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qu'on m'offrit au nom de la Convention; ma vengeance me suffisait. Le lendemain, l'armoire fut découverte, les papiers qu'elle renfermait furent déposés sur le bureau de la Convention. L'année suivante, Louis XVI et Marie-Antoinette montèrent sur l'échafaud.»

Gamain avait-il déjà fait cette déclaration lorsque commença le procès? Non, tout porte à le croire. Quand la fitil? quand raconta-t-il cette infamie? Lorsque les têtes de Louis XVI et de Marie-Antoinette eurent roulé sur l'échafaud sans doute ces têtes coupées lui apparaissaient dans ses songes et retrouvaient une voix pour l'accuser; cette voix, il crut la faire taire en accusant à son tour.

Au reste, l'armoire de fer tuait à la fois un vivant et un mort, une existence et une réputation.

La squelette de Mirabeau y avait été retrouvé une bourse à la main.

Depuis longtemps, le fait des relations de Mirabeau circulait, mais à l'état de bruit que rien ne justifie, sinon cet instinct populaire qui se trompe si rarement; grâce à l'armoire de fer, ces soupçons devinrent une certitude.

La réaction contre Mirabeau fut égale à l'admiration; l'infamie dont on l'accabla, pareille aux honneurs qu'on lui avait rendus.

Nous avons sous les yeux une gravure qui représente le squelette de Mirabeau assis sur le Livre rouge; mais sa tête a conservé la chair, et, par conséquent, la ressemblance. Le spectre tient d'une main une bourse pleine d'or et appuie l'autre sur la couronne de France.

Le buste de Mirabeau fut enlevé de la salle des séances; on brisa l'écriteau de la rue qu'il avait habitée et qui avait échangé son premier nom contre celui de rue Mirabeau-lePatriote. Enfin, le 25 novembre 1793, sous le coup de l'impression produite par l'assassinat de Marat, la Convention « décrète que le corps d'Honoré-Riquetti de Mirabeau sera retiré du Panthéon français, et que, le même jour, celui de Marat y sera transféré. »

Le Panthéon était trop petit pour contenir trois morts : Voltaire, Mirabeau, Marat; pour que Marat entrât, il fallait chasser Mirabeau.

Notez que

phe :

Marat y était entré à la suite de ce paragra·

« Considérant qu'il n'est point de grands hommes sans vertus... >>

Que devint le corps de Mirabeau? Nous l'avons suivi au Panthéon, essayons de le suivre aux gémonies.

Le jour même où le décret fut rendu, le fossoyeur du cimetière Sainte-Catherine reçut l'ordre anonyme, mais officiel cependant, de creuser une fosse à l'angle du cimetière, à gauche en entrant.

La fosse creusée, un étranger qui assistait à l'opération donna l'ordre à cet homme de se retrouver, le lendemain au point du jour, à la même place.

Il obéit.

Au point du jour, un fiacre s'arrêta à la porte et un cercueil en sortit.

Ce cercueil fut descendu dans la fosse et recouvert immédiatement de terre.

Quatre persounes seulement assistaient à cette inhumation, et l'une d'elles, en se retirant, laissa tomber pour oraison funèbre ces paroles sur la tombe :

- Pauvre Mirabeau, qui eût dit, il y a un an, que Clamart deviendrait ton Panthéon!

Voilà tout ce qui reste de probabilité sur le lieu où gît la dépouille mortelle de cet Encelade qui avait si rudement secoué le trône, que lui-même ne put le raffermir. Revenons au roi.

Sa contenance devant l'Assemblée avait été ce qu'elle était toujours, terne, molle, chancelante; à tout prendre, à part les révélations faites par l'armoire de fer, ses accusateurs étaient assez mal instruits. Les principaux griefs qu'ils eussent pu lui reprocher, nous ne les avons connus nous-mêmes qu'en 1815, lorsque le retour des Bourbons avec les armées alliées qu'avait appelées Louis XVI, et qui ne purent répondre à son appel que vingt-deux ans après qu'il eut été fait, permit à chacun de se faire un mérite de ses crimes, une auréole de ses trahisons.

