement prépondérant. Il n'en est pas de même des hiérarchies natives ou d'institutions sociales: celles-là sont de convention, tout au plus de convenances; elles subsistent autant que les convenances; mais dès que celles-ci cessent ou changent, il faut que les institutions politiques changent aussi. Le tribunat, dans Rome, arriva à son heure.

Les assemblées de bailliages furent assez paisibles; les élections se firent selon le mode prescrit; les partis opposés au systême admis, n'espérant plus l'emporter, ne songèrent qu'à empêcher. La cour et les parlements étaient les seuls opposants actifs; mais ils n'étaient pas encore réunis entre eux: le haut clergé se rallia aux parlements,

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Introd. et la cour chercha à rallier à elle cette noblesse qu'elle avait négligée. Les parlements ne voulaient point d'états-généraux ; ils sentaient que leur existence et celle des assemblées nationales étaient incompatibles : la cour espérait encore se servir des états, les diriger, les mener à son gré et à son but; et ce but était d'abord de neutraliser les parlements, en les réduisant aux fonctions judiciaires; ensuite d'opposer les ordres l'un à l'autre, de les fatiguer d'embarras et de lenteurs; enfin, d'en tirer des subsides, et de renvoyer ensuite les députés chez eux, lassés de leur séjour et de leur absence.

Necker, alors premier ministre sans en avoir le titre, était l'objet de l'animadversion commune des deux partis; ils étaient d'accord pour le détruire, avec ce qu'ils. affectaient de regarder comme son ouvrage: on corrompoit les premiers agents de ses bureaux ; on lui suscitait chaque jour des nouveaux embarras; on défaisait, dans un soupé, ce qu'il avait arrangé a ns le con

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seil; tous les petits ressorts des intrigues de Introd petites sociétés, et alors la cour en était une; toutes ces manœuvres, toute cette tactique de cour qui ne fait jamais de grandes choses, mais qui possède l'art de les empêcher par de petits moyens, tout était mis en œuvre, et lui-même se prêtait à ce genre de lutte, en le dédaignant trop.

Cet homme, qui a succombé et survécu deux fois à sa réputation, ne sera bien connu que de ses amis et de la postérité. Né avec du génie et du caractère, la nature ne les a pas mis en équilibre en temps utile: dans les conceptions du cabinet, son caractère s'élevait à la hauteur de son génie, et ses projets, ses plans d'exécution sortaient tout armés de son cerveau; mais, dans la pratique, son caractère n'était plus au niveau de son génie. Trop au dessus des détails, comptant trop peu avec les moyens de la méchanceté, et comptant trop sur la supériorité due à la vérité et à la vertu, il crut devoir conduire les affaires publiques comme

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Introd. un particulier probe peut conduire les siennes, s'abandonnant au cours de la justice divine, et laissant à la fortune son injustice et ses torts. Il oublia, ou il dédaigna trop de savoir, › que l'homme public doit au bien public, même le sacrifice de ses principes personnels; qu'il faut quelquefois combattre la perversité humaine avec ses propres armes; et que tous les moyens nécessaires de la véritable prospérité publique s'ennoblissent et sont légitimés par le succès.

Il voulut, il entreprit tout le bien qu'il pouvait faire; mais il se laissa empêcher de terminer son ouvrage.

Les députés arrivaient, et les intrigues redoublèrent d'activité. La cour crut avoir beaucoup gagné en fixant le lieu des séances à Versailles; et effectivement, cette détermination aurait pu influer sur les événements, si l'on eût su mettre ce petit avantage à profit; mais on n'eut pas même l'adresse de s'entendre pour réunir ses

moyens chacun se disputa les chefs, ou ceux qui semblaient annoncer de la prééminence par leurs talents; mais on ne daignait pas même leur sauver l'embarras de la séduction; on semblait leur dire qu'ils étaient trop heureux qu'on les estimât valoir la peine d'être gagnés. Les uns s'y laissèrent prendre, et furent dépopularisés ; les autres furent obligés de se donner à l'excès opposé, pour éviter de l'être; on souleya contre tous la jalousie et dès-lors se forma cette masse réfractaire à toute influence extérieure, qui, distribuant ou retirant à son grẻ la popularité à ses orateurs, les employa à son service, et les tint toujours à ses ordres, se laissant conduire par eux, là seulement où elle voulait aller.

La cour était déja divisée en plusieurs partis; le roi seul n'en avait pas : sa femme voulait régner et gouverner par lui et sans lui; ses frères avaient, ou plutôt suivaient des vues différentes, dirigés par ceux qui formaient leur cour. Orléans songeait déja

Introd.

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