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N'avez-vous pas passé la nuit du 9 au 10 dans la chambre de votre frère, et n'avez-vous pas eu avec lui des conférences secrètes qui vous ont expliqué le but et le motif de tous les mouvements et préparatifs qui se faisaient sous vos yeux?

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- J'ai passé chez mon frère la nuit dont vous me parlez; jamais je ne l'ai quitté; il avait beaucoup de confiance en moi, et cependant je n'ai rien remarqué dans sa conduite, ni dans ses discours, qui pût m'annoncer ce qui s'est passé depuis.

- Votre réponse blesse tout à la fois la vérité et la vraisemblance, et une femme qui a manifesté, dans tout le cours de la Révolution, une opposition aussi frappante au nouvel ordre de choses, ne peut être crue, lorsqu'elle veut faire croire qu'elle a ignoré la cause des rassemblements de toute espèce qui se faisaient au château la veille du 10 août. Voudriez-vous nous dire ce qui vous a empéchée de vous coucher cette même nuit?

Je ne me suis point couchée parce que les corps constitués étaient venus faire part à mon frère de l'agitation des habitants de Paris et des dangers qui pouvaient en résulter.

Vous dissimulez en vain, surtout d'après les différents aveux de la femme Capet, qui vous a désignée comme ayant assisté à l'orgie des gardes du corps, comme l'ayant soutenue dans ses craintes et ses alarmes, le 10 août, sur les jours de Capet et sur tout ce qui pouvait l'intéresser. Mais ce que vous niez infructueusement, c'est la part active que vous avez prise à l'action qui

s'est engagée entre les patriotes et les satellites de la tyrannie. C'est votre zèle et votre ardeur à servir les ennemis du peuple et à leur fournir des balles, que vous preniez la peine de mâcher, comme devant être dirigées contre les patriotes, et destinées à les moissonner. Ce sont les vœux contre le bien public, que vous faisiez pour que la victoire demeurât aux partisans de votre frère, et les encouragements en tout genre que vous donniez aux assassins de la patrie. Que répondez-vous à ces derniers faits?

Tous ces faits qui me sont imputés sont autant d'indignités, dont je suis loin de m'être souillée.

Lors du voyage de Varennes, n'avez-vous pas fait précéder l'évasion honteuse du tyran, de la soustraction des diamants dits de la couronne, appartenant alors à là nation, et ne les avez-vous pas envoyés à votre frère d'Artois ?

Ces diamants n'ont point été envoyés à d'Artois; je me suis bornée à les déposer entre les mains d'une personne de confiance.

Voudriez-vous nous désigner le dépositaire de ces diamants, ou nous le nommer?

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M. de Choiseul est celui que j'avais choisi pour faire ce dépôt.

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Que sont devenus les diamants que vous dites avoir confiés à Choiseul?

- J'ignore absolument quel a pu être le sort de ces diamants, n'ayant point eu l'occasion de revoir M. de Choiseul, et je ne m'en suis nullement occupée.

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Vous ne cessez d'en imposer sur toutes les interpellations qui vous sont faites, et particulièrement sur le fait des diamants; car un procès-verbal du 12 décembre 1792, bien rédigé en connaissance de cause, par les représentants du peuple, lors de l'instruction de l'affaire relative au vol de ces diamants, constate, d'une manière sans réplique, que lesdits diamants ont été envoyés à d'Artois.

Ici, l'accusée garde le silence.

N'avez-vous pas entretenu des correspondances avec votre frère, le ci-devant Monsieur?

Je ne me rappelle pas en avoir entretenu, surtout depuis qu'elles sont prohibées.

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N'avez-vous pas secouru et pansé vous-même les six blessures des assassins envoyés par votre frère aux Champs-Élysées, contre les braves Marseillais?

Je n'ai jamais su que mon frère eût envoyé des assassins contre qui que ce soit; s'il m'est arrivé de donner des secours à quelques blessés, l'humanité seule a pu me conduire dans le pansement de leurs blessures. Je n'ai point eu besoin de m'informer de la cause de leurs maux, pour m'occuper de leur soulagement. Je ne m'en fais point un mérite; mais je n'imagine pas que l'on puisse m'en faire un crime.

Il est difficile d'accorder ces sentiments d'humanité dont vous parlez avec cette joie cruelle que vous avez montrée en voyant couler des flots de sang, dans la journée du 10 août. Tout nous autorise à croire que vous n'êtes humaine que pour les assassins du peuple, et que

vous avez la férocité des animaux les plus sanguinaires pour les défenseurs de la liberté.

>> Loin de secourir ces derniers, vous provoquiez leur massacre par vos applaudissements; loin de désarmer les massacreurs du peuple, vous leur prodiguiez à pleines mains les instruments de mort à l'aide desquels vous vous flattiez, vous et vos complices, de rétablir le despotisme de la tyrannie.

» Voilà l'humanité des dominateurs des nations qui, de tout temps, ont sacrifié des millions d'hommes à leurs caprices, à leur ambition ou à leur cupidité.

» L'accusée Élisabeth, dont le plan de défense est de nier tout ce qui est à sa charge, aurait-elle la bonne foi de convenir qu'elle a bercé le petit Capet, dans l'espoir de succéder au trône de son père, et qu'elle a ainsi provoqué le retour à la royauté?

Je causais familièrement dans ma prison avec cet infortuné, qui m'était cher à plus d'un titre; et je lui administrais, en conséquence, les consolations qui me paraissaient les plus capables de le dédommager de la perte de ceux qui lui avaient donné le jour.

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C'est convenir en d'autres termes que vous nourrissiez le petit Capet des projets de vengeance que vous et les vôtres n'avez cessé de former contre la liberté et que vous vous flattiez de relever les débris d'un trône brisé, en l'inondant de tout le sang des patriotes.

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Mot de l'accusateur public.

Refus de laisser venir un prêtre non assermenté. - La salle des morts. - Le fichu partagé. - L'auréole de jeunesse.

- La vingtroi. —Ré

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troisième sur la charrette. Éloge de la sœur du ponse a M. de Saint-Pardoux. - Elle suit son frère partout. Les femmes nobles qui l'accompagnent. · Le dernier baiser. Appréciation des vertus de madame Élisabeth. Dernier acte du 10 mai.

Cet interrogatoire terminé, Fouquier-Tinville conclut à la mort, et les jurés, interpellés par lui, prononcèrent, en leur âme et conscience, que la princesse avait mérité la mort.

En même temps qu'elle, comme nous l'avons dit, furt condamné toute la famille Loménie de Brienne, ainsi que la veuve et le fils de Montmorin, l'ancien ministre, tué le 2 septembre au massacre des prisons.

Le jeune homme avait vingt-deux ans.

Aussi, en voyant autour de madame Élisabeth, outre la famille de Brienne outre madame de Montmorin et, son fils, mesdames de Fenozan, de Montmorency, de Sérilly et un vieux courtisan, le comte de Sourdeval, l'accusateur public, dit agréablement :

Eh bien, de quoi donc se plaint-elle? En se voyant, au pied de la guillotine, entourée de sa fidèle noblesse, elle pourra se croire encore à Versailles.

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