Aussi voyez de quoi l'accuse la Convention? Principalement de choses amnistiées, de Nancy, du champ de Mars, de Varennes. Entre ces événements et l'accusation du 11 décembre 1792, une chose importante et à laquelle on ne fait pas attention existe qui amnistie le roi c'est son acceptation de la Constitution en septembre. Pourquoi ce bis in idem vis-à-vis du roi, par la seule raison qu'il est roi?

:

Ils sont si mal informés du reste, ils ignorent tant de choses, qu'ils ignorent même la véritable situation du roi

vis-à-vis de l'émigration, et surtout en face de ses frères. L'émigration, malgré les protestations secrètes du roi, malgré ses lettres aux souverains, ne pardonne pas à Louis XVI les concessions qu'il fait chaque jour à l'esprit révolutionnaire. En coiffant le bonnet rouge, Louis XVI a abdiqué la

couronne.

Vis-à-vis de ses frères, c'est bien pis encore. Il sait la haine profonde de MM. d'Artois et de Provence contre la reine; il sait qu'ils ne rentrent que pour déshonorer la reine et faire de lui ce que l'on faisait de ces rois fainéants, rameaux du vieux trône carlovingien, qu'on poussait dans un couvent, après leur avoir fait revêtir une robe de moine. La nouvelle de la mort de Louis XVI fut agréable à Coblence: on y dansa le soir du jour où on l'apprit.

XLVII

Opinions des feuilles du temps sur le procès du roi.—Louis demande un conseil.- La Convention l'accorde. Il choisit Target, qui refuse lâchement: - Malesherbes se présente, le roi l'accepte. Lettre de Malesherbes. Dévouement d'Olympe de Gouges. Conduite odieuse de la Commune.

Belle lettre de Tronchet.

- Desèze. Entrevue du roi et de Malesherbes..

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Les cent sept

pièces du procès. La lecture en dure huit heures.

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Souper

des conventionnels. — Cinquante et une pièces nouvelles. La fluxion. Le dentiste refusé. - Brutalité de la Commune.

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Louis XVI avait deux choses à faire, il ne fit ni l'une ni l'autre. Il pouvait refuser de répondre à la Convention; ou noblement, fièrement, en chevalier, comme avait fait

Charles Ier, il pouvait répondre au nom de la royauté, non-seulement tout dire, tout avouer, mais se vanter de la lutte, mais continuer le combat.

Et, chose étrange, il eût été soutenu par les journaux les plus révolutionnaires.

Voyez plutôt Prudhomme, dont nous avons consigné plus d'une fois le fanatisme, Prudhomme qui ne parle de lui qu'en l'appelant l'ogre, le tyran, le monstre.

Jetez les yeux sur son journal:

« Il n'est point douteux que, si Louis eût eu les talents et la sagacité de Charles, ou plutôt, s'il eût cru d'abord que c'était là un procès criminel, il eût dit à la Convention :

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Vous ne pouvez me juger, ni d'après la Constitution, ni d'après le droit naturel; d'après la Constitution, il faudrait une haute cour nationale, et je ne la vois point ici; d'après le droit naturel, vous ne pouvez pas être les représentants d'une nation comme juges et comme législateurs. Les mêmes hommes ne peuvent faire les lois et les appliquer; je vous récuse. »>

Il continue:

« Mailhe, secrétaire chargé de communiquer les pièces à Louis Capet, remplissait sa mission avec un air de mépris et d'inhumanité révoltant dans un juge. Placé devant le prévenu, il lui remettait les papiers par-dessus son épaule, sans se détourner, sans le regarder, et, lorsque Louis niait l'authenticité de certaines pièces, Mailhe lui disait d'un air ironique: « Ah! ah! » On a remarqué, dans le procès du roi d'Angleterre, que Charles est le seul à qui soient échappées de pareilles exclamations. Mais tout est

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