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Introd. de la révolution, ce systême de cour prévalant toujours dans le conseil, causer par ses fausses mesures tous les malheurs qu'elle a trop expiés pour lui en faire le juste reproche.

Le roi, étranger aux intrigues, aux amusements, aux partis, n'y était presque compté pour rien; on se passait de lui, volontiers partout où son nom n'était pas absolument nécessaire; il était seul, isolé dans sa famille et dans sa cour; peu confiant, peu communicatif par caractère, mais ayant l'esprit assez juste pour sentir qu'il lui était difficile de bien placer sa confiance autour de lui; dans toutes les crises difficiles, pas une tête forte capable de donner un avis sage et ferme; ceux qui l'auraient connaissant la faiblesse d'exécution et la variabilité des principes, n'osaient rien prendre sur eux, craignant l'événement; à l'incertitude de conduite se joignaient lesintérêts opposés des partis qui commençaient à se former dans l'ombre, et dont les chefs mêmes

pu,

mêmes n'étaient pas toujours dans le secret ; le systême dominant était une fausse politique qui se croyait en état de combattre ses ennemis l'un par l'autre, et de rester debout sur leurs ruines. Le gouvernement s'était toujours tenu si éloigné du peuple, qu'il n'avait aucune idée juste de sa force et de ses moyens le long intervalle de temps qui s'était écoulé depuis les derniers étatsgénéraux rassurait sur l'exercice de leur pouvoir; on se flattait de gouverner des députés qui connoissaient à peine ce qu'avaient été leurs derniers prédécesseurs; la légèreté, le goût des plaisirs, faisaient préférer l'imprévoyance qui ôte l'inquiétude, à cette triste sagesse qui s'occupe du danger avant qu'il existe ; et, pour n'avoir à s'inquiéter de rien, on prenait le parti de ne croire à rien, afin de se dispenser de pourvoir à tout; lorsque la certitude arrivait, c'était une chose appartenant au passé, et l'on semblait s'applaudir d'avoir gagné un jour sur la destinée. Le jour même où la Bastille

Tome I.

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Introd.

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Introd. fut assaillie et prise, tandis qu'une députation des états-généraux venait agiter le repos du monarque, l'intendant de Paris était dans la chambre, en bottes et le fouet à la main, assurant que tout était tranquille.

Cette insouciance, cette imprudence aveugle, étaient en opposition avec un plau vaste, mûrement combiné et réfléchi, ou plutôt avec un intérêt devenu national, qui, sans s'être fait un systême arrêté et convenu, avait résolu la liberté, ou même une liberté quelle qu'elle fût, on ne la pensait pas, on la sentait, on la voulait. C'est peut-être à cette idée vague et indéterminée de liberté qu'il faut attribuer tous les excès qui l'ont accompagnée; ne sachant pas précisément où l'on voulait aller, on ne se croyait jamais arrivé; ne s'étant pas proposé un but fixe et désigné d'avance, on se trouva audelà sans s'apercevoir qu'on l'avait dépassé ; et ceux qui, dans la suite, réduisirent l'exa gération en systême, et, n'espérant plus

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pouvoir arrêter le char révolutionnaire dans Introd. sa course, s'efforcèrent de le renverser en

le poussant à outrance, n'eurent que trop de facilité: s'ils ne réussirent pas, c'est que l'élan pris était tel, qu'il put suffire à toutes les secousses. On ne fit que reculer le but en le faisant dépasser l'esprit public le reporta toujours au-delà du point où il se trouvait arrêté.

Après la retraite du cardinal- ministre, Necker se trouva à la tête des affaires, et seul chargé de tout leur poids. On attendait toujours l'acte de convocation des étatsgénéraux, il devait décider leur forme, par le mode de représentation qui serait indiqué. L'importance que l'on attacha à la double représentation du tiers, lui en donna peut-être beaucoup; car les hommes s'accoutument à regarder comme décisif ce qu'on leur présente comme très-important; à force de leur dire qu'un événement ou qu'une institution nouvelle changera entièrement l'ordre établi, ils le regardent

Introd. comme changé dès que l'événement est l'institution est admise : c'est

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arrivé, ou que
un incident du procès, que l'on assure en-
traîner le jugement du fond; dès que l'inci-
dent est gagné, le fond est censé jugé. La
double représentation du tiers n'était rien
sans la réunion des ordres; et cependant,
dès que la double représentation fut déci-
dée, le parti opposé se plaignit si haut que
tout était perdu, que l'autre parti dut croire
que tout était gagné ; la confiance de l'un
s'accrut du découragement de l'autre.

Cette forme de convocation était sans doute une nouveauté; mais tout est successivement nouveauté dans les gouvernements: l'admission du tiers en fut une au quatorzième siècle; et les temps étaient arrivés au dix-huitième, où le peuple, la nation, le grand Tout, devait prendre sa place. Telle était l'opinion établie, quesi un arrêté du conseil ne la lui eût pas donnée, il l'aurait prise.

Il est une hiérarchie naturelle qui s'établira toujours dans une nation grande ou

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