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permis à l'accusé. Les jugės, au contraire, doivent se maintenir dans les bornes les plus exactes de la retenue et de la circonspection, et se garder d'insulter à son malheur.

» La plupart des réponses du ci-devant roi ont été insignifiantes, et cela devait être; il est fâcheux què certains journaux accrédités les aient rapportées infidèlement. L'opinion vole rapidement sur ces feuilles légères, et ne rétrograde qu'avec peine. Ét. Feuillant et Audoin, que nous avons déjà relevés, font dire au président : « Pourquoi >> avez-vous donné l'ordre de tirer sur le peuple? » et font répondre au prévenu: « C'est que le château était menacé, >> et, comme j'étais autorité constituée, je devais me défen» dre. » Cette demande aurait dû certainement être faite, ainsi que plusieurs autres auxquelles Barrère n'a pas songé; mais la réponse n'a pas plus existé que la demande. Comment concevoir que des journalistes mettent dans la bouche d'un accusé des aveux si péremptoires lorsqu'il ne les a pas faits. Si Louis avait prononcé ces mots, il n'en faudrait pas davantage; son procès serait jugé, il se serait lui-même condamné à mort. Mais, partout ailleurs, il a avancé précisément le contraire.

» Le président ne lui a pas demandé non plus : « Pourquoi vous-même avez-vous pris la cocarde blanche du temps des gardes du corps? »

>> Le fait n'a jamais été raconté ainsi; c'est avilir la nation que de lui faire plaider le faux pour savoir le vrai, et laisser trop beau jeu à Louis Capet pour nous donner un démenti.

» Quoi qu'il en soit de ces réflexions, Louis s'est décidé

à tout; car, autant que possible, et soutenant jusqu'au bout son premier caractère, toutes les fois qu'il a donné des réponses vagues, il a menti. Rien n'est plus aisé que de reconnaître l'écriture d'un ci-devant roi de France. Sa signature se trouve partout. Eh bien, il a nié presque toutes les pièces écrites de sa main. Il a osé démentir des faits dont la conviction est dans tous les cœurs. Il a dit comme Charles Stuart, qu'il n'avait jamais attenté à la liberté de la nation, et que ce n'était point lui qui avait fait verser le sang.

» Au reste, en lisant le procès-verbal de l'interrogatoire on voit assez combien la cause des rois est mauvaise, et, en même temps, combien ils sont inutiles. Ce que Louis a dit de plus sensé est ceci : « J'ai fait ce que m'a conseillé >> le ministre; j'ai nommé ceux que m'a présentés le mi»nistre. » Il ne dit pas que ces ministres, il les avait choisis contre-révolutionnaires. Ailleurs, il se défend de diverses imputations qu'on allègue, en disant que cela regardait le ministre. Que conclure de là? C'est que, de l'aveu des rois eux-mêmes, le ministre fait tout et le roi rien.

» Cette comparution de Louis Capet est plus humiliante pour les rois que ne le serait la mort même, car il a répondu en accusé ; il n'a point méconnu le pouvoir suprême de la nation, il n'a défendu sa cause que par des mensonges grossiers et manifestes; il a avoué qu'un roi était inutile. Leur cause est déjà jugée lorsque Louis ne l'est pas encore. La mort n'avilit pas, le crime seul fait la honte.

» Louis a fini par demander un conseil : il eût mieux

fait de commencer par là. Quoiqu'il eût eu quatre mois pour réfléchir dans sa prison, il ne paraît pas s'être bien préparé. Rien de précis, rien de saillant, rien de lumineux dans ses réponses. »

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Au reste, cette demande d'un conseil avait, chose étrange, jeté le désordre dans l'Assemblée. Après le départ du roi, on agita tumultueusement cette question. Un grand nombre de représentants, et Prudhomme, lui-même, ne peut s'empêcher de s'écrier: « Ces hommes sans doute avaient des entrailles de fer! »> un grand nombre de représentants voulaient s'opposer à ce que cette grâce, nous nous trompons, à ce que cette justice fût accordée au roi. La séance fut orageuse; on se dédommagea du long silence qui s'était fait pendant l'interrogatoire; on cria, on s'injuria; le président se couvrit, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'on accorda au roi un droit que la loi protectrice de tous confère au dernier des assassins.

Le conseil fut accordé.

Le lendemain, la Convention nomma des commissaires tirés de son sein, qui allèrent demander au roi quel était le conseil qu'il avait choisi.

Il avait choisi Target, l'ancien membre de la Constituante, qui avait le plus contribué à la rédaction de la Constitution.

Target manqua au mandat qu'il recevait, il refusa lâchement, il pålit de crainte devant son époque pour rougir de honte devant la postérité.

A la place de Target qui refusait, trois défenseurs se présentèrent :

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Lamoignon de Malesherbes, Tronchet et Jourdat.
Louis n'accepta que Malesherbes.

Sur le refus de Target, il avait d'abord demandé Tronchet; mais Tronchet était à la campagne, et ne fut prévenu que deux jours après; lorsqu'il arriva, Malesherbes était choisi.

Il n'en avait pas moins accepté, il n'en avait pas moins écrit au ministre cette lettre que nous transcrivons ici. C'est un titre de noblesse que ni la révolution de 1793,. ni celle de 1848 n'essayeront d'abolir, nous l'espérons :

« Citoyen ministre,

» Entièrement étranger à la cour, avec laquelle je n'ai jamais eu aucune relation directe ou indirecte, je ne m'attendais pas à me voir arracher au fond de ma campagne, à la retraite absolue à laquelle je m'étais voué pour venir ` concourir à la défense de Louis Capet.

>> Si je ne consultais que mon goût personnel et mon caractère, je n'hésiterais pas à refuser une mission dont je connais toute la délicatesse et peut-être le péril.

» Je crois cependant le public trop juste pour ne pas reconnaître qu'une pareille mission se réduit à être l'organe passif de l'accusé, et qu'elle devient forcée dans la circonstance où celui qui se trouve appelé d'une manière si publique ne pourrait refuser son ministère sans prendre sur lui-même de prononcer, le premier, un jugement qui-serait téméraire avant tout examen des pièces et des moyens de défense, et barbare après cet examen.

» Quoi qu'il en soit, je ne dévoue au devoir que m'inspire l'humanité. Comme homme, je ne puis refuser mon secours à un autre homme sur la tête duquel le glaive de la justice est suspendu. Je n'ai pu vous accuser plus tôt la réception de votre paquet, qui ne m'est parvenu qu'à quatre heures du soir à ma campagne, d'où je suis parti aussitôt pour me rendre à Paris. Au surplus, je vous prie de recevoir le serment que je fais entre vos mains, et que je désirerais rendre public, que, quelque soit l'événement, je n'accepterai aucun témoignage de reconnaissance de qui que ce soit sur la terre.

>> Je suis, etc.,

>> TRONCHET. »

Deux lettres suivirent celle-ci : l'une de Lamoignon de Malhesherbes; l'autre, d'un M. Jourdat, de Troyes.

Toutes deux demandaient à défendre le roi, elles étaient toutes deux adressées à la Convention.

Voici eelle de Malesherbes :

<< Citoyen président,

» J'ignore si la Convention donnera à Louis XVI un conseil pour le défendre et si elle lui en laissera le choix; dans ce cas, je désire que Louis XVI sache que, s'il me choisit pour cette fonction, je suis prêt à m'y dévouer; je ne vous demande pas de faire part à la Convention de mon offre, car je suis éloigné de me croire un personnage assez important pour qu'elle s'occupe de moi; mais j'ai été ap

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