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Trois cent trente-quatre voix, la détention ou la mort conditionnelle.

C'était cinquante-trois voix de majorité pour la mort. Alors, Vergniaud se leva, et, d'une voix profondément émue:

- Je déclare au nom de la Convention, dit-il, que la peine qu'elle prononce contre Louis Capet, est la peine de mort!

On introduisit les défenseurs; ils lurent une lettre du roi.

Dans cette lettre, Louis protestait de son innocence, et faisait appel à la nation.

Malesherbes, étourdi par le jugement, se troubla, balbutia, demanda à être entendu le lendemain, avouant que son émotion était telle, qu'il avait besoin de ce délai pour rasseoir ses esprits.

Alors, Tronchet et Desèze, moins émus, firent observer à l'Assemblée que cette majorité de cinquante-trois voix, déjà si faible lorsqu'il s'agissait de trancher une pareille question, n'était en réalité que de sept voix, puisque quarante-six voix demandaient un sursis.

La Convention rejeta tout; une pareille situation ne pouvait durer la terre, mouvante sous les pieds, pouvait s'ouvrir d'un moment à l'autre et lancer des flammes.

La mort fut maintenue sans sursis, sans appel, et, comme la séance avait fini à onze heures du soir, on ordonna, par mesure de sûreté publique, une illumination générale.

Celui qui, ignorant ce qui se passait, fût entré cette

nuit-là dans Paris, et qui eût vu toutes ces fenêtres illuminées, tout ce peuple courant par les rues, emportant la terrible nouvelle, eût demandé quelle fête étrange c'était. C'était la fête de la mort.

Le lendemain, un de ceux qui avaient voté cette mort, Lepelletier de Saint-Fargeau, dînait dans un restaurant souterrain du Palais-Royal. Au moment où il payë au comptoir, un jeune homme s'approche de lui.

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Êtes-vous Saint-Fargeau? demande-t-il.

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Vous avez cependant l'air d'un homme de bien.

- Je crois l'être.

ainsi.

Alors, vous n'avez pas voté la mort?

Je l'ai votée, monsieur; ma conscience le voulait

Tiens, voilà ta récompense!

Et il lui passa un sabre au travers de la poitrine.

Cet homme, c'était un ex-garde du corps, nommé Pâris.

Ce n'était pas pour tuer Lepelletier de Saint-Fargeau qu'il était venu là, c'était pour tuer le duc d'Orléans. Il faisait partie d'une association de cinq cents royalistes qui avaient juré de sauver le roi. Ne s'étant trouvé que lui, vingt-cinquième, à un rendez-vous donné, il avait perdu cet espoir, et il avait résolu d'agir pour son propre compte, et de protester contre la mort du roi avec le sang d'un régicide. Lepelletier de Saint-Fargeau se trouva sous sa main, il le tua; il eût tué tout autre à sa place et comme lui,

Mais, comme ce n'était point Lepelletier de Saint-Fargeau, comme c'était le duc d'Orléans qu'il voulait tuer, il resta encore huit jours à Paris, et, le 26 janvier seulement, franchit la barrière.

Une fois hors de Paris, il fit route à pied, déguisé en garde national, les cheveux coupés à la jacobine. La nuit du dimanche au lundi, il coucha à Gisors, qu'il quitta le lendemain au point du jour; arrivé à Gournay, au lieu de continuer à suivre la grande route, il prit le chemin qui conduit à Forges-les-Eaux, chemin presque impraticable pour tout autre qu'un fugitif.

Le lundi 31 janvier, il arriva à Forges-les-Eaux et alla se loger dans une petite auberge où il eût sans doute été ignoré s'il n'eût laissé échapper des propos contre-révolutionnaires et montré les armes dont il était porteur, entre autres un couteau-poignard enfermé dans une canne. En soupant, il but beaucoup, puis il se retira dans sa chambre; alors, on l'entendit se promener de long en large, et l'on s'étonna que le voyageur fatigué ne se couchât point; dés curieux montèrent, regardèrent par le trou de la serrure, et le virent à genoux, baisant à plusieurs reprises sa main droite.

Le lendemain, le citoyen Auguste, comme l'appelle Prudhomme, vint dénoncer Pâris à la municipalité; seulement, comme Pâris avait tué Saint-Fargeau par hasard, Auguste tuait Pâris: il ignorait que c'était lui, le signalement du meurtrier n'étant pas encore parvenu dans la commune, et l'assassinat de Saint-Fargeau n'y étant connu que par les journaux,

Aussitôt les officiers municipaux détachèrent trois gendarmes qui s'acheminèrent vers l'hôtel du Grand Cerf, pour inviter Pâris à se rendre au bureau municipal. Ils entrèrent dans la chambre où Pâris était couché et lui demandèrent d'où il venait, où il allait, s'il avait un passeport ou un congé.

Il répondit qu'il venait de Dieppe, qu'il allait à Paris, qu'il n'avait point de passe-port et que jamais il n'avait servi; après cette interpellation, les gendarmes l'invitérent à se rendre à la municipalité; il dit qu'il allait y aller, fit un mouvement sur le côté droit, prit sous son traversin un pistolet à deux coups et se brûla la cervelle.

Les gendarmes s'élancèrent à l'explosion. Pâris s'était tué roide.

On trouva sur lui un portefeuille dans lequel était renfermée une somme de mille deux cent huit livres en assignats, une fleur de lis argentée, et sur sa poitrine deux papiers teints de sang.

Le premier était un extrait des registres de la paroisse Saint-Roch, délivré le 18 septembre de l'année précédente, et qui contastait que Pâris était né le 12 novembre 1763, et, par conséquent, était âgé de trente ans.

Le second était son congé de lieutenant de la garde du roi, en date du 1er juin 1792.

Au dos de ce congé était écrit de sa main :

« Mon brevet d'honneur! Qu'on n'inquiète personne, personne n'a été mon complice dans la mort heureuse du scélérat de Saint-Fargeau. Si je ne l'eusse pas rencontré sous ma main, je faisais une plus belle action, je purgeais la

France du régicide, du patricide, du parricide d'Orléans. » Qu'on n'inquiète personne. Tous les Français sont des lâches auxquels je dis :

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Peuple dont les forfaits jettent partout l'effroi,
Avec calme et plaisir j'abandonne la vie.

Ce n'est que par la mort qu'on peut fuir l'infamie
Qu'imprima sur nos fronts le sang de notre roi. »

L'Assemblée accorda une somme de douze cents livres une fois payée au citoyen Auguste, dénonciateur de Pâris.

LI

Le roi insulté en entrant au Temple. La cravate et les gants.

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Le Mercure de

Le 1er janvier. L'opinion publique. L'Ami des lois. M. Brunier médecin. Un arrêté de la Commune. - Impassibilité du roi en apprenant sa condamnation. France et le logogriphe. Attente du sursis. leaux de louis. Le billet du roi à la Commune.

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Les trois rou

Le conseil

- Décret de la Convention.

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Voyons ce qui s'est passé au Temple pendant ce long débat qui a duré du 26 décembre au 17 janvier.

Le roi était rentré au Temple entouré des mêmes précautions que la première fois; mais ces précautions n'avaient pu empêcher qu'il ne fût insulté.

En rentrant, il avait donné un exemplaire de sa défense à Cléry, et il en avait fait passer un à la reine par l'entre

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