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II. Ep. l'ordre du jour les questions les plus décisives et les plus délicates. On changea d'abord la forme de la procédure criminelle. Ce point était doublement important; il y avait à juger, et les accusés de délits contre-révolutionnaires, et les accusés de délits révolutionnaires. Pour surveiller le jugement des premiers, et assurer le jugement des seconds, on prit une mesure sage et humaine dans tous les temps. En attendant l'institution des jurés, on ordonna la publicité de la procédure; on accorda des défenseurs officieux aux accusés; on donna aux juges des adjoints, sous le nom de notables, et les opinions politiques du parlement de Paris s'étant prononcées peu favorables au nouvel ordre de choses, on attribua au Châtelet la connaissance et le jugement de tous les délits occasionnés par les événements de la révolution. Un des plus remarquables, et par le personnage accusé, et par le genre d'accusation, fut le général Bezenval, Suisse de nation et commandant les Suisses de la garde. Parmi les papiers dispersés au moment de la prise de la Bastille, on avait trouvé un billet de lui au gouverneur de ce château; le billet portait ces mots : « Défendez-vous, vous aurez du « secours. » Un premier jugement l'acquitta; mais sur le rapport du comité des recherches, son élargissement fut ajourné; il resta encore longtemps sous le poids d'un jugement qui

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enfin le mit en liberté, après une année de pri- II.* Epà son; il la supporta gaiement et avec plus de patience et d'égalité d'ame, qu'on en eût pu attendre d'un homme de cour, vieilli dans l'habitude du luxe, des plaisirs et de la faveur. Il survécut peu à cette épreuve ; c'était un homme léger, aimable, trop étranger par caractère aux avoir secousses politiques d'une révolution, pour pu y prendre une part dangereuse.

Les biens du clergé étaient toujours l'objet des délibérations, les discussions n'étaient guères qu'une forme à remplir de part et d'autre ; le clergé avait manqué le moment de les sauver; avant la réunion des ordres, sa conduite versatile et expectante, avait aigri ceux qui l'attaquaient, et découragé ceux qui voulaient le défendre. Les sacrifices tardifs, faits par la né, cessité, n'appaisèrent point; et, lorsque la discussion fut ouverte, le décret était déja porté. L'abbé Mauri, si fameux ensuite, commença à cette époque, le plan qu'il suivit avec une con stance et une assurance, qui devinrent un mé, rite personnel; arrêté à Péronne, renvoyé dans l'assemblée, il sentit que le parti du courage était le seul assuré dans les oppositions révolu tionnaires ; il obtint ce qu'il voulait, la célébrité due au défenseur infatigable d'une cause vaincue; son éloquence, plus faite pour la chaire que pour la tribune, lui fut plus utile qu'à son parti,

II. Ep. et souvent même il nuisit à sa cause, et fit 1789. croire qu'il voulait plutôt l'avoir défendue que gagnée: on remarqua dans la suite, qu'il fut le seul dont la révolution ait amélioré l'existence personnelle; il traita la question des biens du clergé scolastiquement, méthodiquement et théologiquement; il fut écouté: d'autres, après lui, se répétèrent sur les mêmes bases et sur les mêmes principes; enfin, l'évêque d'Autun, Talleyrand-Périgord, s'éleva à la hauteur des idées politiques ; il établit que la nation devait les frais du culte et l'entretien de ses ministres, et qu'au-delà de ce terme, le reste était propriété nationale. Cependant on ne prononça pas encore le système de l'assemblée était de laisser les questions majeures, se mûrir par la discussion dans l'opinion publique, de se laisser devancer par elle, et de ne prononcer qu'après elle, lorsque les décrets étaient tellement prévus, que le succès en était assuré; que le fonds des biens ecclésiastiques fût une propriété nationale, on ne pouvait pas le révoquer en doute, puisque à chaque vacance, ils n'appartenaient à aucun indivídu; il n'en était pas de même de l'usufruit acquis, il l'était à chaque individu par un contrat fondé sur les lois préexistantes, qui lui en assu raient la jouissance, au prix de plusieurs sacrifices faits antérieurement, et que la nation ne pouvait plus lui rendre: peut-être même cette

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forme de s'en servir en eût évité la dilapidation; II. Ept mais en révolution le bien suffit, le mieux est trop prétendré. Cette première question fut encore ajournée, et ne fut décidée qu'après la translation de l'assemblée à Paris. Rien ne paraissait pouvoir y mettre obstacle: un décret la décidait, une proclamation du roi, adressée aux provinces les rassurait sur les motifs de son séjour à Paris, et annonçait l'arrivée prochaine de l'assemblée nationale. Cependant des inquiétudes et des méfiances, vraies pour les uns, feintes ou suggérées pour d'autres, et pour tous effet inséparable des premiers moments d'une liberté conquise, obligèrent les deux partis à chercher des mesures pour hâter ou éloigner le jour de ce changement. On témoigna des craintes sur la sûreté des députés dans Paris; on voulut renouyeler le décret d'inviolabilité; Mirabeau s'y opposa, et ses motifs n'étaient pas tranquillisants; il bornait cette inviolabilité à l'action des tribunaux civils. Tout citoyen, dit-il, a sans doute le droit de me dire que je suis un sot, sans manquer au décret ; c'était dire que tout député pou yait être insulté impunément.

Une députation de la commune de Paris vint calmer les craintes, et protesta du respect et de l'attachement des citoyens de la capitale. Quel ques jours avant, sur la dénonciation d'un dé puté qui, pris pour un autre, avait été arrêté et

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II'. Ep. menacé sur le chemin de Paris à Versailles, l'assemblée passa assez légèrement à l'ordre du jour; le député cherché était Virieu, l'un des principaux moteurs des assemblées constituantes du Dauphiné; mais qui, étonné de la rapidité des événements, s'était détaché du parti populaire, et rallié à Mounier, son collégue. Le dénonciateur était Malouet, ancien intendant de la marine, connu par son opposition aux actes arbitraires de l'ancien régime, mais dont le discernement politique ne sut pas se tenir au cours des événements, et dont les talents furent inutiles à la chose publique, et nuisibles à lui-même, faute de cette flexibilité de conduite et d'opinion que commande impérieusement le bien public, toutes les fois que les circonstances sont plus fortes que les hommes. Enfin, on prit le parti de combattre l'inquiétude de l'avenir par la peur du moment; on répandit des bruits alarmants, on menaça d'invasions nocturnes dans les demeures de certains députés. Plusieurs maisons se trouvèrent marquées de différents signes, comme pour les désigner; on finit par faire desirer le séjour de 15 oct. Paris comme plus.sûr, La dernière séance se tint à Versailles le 15, et fut ajournée au 19, à Paris. Cette dernière séance commença l'abolition de la distinction des ordres. Chacun avait encore conservé une forme de séparation par les places qu'ils occupaient dans la salle; il fut décrété

que,

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