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III. Ep. dispositions et aux mouvements de 50,000 hommes sous les armes : les travaux qu'exigeait cet appareil ne pouvant être achevés par 12,000 ouvriers qui y étaient employés, on vit d'abord des citoyens s'y joindre volontairement, ensuite l'enthousiasme se communiquant, on vit tous les corps civils ou militaires s'y rendre avec ordre aux heures indiquées; les curieux qu'attirait le spectacle, se mêlant bientôt aux travailleurs, on voyait les voitures chargées et traînées par les femmes les plus élégamment vêtues; les prêtres, les religieux, les citoyens les plus riches maniaient les instruments de travail, et tous les jours 100,000 ouvriers de tous les états de la société, donnaient le spectacle d'un atelier immense mêlé de chants, de danses et d'instruments militaires. Des préparatifs d'une plus haute importance se disposaient en même temps, au sein de l'assemblée; tout ce qui pouvait frapper l'esprit et y laisser de grands souvenirs; une députation de l'uni(9). vers, car c'est ainsi qu'il fallut signaler une réunion d'étrangers de toutes les parties du monde, se présenta à la barre avec la variété de costumes et de personnages, faite pour attirer l'attention: elle y venait, au nom du genre humain, remercier l'assemblée des principes de liberté publique et générale qu'avaient manifestés ses décrets. Toute nation, est composée

Pièces.

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d'une portion peu nombreuse d'hommes savants III.• Ep: et éclairés, chez qui l'opinion est toujours le résultat de la pensée et de l'expérience; l'autre grande partie de la nation reçoit plus immédiatement ses idées par leurs sens et par leurs organes extérieurs, et c'est pour elle que le législateur doit travailler. La même séance était des- 19juin tinée à de grands événements, et l'émotion des esprits lesy avait préparés; Lameth se leva et dit que le jour de la fédération ne devait pas voir des symboles de servitude consacrés par des monuments publics, et proposa d'ôter les figures enchaînées qui représentaient quatre nations vaincues, au pied de la statue de Louis XIV. Alors une voix s'élevant parmi les acclamations, dit qu'il ne suffisait pas d'abattre les monuments en bronze de l'orgueil, qu'il fallait détruire ces monuments vivants et subsistants sous ces titres fastueux de duc, de comte, de marquis. Charles Lameth et Lafayette, se levant ensemble, demandèrent la parole; elle resta au premier qui, donnant un développement à la proposition faite, conclut à la suppression de tous les titres; Lafayette l'appuya, comme une conséquence nécessaire de la constitution déja décrétée; un membre du côté opposé s'écria :

«

Que mettrez-vous à la place de ce titre, un «<tel fait noble et comte pour avoir sauvé l'état << un tel jour? On dira simplement, répliqua

111.• Ep. «

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Lafayette, un tel a sauvé l'état un tel jour. » Il y avait déja de la grandeur et de l'éloquence lacédémonienné dans cette répartie Maury défendit les titres, et le jeune Mathieu Montmorency réfuta son opinion; enfin le décret comprit la suppression des titres, armoiries, livrées, droits honorifiques; et, comme les décrets de la nuit du 4 août commençaient par ces mots, le régime féodal est aboli, le préambule du décret porta la suppression de la no

blesse héréditaire. Ainsi tomba en une nuit et devant une seule séance, cet antique échafaud, derrière lequel s'étaient élevés tant de monuments de grandeur vraie ou fausse, mais que l'opinion des siécles semblait avoir consacrés. Il y eut peu d'opposition, parce qu'il y eut beaucoup d'intérêts flattés ou satisfaits: le clergé vit avec espoir la noblesse associée à ses pertes, la chose publique y gagna, surtout de rattacher à la révolution les dix-neuf vingtièmes de la nation par un lien plus fort que tous ceux de l'intérêt et de la politique. On essaya de conserver aux princes de la famille régnante le titre de seigneurs; mais Lafayette s'y opposa avec le même esprit de vraie liberté qui lui avait dicté sa première opinion. On eut encore à régler avec la formule du serment que devait prononcer le roi, plusieurs détails du cérémonial: il fut décidé que dans toutes les cérémo

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nies publiques, le président siégerait à la droite in. Ep: du roi; que le commandement de la fédération serait déféré au roi, avec invitation de nommer les officiers qui la dirigeraient sous ses ordres. On lui remit aussi le soin de placer convenablement sa famille.

La formule du serment que le roi devait prononcer fut réglée en ces termes :

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«Moi, citoyen, roi des Français, je jure å la nation d'employer tout le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'état, «à maintenir la constitution, et à faire exécu<<< ter les lois. »

Les députations de fédérés arrivaient de toutes les parties de la France; ils remplissaient, tous les jours, les tribunes de la salle nationale. On mit, pour eux, à la discussion,' les lois militaires et l'organisation constitutionhelle de l'armée. La veille du jour destiné à la fédération, une députation nombreuse des fédérés se rendit chez le roi. Lafayette portá la parole, et cette phrase remarquable termina son discours : « Les gardes nationales jurent à «votre majesté une obéissance qui ne connaî<< tra de bornes que la loi. » La réponse du roi était très-mesurée ét affectueuse : « Redites à vos concitoyens que j'aurais voulu leur parler à tous, comme je vous parle ici; redites-leur que leur roi est leur père, leur frère, leur ami.... qu'il

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III. Ep. ne peut être heureux que de leur bonheur, grand, que de leur gloire, riche, que de leur propriété, souffrant, que de leurs maux. » Il finissait par annoncer son vœu de visiter toutes les parties de la France avec sa famille.

14 juill

Le lendemain, dès l'aube du jour, le canon annonça la solennité; pendant la nuit, la garde nationale parisienne avait été prendre ses postes ;. et, comme chargée de la police publique, elle formait une haie double dans l'enceinte du Champ-de-Mars. Vers les dix heures, l'assemblée partit du lieu de ses séances, et marcha sur une file double, sur quatre de front, ayant à sa tête, le président et les secrétaires, précédés des huissiers. La municipalité l'attendait au sortir du jardin des Tuileries, et la précéda; les fédérés, réunis chacun sous la bannière de son département, escortèrent l'assemblée. Elle s'avança, dans cet ordre, le long du quai qui borde la Seine. Des salves d'artillerie annoncèrent son entrée au Champ-de-Mars, qui fut nommé depuis le Champ de la Fédération. Les deux files se partagèrent en dépassant l'autel; et, parvenus à la galerie, les membres de l'assemblée montèrent les degrés qui conduisaient aux places qui leur étaient préparées; plus de trois heures furent employées à faire arriver et placer les différents corps formant la fédération de chaque département. Pendant ce temps,

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