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NEW YORK

DE

QUATRE-VINGT-TREIZE

XLIV

Le roi entouré de son escorte.

majesté. Route du cortége.

Son impassibilité.

Aspect sans

- Santerre introduit le prisonnier. Silence de l'Assemblée. - Interrogatoire du roi par le président de la Convention.

A la porte de la rue, le roi avait trouvé une armée, cavalerie, infanterie, artillerie; à la tête du cortége, un escadron de gendarmerie nationale; derrière cet escadron, trois pièces de canon avec leur roulement sourd et funèbre; puis la voiture du roi, flanquée d'une double ligne d'infanterie; puis un régiment de cavalerie de ligne, puis des canons formant l'arrière-garde.

Tout cela était prêt au feu; les fourgons étaient bourrés de gargousses, chaque fusilier avait seize cartouches dans sa giberne. Les arbres des boulevards, les contre-allées, les portes et les fenêtres des maisons, ne montraient que

des têtes superposées, dont les yeux ardents, curieux ou attendris cherchaient le roi.

Hélas! le roi était ce qu'il était toujours, non pas un roi plein de force, de mélancolie et de dignité, comme Charles Ier par exemple, mais un gros homme à l'œil myope et terne, au teint jauni par le cachot, à la barbe blonde mal plantée, mal venue, poussée depuis que les rasoirs lui avaient été enlevés; ses mouvements étaient lourds, timides, sans majesté. Comme il était arrivé au voyage de Varennes et au 10 août, il devait arriver ce jour-là : les gens accourus pour plaindre ne plaignaient pas, les indifférents devenaient rieurs, les rieurs huaient; beaucoup disaient :

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- Voyez, ce n'est plus même un roi qui passe, c'est le spectre de la royauté.

Le cortége suivit le boulevard, prit la rue des Capucines et la place Vendôme pour se rendre à la Convention. Pendant toute la route, le roi, avec une atonie étrange, se penchant en dehors, non pas pour émouvoir son peuple, mais pour reconnaître les lieux par lesquels il passait, disait : « Ah! voilà telle rue... Ah! voilà tel monument...

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Il passa devant les portes Saint-Martin et Saint-Denis, les regarda comme s'il ne les eût jamais vues; puis, se retournant vers le maire :

Laquelle de ces deux portes, demanda-t-il, doit-être abattue par ordre de la Convention?

Arrivé dans la cour, Santerre descendit de cheval, et, la main posée sur le bras du prisonnier, le conduisit à la barre de la Convention.

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A la vue du roi, un profond silence règne dans l'Assemblée.

Le président lui dit :

-Louis, la nation française vous accuse; la Convention nationale a décrété, le 3 décembre, que vous seriez aujourd'hui amené à sa barre. Vous allez entendre la lecture de l'acte énonciatif des faits. Louis, asseyez-vous.

Louis s'assied.

Un secrétaire lit l'acte énonciatif des faits.

Le président dit ensuite :

Louis, vous allez répondre aux questions que la Convention nationale me charge de vous faire.

» Le peuple français vous accuse d'avoir commis une multitude de crimes, pour rétablir votre tyrannie en détruisant sa liberté.

» Vous avez, le 20 juin 1789, attenté à la souveraineté du peuple en suspendant les assemblées de ses représentants, et en les repoussant par la violence du lieu de leurs séances. La preuve en est dans le procès-verbal dressé au Jeu de paume de Versailles, par les membres de l'Assemblée constituante. Qu'avez-vous à répondre?

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Louis Il n'y avait, dans ce temps-là, aucune loi qui existât sur cet objet.

Le président : Le 23 juin, vous avez voulu dicter des lois à la nation. Vous avez entouré de troupes ses représentants; vous leur avez présenté deux déclarations royales éversives de toute liberté, et vous leur avez ordonné de se séparer. Vos déclarations et les procès-verbaux de l'As

semblée constatent ces attentats. Qu'avez-vous à répondre?

Louis Même réponse que la précédente.

Le président : Vous avez fait marcher une armée contre les citoyens de Paris; vos satellites ont fait couler leur sang, et vous n'avez éloigné cette armée que lorsque la prise de la Bastille et l'insurrection générale vous ont appris que le peuple était victorieux. Les discours que vous avez tenus les 9, 12 et 14 juillet aux diverses députations de l'Assemblée constituante font connaître quelles étaient vos intentions, et les massacres des Tuileries déposent contre vous. Qu'avez-vous à répondre?

Louis: J'étais maître de faire marcher les troupes comme je voulais, dans ce temps-là. Jamais mon intention n'a été de faire répandre le sang.

Le président : Après ces événements, et malgré les promesses que vous aviez faites le 15, dans l'Assemblée constituante, et, le 17, à l'hôtel de ville de Paris, vous avez persisté dans vos projets contre l'Assemblée nationale. Vous avez longtemps éludé de faire exécuter les décrets du 11 août, concernant l'abolition de la servitude personnelle, du régime féodal et de la dime; vous avez longtemps refusé de reconnaître la déclaration des Droits de l'homme; vous avez augmenté du double le nombre de vos gardes du corps, et appelé le régiment de Flandre à Versailles; vous avez permis que, dans des orgies faites sous vos yeux, la cocarde nationale fût foulée aux pieds,

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