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11 Ep. teur supposait des moyens à sa suite, et en imposa. Les mêmes femmes furent ensuite chez le roi tout s'y passa en compliments et en bouquets.

Dans la soirée, les attroupements augmentèrent; les escadrons de gardes-du-corps furent mis en bataille dans la cour du château ; la garde nationale de Versailles fut réunie aux deux bataillons de Flandre; elle occupait un côté de la cour, vis-à-vis des gardes-ducorps; dans l'intervalle qui les séparait, les hommes armés, arrivant de Paris, se tenaient épars ou rassemblés en groupes. Les propos, inévitables dans les circonstances, amenèrent des rixes. Un officier des gardes-du- corps, Savonières, menaça un de ces hommes; la querelle amena des voies de fait; l'officier frappa de son sabre, et reçut un coup de fusil qui lui cassa le bras.

L'histoire la plus impartiale, ne peut approcher l'exacte vérité, que sur les bruits les plus accrédités, et les pièces les plus authentiques. L'historien même, témoin des événements, n'a pu voir qu'autour de lui: au reste, qu'il soit prouvé qu'une violence a été provoquée, il faudrait prouver encore que le provocateur n'avait pas l'intention préméditée d'amener les suites de sa provocation; et déja l'art de faire naître les événements dont on avait besoin, était connu

et pratiqué dans les partis opposés; cependant, II. Ep. ces premières tentatives eurent peu de suite.

Vers les huit heures du soir, les gardes 'du roi reçurent ordre de se retirer; on savait que l'armée parisienne s'avançait, et le plan sage était pris d'éviter toute occasion de compromettre les citoyens et les troupes. Pendant que le dernier escadron des gardes défilait sous un portique du château qui conduit à la chapelle, et qui sépare les cours, des jardins, une décharge partit de la troupe de la garde nationale de Versailles, et blessa plusieurs gardes-du-corps dans leur rang. Il fut dit que cette décharge fut provoquée par des. coups de pistolets, partis des dernières troupes en retraite. Aucun citoyen ne périt dans cette journée; il n'en reste pas moins possible que des coups de pistolets aient été tirés sans effet. Ce dernier acte fut le signal d'une irruption qui se contenait à peine; on courut à l'hôtel des gardes-du-corps : tout fut pillé, détruit, plusieurs massacrés, et le désordre ne cessa qu'à l'arrivée de la garde nationale de Paris. L'ordre et la discipline y étaient déja établis, et sa présence en imposa : à sa suite s'était portée une foule nombreuse du peuple de Paris.

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L'assemblée nationale avait levé sa séance du soir, vers les dix heures; mais bientôt, au miHeu de la nuit, une proclamation au son du tambour, la convoqua dans tous les quartiers de la

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11. Ep. ville. A la principale porte, ceux des députés qui s'y rendaient, trouvaient une invitation de monter au château ; plusieurs y allèrent; d'autres, arrivant par la porte latérale, se réunirent dans la salle; elle était remplie d'une foule de plusieurs milliers de personnes que la pluie avait forcées d'y chercher asile. Le grand nombre était des femmes; elles remplissaient les loges, occupaient les siéges des députés, criaient, chantaient, buvaient, et présentaient le spectacle le plus bizarre et le plus inquiétant; une d'elles, remarquable par sa taille et ses manières, s'était emparée du fauteuil du président, et en imitait les fonctions, la sonnette à la main. Les représentations que quelques députés essayèrent de lui faire, sur la dignité du lieu, furent mal reçues et sans effet.

Cette étrange scène se prolongea assez longtemps; et ce qui se trouvait de membres de l'assemblée, environ cent, ne purent parvenir à former la séance: enfin, ceux qui s'étaient rendus chez le roi, revinrent à la salle. On obtint de dégager quelques bancs inférieurs, les autres restant occupés, on parvint à ouvrir la délibération; il pouvait s'y trouver environ trois cents députés et quatre mille auditeurs, dont les intentions n'étaient pas très-connues.

On chercha d'abord l'ordre du jour. L'assemblée, conservant cette dignité qu'elle ne perdit

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jamais dans les circonstances difficiles, mit à l'or. II. Ep. dre du jour, la discussion sur le code criminel: des cris, du pain, du pain! avaient souvent. interrompu. La discussion, une fois établie, se soutint assez tranquillement jusqu'à ce qu'un homme, assis sur les bancs supérieurs, interrompit l'orateur, et, élevant la main, dit : « Nous << n'avons pas besoin ici de belle éloquence, c'est << des subsistances, c'est du pain qu'il nous faut.»

On fit relire le décret rendu le matin, pour la formation d'un comité de subsistances, et la discussion se rétablit. Mirabeau, alors prenant la parole avec cet empire du caractère et du talent, peut-être aussi avec l'assurance que lui donnait l'état connu des événements, gourmanda durement l'assistance, et leur dit que :

Lorsque les représentants du peuple avaient l'indulgence de permettre aux citoyens d'as« sister à leurs délibérations, le respect et le silence étaient le premier devoir des citoyens >> Son geste, son air, sa voix déja connue, en im-、 posèrent, et le reste de la séance fut respecté.

Vers les trois heures du matin, lui-même, motivant son opinion avec des réticences qui furent senties, proposa de lever la séance, et. son avis fut accueilli sans peine.

Tout était tranquille au dehors; toute cette multitude, fatiguée de la marche qu'elle avait faite par un temps pluvieux, s'était répandue

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11. Ep. et dispersée dans les maisons de la ville; la garde du château n'avait pas même été doublée; les grilles étaient fermées négligemment; les seuls gardes-du-corps, de service journalier, occupaient leur poste dans l'intérieur. Soit imprévoyance, soit défaut de moyens, aucune mesure extraordinaire et de sûreté publique.... On ne peut mieux commencer, le récit de cette journée fameuse, que par le début du rapport fait l'année suivante à l'assemblée, à l'occasion de la procédure commencée par le Châtelet, et dont le résultat dénonçait deux membres de l'assemblée nationale, Mirabeau et d'Orléans. Suivant la loi, les magistrats venaient déposer la procédure sur le bureau, pour attendre le droit de poursuivre. Ce rapport, qui ne peut être suspect de partialité, puisqu'il conclut qu'il n'y a pas lieu à accusation, commence ainsi Procès- << Un attentat horrible a été commis le 6 octobre. « Les ministres de la loi ont recherché les cou

verbal.

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pables; et, venus dans cette enceinte, ils vous. << ont dit : Le secret est découvert, et les cou« pables sont assis entre vous.

Vous avez ordonné, dans votre affliction pro« fonde, à votre comité d'éclairer ce cruel mys« tère, et je vous apporte le fruit de ses soins. Quelque calme avait succédé aux agitations. qu'éclairèrent ces jours à jamais célèbres de << la révolution.

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