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Madame, lui dit-il, vous voyez dans quel but nous vous sommes envoyés; c'est afin que, d'après notre rapport, l'ordre actuel du Temple soit changé. Quels sont les premiers soins qui peuvent vous être agréables, pour aujourd'hui même ?

Eh bien, demanda Madame, faites-moi donner du bois, et puis...

Madame s'arrêta, hésitant.

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- Que Madame daigne achever, dit Harmand.

- Et puis je voudrais avoir des nouvelles de mon frère, ajouta-t-elle.

Les commissaires n'avaient pas même eu l'idée qu'on eût empêché le frère et la sœur de se voir.

Madame, répondit Harmand, nous avons eu l'honneur de le voir, avant de monter chez vous.

Puis, timidement, car cette demande avait été si souvent faite et si souvent refusée:

-Pourrais-je le voir? s'informa la princesse.

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Où est-il?

Ici, sous votre appartement; nous allons faire en sorte que vous puissiez le voir et communiquer ensemble quand cela vous conviendra.

A ces mots, Harmand salua et se retira avec ses collègues, en donnant des ordres au nom du gouvernement, pour que les deux illustres prisonniers fussent désormais traités avec plus d'égards.

Nous avons raconté comment le prince était mort. Ma

dame Royale resta donc seule au Temple, de toute la famille.

Elle y resta cinq mois encore; puis, un jour, après une détention de quarante mois, les portes s'ouvrirent.

A quelle circonstance ce dernier rejeton de la famille dut-il son salut? On l'ignore; seulement paraît dans l'histoire une supposition étrange restée à l'état de supposition.

L'ambition de Robespierre aurait ménagé l'orpheline dans le but, le jour où il serait arrivé au dictatorat, d'en faire sa femme et de rallier ainsi à lui tout le parti royaliste.

C'est ici surtout qu'est applicable le credo quia absurdum.

Et cependant, mademoiselle de Robespierre, sœur de Maximilien de Robespierre et de Robespierre jeune, mademoiselle de Robespierre, vieille fille fanatique de son frère, qui n'avait pas, à travers l'Empire et la Restauration, quitté le costume de la République, mademoiselle de Robespierre touchait du gouvernement de Louis XVIII úne pension de trois mille francs.

En somme, voici comment l'échange de la princesse se fit. A peine le 9 thermidor eut-il amené sa clémente réaction, à peine les guillotinades se furent-elles un peu arrê tées, que l'empereur François fit près du gouvernement français une ouverture pour réclamer sa nièce.

Le gouvernement français répondit qu'il était prêt à renvoyer madame Royale, à la condition que, de son côté, l'empereur d'Autriche rendrait la liberté :

1° Aux conventionels Camus, Quinette, Lamarque et

Bancal, et à l'ex-ministre de la guerre Beurnonville, livré par Dumouriez, le 1er avril 1793.

2o A Maret et à Semonville, ex-envoyés diplomatiques de la Convention, arrêtés par les Autrichiens, en juillet 1793.

3o A Drouet, ex-conventionnel et maître de poste à Sainte-Menehould, fait prisonnier en octobre 1792.

L'empereur accepta.

Le 19 novembre 1795, madame Royale sortit du Temple et fut conduite à Rechen près Bâle, où elle fut reçue au nom de l'empereur, par le prince de Gèvres.

Là, l'échange se fit sans aucune cérémonie, et comme s'il se fût agi de simples particuliers.

Puis Madame partit pour Vienne.

Aussitôt qu'elle fut arrivée, l'empereur, sans rien dire à sa nièce, alors âgée de dix-huit ans, s'occupa de lui cher cher une alliance digne d'elle.

Le prince Charles, notre ennemi passé et futur, celui qui devait jusqu'à la fin lutter avec la France; qui, tout glorieux encore de notre défaite de Nerwinde et des campagnes sur le Rhin, devait aller perdre en Italic, contre un jeune général, connu seulement par la journée du 13 vendémiaire, une portion de cette auréole de gloire; le prince Charles se mit sur les rangs pour épouser madame Royale, et devant lui tout autre concurrent se retira.

Mais Louis XVI avait, avant de mourir, exigé un serment de sa fille.

Dans cette prévision de l'avenir qui se révèle parfois aux yeux des mourants, le roi avait deviné que la mort de

son fils suivrait rapidement la sienne, et il avait fait promettre à sa fille que, dans ce cas, si elle-même échappait à ses bourreaux, elle n'épouserait personne autre que le fils du comte d'Artois, auquel devait, après le dauphin Louis-Xavier, appartenir un jour la couronne, si la royauté était jamais rétablie en France.

La fille de Louis XVI, fidèle au serment prêté, déclara donc qu'elle n'épouserait jamais que le fils de M. le comte d'Artois.

Ce fut ainsi qu'elle devint duchesse d'Angoulême et qu'elle vit, sous ce titre, et malgré les prévisions de son père, lui échapper cette couronne, dont elle-même, à défaut de la réalité, posa l'ombre sur la tête de son neveu Henri V.

ANNEXE

TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE

SÉANCE DU 23 DU PREMIER MOIS DE L'AN II DE LA RÉPUBLIQUE

(15 octobre 1793)

PRÉSIDENCE DU CITOYEN HERMANN

PROCÈS DE

MARIE-ANTOINETTE DE LORRAINE D'AUTRICHE, Ve CAPET

L'accusée étant introduite et assise sur le fauteuil, le président lui demande quel est son nom. Elle répond :

Je m'appelle Marie-Antoinette de Lorraine d'Autriche. LE PRÉSIDENT. Votre état?

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Je suis veuve de Louis, ci-devant roi des

Votre âge?

Trente-huit ans.

LE PRÉSIDENT. Voici ce dont on vous accuse; prêtez une oreille attentive; vous allez entendre les charges qui vont être portées contre vous.

LE GREFFIER fait lecture de l'acte d'accusation, ainsi conçu :

• Antoine-Quentin Fouquier, accusateur public près le

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